Prédication du 20 août 2023

Vous avez raté le culte du 20 août ? Retrouvez la prédication de Rémy Hubscher.
Prédication tirée du texte : Matthieu 15 : 21-28

« Pouvons-nous vivre en fraternité avec des personnes qui ne sont pas chrétiennes ? »

 

C’est par cette question à double tranchant que notre pasteur a entamé la dernière séance de Soif de Sens l’an passé.

Comme vous pouvez l’imaginer, cela a suscité du débat.

On voit que la réponse n’est pas évidente.

Jésus, de son côté, répond à la Cananéenne : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »

C’est-à-dire : je ne suis là que pour le peuple juif.

 

Je vous parlais des vacances en début de culte et nous sommes très heureux, ma femme et moi, d’avoir découvert la Suède cet été.

 

C’est un pays principalement Luthérien pour 87 % de sa population, qui a tendu les bras à énormément de migrants au cours des deux dernières décennies, atteignant le record en Europe du nombre de migrants accueilli par habitant en 2015.

 

Pendant cette crise migratoire, 160 000 personnes ont demandé l’asile politique en Suède pour une population de 10 millions d’habitants.

 

En 2019, 1 personne sur 5 de la population suédoise est née à l’étranger et on passe même à 1 personne sur 3 en comptabilisant les personnes dont l’un des parents est né à l’étranger.

 

Si on peut regarder ces chiffres avec admiration, le système atteint ses limites et cette politique d’immigration est aujourd’hui considérée comme un échec sur l’échiquier politique : Sociétés parallèles, présence de gangs, surcharge des services publics.

 

Face à ce constat, la Suède a depuis rendu plus stricte sa politique migratoire, notamment sur les aides et services rendus aux migrants les reléguant à des travaux subalternes.

 

Faut-il pour autant baisser les bras, se barricader chez soi et ne pas regarder ce qui se passe au-delà de nos frontières ? Faire la sourde oreille à la souffrance du monde ?

 

 

L’universalisme du message de Jésus et l’humanité de Jésus

 

La première lecture du texte de Matthieu nous donne envie de rester sur une note plus joyeuse.

 

Jésus, dont la mission est grande, souhaite se consacrer à l’évangélisation du peuple Juif, la communauté qu’il connaît et qu’il compte bien réformer.

 

Il va de ville en ville évangéliser les foules et faire des miracles.

 

Sur son chemin de Tyr à Sidon au Liban actuel, une femme l’interpelle.

 

On nous décrit cette femme comme une étrangère car elle vient d’un peuple polythéiste, mais on nous dit aussi qu’elle vient de Canaan, la terre promise où elle habite justement.

 

D’ailleurs, Tyr et Sidon se trouvent en Canaan et Jésus est justement en chemin entre ces deux villes.

 

Apparemment elle parle une langue que Jésus comprend, mais il fait la sourde oreille.

 

Ses disciples ne supportent pas de l’entendre crier et demande à Jésus de la renvoyer avant qu’elle fasse un esclandre.

 

Bien que Jésus soit juif, la femme cananéenne reconnaît en lui son Seigneur. Elle sait qu’il peut l’aider, elle voit en lui son seul espoir pour sauver sa fille tourmentée par un démon.

 

Elle est prête à tout pour que Jésus la regarde et aie compassion de sa situation.

 

Jésus la repousse une première fois en lui disant qu’elle ne fait pas partie des brebis perdues de la maison d’Israël qu’il est venu évangéliser.

 

Mais la femme insiste et se prosterne à ses pieds.

 

Jésus la repousse une seconde fois en lui disant qu’il ne peut vraiment rien faire pour elle.

 

Il utilise pour ce faire une métaphore extrêmement violente car il va jusqu’à comparer les juifs à des enfants et les non-juifs à des chiens.

 

La femme ne s’offusque pas, et en toute humilité rappelle à Jésus que contrairement aux pains qu’on enlèverait de la bouche des enfants, tout un chacun peut entendre Jésus et sa bonne nouvelle ; et que les miettes lui suffisent, à elle, pour profiter de son message.

 

Ce texte nous rappelle que Jésus est un homme. Occupé par sa mission, il souhaite se concentrer sur le peuple juif, car il y a déjà beaucoup à faire. Il sait que s’il s’arrête à chaque demande personnelle il n’a pas fini.

 

Mais c’est une femme qui lui rappelle que son message est universel et s’applique à tous les humains. Grâce à sa foi, Jésus reconnaît qu’elle a raison et accepte de lui parler.

