Prédication 6 février 2022

Vous avez raté le culte du 6 février dernier ? Retrouvez la prédication du Pasteur Olivier PUTZ ici !

Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Josué, chapitre 20, versets 1 à 9.

Durant ces 2 dernières semaines, le lectionnaire qu’est « Parole pour tous » nous invitait à relire le livre de Josué. Au cours de la semaine dernière, nous avons déjà prêché sur ce livre. Nous réitérons en ce dimanche de la transfiguration du Seigneur. Nous le faisons avec joie, car toute la Bible est parole du Seigneur, Ancien comme Nouveau testament. Toutes les paroles divines contenues dans Bible sont une bonne nouvelle pour nous. C’est pour cela que nous prêcherons sur ce texte de Josué.

L’enjeu majeur qui est le nôtre, est de découvrir en quoi ce texte qui raconte l’installation du peuple hébreu en Canaan, a une pertinence pour notre vie d’aujourd’hui ? En quoi ce texte, qui a 2500 ans et qui sent l’ancienneté désuète, nous permet de prendre de la distance, par rapport aux préoccupations de l’homme contemporain ?

Prendre de la distance est probablement le maître mot. Dieu, en nous invitant à méditer sa Parole, nous propose de mettre de la distance. Distance nécessaire pour discerner quelles sont nos futiles illusions, des éléments essentiels à notre vie. Distance entre notre pensée et notre action. Distance entre nos réactions et nos jugements.

Invitation à prendre de la distance donc. C’est précisément l’idée centrale qui est véhiculée dans le passage que nos Bibles intitulent « les villes refuges ».

Récapitulons :

Josué a conquis Canaan sur les habitants autochtones qui y résidaient. Il a partagé la terre donnée par Dieu entre les différentes tribus hébreux. Puis il désigne, toujours sur commande de Dieu, six villes qui formerons un tissus de villes-refuges. Ces villes-refuges sont des asiles. Le meurtrier qui fuira la vengeance, y trouvera la paix jusqu’à son jugement. Ainsi, toute personne qui commettra un meurtre, « sans le vouloir » précise le texte, pourra gagner ces villes-refuges. Elle saura protéger, le meurtrier qui passe d’un statut de tueur à celui de présumé coupable.

Prenons de la distance si vous le permettez.

Après avoir conquis la terre promise et installer les douze tribus, Josué met en place une institution qui se nomme la justice. Toute personne qui a tué par « méprise alors que d’habitude il ne le détestait pas » dit le texte, peut obtenir un jugement. Pour échapper à la vengeance, le présumé meurtrier ira dans une ville qui est loin d’où il habite. Une distance physique est mise d’avec le lieu du drame. Tout comme il mettra une distance temporelle, puisque le jugement se déroulera en décaler d’avec l’acte commis.

Que retenir de cette parole pour notre quotidien ?

Tout d’abord l’importance de la justice. Pour que le vivre ensemble se déroule en conformité avec la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans la paix et l’harmonie, la mise en place de la justice est fondamentale. C’est la première institution que Josué fonde après la répartition du territoire entre les tribus hébreuses. La justice est la garantie que les tribus ne vont pas se faire la guerre. Car qu’est-ce que la vengeance, si ce n’est la prémisse des guerres ? N’oublions pas que la nature humaine est orientée vers la cupidité, l’avidité, et le désir insatiable d’obtenir ce que possède l’autre. René Girard n’a cessé de le démontrer dans tous ses ouvrages. C’est ce qu’il nommait le mimétisme de la violence. Un objet, un bien ou une personne, prennent de la valeur parce que l’autre la possède. Nous désirons ce que l’autre a ! Voilà la source de notre humanité sans Dieu. Voilà la source de ce que nous nommons le péché. Pour y remédier, Dieu offre sa justice.

Il n’y a que la justice qui permet de corriger ce travers. Le mot justice « Tsedeka » en hébreu, est d’ailleurs le mot le plus cité dans l’Ancien testament. Les six cent treize commandements divins, les « mitzvot » ne sont-ils pas une volonté divine de règlementer les rapports en Dieu et les hommes et entre les hommes entre eux ?

La justice, volonté de Dieu, essence de Dieu, est donc au coeur du vivre ensemble biblique. Au moment où nous réfléchissons à quel président nous allons élire, invitons la volonté divine dans notre discernement. Qui, parmi les candidats à la présidentielle, parle de justice ? Comment mettre en place des institutions qui permettent de vivre plus de justice entre les hommes ? Comment échapper à la violence de la vengeance, à la violence tout court sans l’impératif de justice ? Nous ne déclinerons pas les différents types de justice, justice politique, sociale, économique, … Car toutes déclinent de la volonté divine de vivre ensemble dans la paix et l’harmonie. Tel est la volonté de Dieu. Tel est l’engagement de chaque chrétien. Que la justice puisse être notre aiguillon dans notre discernement.

La deuxième chose que nous pouvons retenir après l’importance de la justice, est la notion de refuge.

Josué institue six villes, réparties équitablement sur le territoire, pour devenir des villes-refuges. Ces cités offriront une protection à tout présumé coupable jusqu’à son jugement.

עָרֵ֣יהַ מִּקְלָ֔ט

Ces villes refuges ont une saveur particulière dans le souvenir huguenot. Elles nous rappellent nos propres villes-refuges lorsque Louis le Grand décida en 1685 de chasser les protestants de son royaume. Ce furent des milliers de personnes qui quittèrent la France pour gagner, non pas Sichem, Hébron ou Betsèr mais Amsterdam, Londres ou Berlin. Triste histoire que cette migration de la population la plus instruite et la plus industrieuse de France. Puisse cette histoire s’inviter dans notre quotidien ! N’oublions pas que nous, les huguenots, nous avons trouver asile au moment des persécutions ! Cela renforce pour nous, l’importance de la notion de refuge et d’asile. Nos ancêtres ont en bénéficié. De quelle manière nous aussi, nous nous inscrivons dans cette logique de donner asile à celui qui est chassé, persécuté ?

Donner asile. C’est organiser. Cela veut dire mettre en place une instance qui lui est consacré et qui est efficace dans son domaine. Nous avons, modestement certes, mis en place notre association d’entraide. Donner asile. Ce n’est pas seulement aider une personne à passer un cap difficile. Donner asile, construire la justice, c’est aussi donner de l’espoir. En regardant le mot hébreu qui désigne les villes de refuge, le mot refuge a une racine, un mot qui désigne le lieu, la place. Le refuge, c’est le lieu, la place qui donne de l’aide. Comme toujours en hébreu les mots sont polysémiques. Ce même mot désigne aussi l’espoir. Le refuge, bibliquement parlant, c’est le lieu où l’asile est donné et où l’espoir renaît.

Cela parait évident me direz-vous. Donner de l’aide, c’est redonné de l’espoir. Oui, vous avez raison. Mais mesurons-nous la portée de cette évidence ? Mesurons-nous qu’à chaque fois que nous inscrivons nos pas dans plus de justice nous augmentons l’espoir des personnes qui nous entoure ? Mesurons-nous qu’à chaque fois que nous repoussons la violence (d’où qu’elle vienne et de quelque nature soit-elle) nous faisons avancer l’espoir d’un monde plus juste ? Mieux, nous réalisons cet espoir. Certes pour une personne, une famille. Oui, pour une personne, une famille.

Une dernière chose. La racine du mot qui désigne le refuge ou l’espoir, désigne également en hébreu l’offrande ou le sanctuaire. Toute la logique hébraïque devient lumineuse. Accorder son aide en organisant un lieu où une personne trouvera refuge, c’est non seulement lui ouvrir une espérance, c’est également obéir à la volonté divine de plus de justice, et qui plus est, cela a la valeur d’une offrande aux yeux de Dieu.

La personne que nous recevons et à qui nous donnons asile. L’institution qui opère pour plus de justice. Tout cela revient à édifier un sanctuaire éthique où la parole de Dieu prend forme dans l’attitude bienveillante à l’égard des plus fragiles.

En désignant des villes refuges, Dieu demande à Josué d’établir des espaces de protection où une distance est possible. Distance par rapport à la violence inhérente à notre humanité. Distance éthique où l’espoir est possible. Distance nécessaire où la justice peut s’établir.

Loin d’être un texte qui justifie l’implantation des hébreux en Canaan, ce texte est aussi parole d’Evangile. Cette bonne nouvelle qui nous rappelle l’importance de la justice dans nos rapports avec tous les êtres humains. Justice qui n’émane pas de nos volontés humaines, mais qui est parole divine. Parole à laquelle chacun de nous doit obéir.

Amen.

Pasteur Olivier PUTZ

Dimanche 6 février 2022, Rennes

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