 

On remarquera ici le courage et l’abnégation de cette femme qui après avoir été repoussée deux fois par Jésus, par sa foi, finira par recevoir la bénédiction de Jésus et à obtenir la guérison de sa fille.

 

Par la suite, tout le ministère de Paul sera tourné à la fois vers les juifs mais aussi vers les non-juifs, comme il nous l’explique dans sa lettre aux Romains.

 

Il explique qu’on peut avoir été élevé dans une famille chrétienne sans pour autant rester dans l’arbre et inversement venir d’un autre arbre et être greffé au projet de Dieu.

 

 

L’épuisement

 

Attardons-nous un peu cependant, sur les doutes et inquiétude de Jésus.

 

Ne risque-t-il pas l’épuisement à se détourner ainsi de sa mission ?

 

Il sait qu’il ne suffit pas d’ouvrir les portes des synagogues aux non-juifs pour leur permettre d’entrer et de devenir juifs.

 

Quand on parle de sociétés parallèles, on parle de cadre de loi différents, d’une définition et d’une compréhension du bien et du mal différentes, du fonctionnement de l’impôt et des services que l’on attend de l’état, parfois même d’une langue différente.

 

Est-ce vraiment possible pour lui, fils de David, d’évangéliser d’autres peuples que le peuple Hébreux ?

Ne va-t-il pas changer de cap et s’égarer sur ce chemin ?

 

Mais la foi de la femme cananéenne est grande et forte, elle n’attend pas grand-chose de Jésus, un seul mot, une bénédiction pour elle et sa fille alors qu’il passe sur son chemin.

 

Elle ne demande pas à Jésus de se détourner pour venir voir sa fille. Le seul fait qu’il la regarde et lui parle est déjà un soulagement.

 

 

Cher frères et sœurs, quand bien même nous ouvririons les portes de nos maisons et donnerions nos chemises, cela ne suffirait pas à accueillir toute la misère du monde.

 

Mais nous ne devons pas pour autant fermer nos portes et fenêtres sans regarder notre prochain

 

Est-ce que cette femme est devenue chrétienne ?

 

A priori oui, puisque Jésus lui dit : ô femme ta foi est grande.

 

Est-elle devenue sœur de Jésus suite à cette discussion ? Difficile à dire.

 

Mais faut-il être frère et sœur pour regarder l’autre comme son prochain ?

 

Le message de Jésus nous sauve en tant que personne par la foi, mais ne nous met pas dans un groupe d’élus séparés du reste du monde.

 

– Sommes-nous tous frères et sœurs en humanité ?

– Sommes-nous frères et sœurs avec ceux qui ont les mêmes valeurs que nous ?

– Sommes-nous frères et sœurs en Christ ?

 

Peut-être que la question fondamentale est autre.

 

Notre humanité nous invite à nous mettre au service de notre prochain, non pas pour mettre en place un assistanat long terme, mais pour l’aider dans un moment difficile de sa vie à regagner son autonomie.

 

Aujourd’hui, les politiques migratoires tendent à être de plus en plus restrictives par ce sentiment de peur et de repli communautaire sur soi.

 

Mais Jésus nous invite à regarder au-delà, à être à l’écoute de notre entourage, non pas pour priver de pain les enfants, mais pour accepter de partager les miettes lorsqu’elles font déjà la différence.

 

« Aie compassion de moi, Seigneur fils de David. »

« Ô femme, grande est ta foi ; qu’il advienne ce que tu veux. »

 

Une seule parole de Jésus et sa fille est guérie

 

Il n’a pas été facile pour Jésus de s’ouvrir à cette femme. Par deux fois, il a essayé de justifier pourquoi il ne voulait pas s’occuper d’elle.

 

Comme pour le Christ, il ne nous est pas facile de nous ouvrir aux d’autres, avec nos différences, avec nos préjugés, avec la barrière de la langue et des convenances.

 

Mais de la même manière que Jésus décide de se mettre à l’écoute et de changer son regard, il nous faut nous aussi nous mettre à l’écoute des personnes que l’on croise pour entrer dans la rencontre.

 

Ne pas nous enferrer dans notre conception du monde : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » Mais accepter de changer notre regard, comme Jésus, lorsque nous nous sommes trompés.

 

« C’est vrai Seigneur, d’ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres… »

 

Qu’à notre tour, notre foi soit notre force pour ouvrir un chemin de justice et de compassion sans nous laisser stopper par le statu quo.

 

En regardant notre prochain, peut-être découvrions-nous un frère ou une sœur.

 

Amen

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