Prédication du dimanche 7 avril 2024

Joyeuse Pentecôte 2024 ! Puissiez-vous sentir la présence réconfortante de l'Esprit saint aujourd'hui et toujours ! Prédication réalisée à partir de l’Évangile selon Jean, chapitre 20, versets 19 à 29.

Je vous entends déjà vous étonner : La Pentecôte ? Mais on vient à peine de fêter Pâques ! La Pentecôte, comme son nom l’indique « Pentekoste », a lieu 50 jours après Pâques, enfin !

C’est effectivement ce qui est relaté dans les Actes des Apôtres, récit qui fait référence dans notre tradition. Mais force est de constater qu’il y a une autre version de Pentecôte dans ce passage de l’Évangile de Jean.

Tout comme il y a différents récits de la découverte du tombeau vide selon les Évangiles, on peut considérer qu’il y a deux récits de Pentecôte, et celui-ci en est un !

Dans cet évangile, Pâques et Pentecôte ont lieu le même jour : la résurrection est indissociable du don du saint Esprit et de l’envoi des disciples. Comme pour dire que la résurrection n’a aucun sens si elle n’est pas partagée :  le tombeau vide entraine d’emblée le témoignage.

Ce dimanche-là, 1er jour de la semaine, la vie l’a emporté. Pâques, signifie « passage » et les disciples vont en connaitre plusieurs : celui de la peur qui enferme, à la joie qui déborde et celui du statut de disciple, au statut d’apôtres, d’envoyés, osons le mot, de missionnaires !

 

Revenons à notre récit :

 

Le soir même de la résurrection, les disciples sont enfermés, portes verrouillées, peut-être dans la pièce où ils avaient partagé quelques jours plus tôt, le dernier repas avec Jésus, celui en qui ils avaient mis toute leur foi. Et voici qu’en quelques heures, après ce repas, tout s’est précipité. Trahi, arrêté, jugé, on l’a crucifié sur le bois de la croix comme le pire des criminels et on l’a déposé au tombeau.

Stupéfaction de le découvrir vide ce matin-là, le choc est immense… On imagine bien qu’ils soient un peu perdus, les disciples, on les comprend.

Il leur avait bien dit pourtant qu’il ressusciterait, il leur avait bien dit qu’ils ne seraient pas seuls et que l’Esprit saint leur serait envoyé ! Mais pour l’heure, la douleur est trop grande et la peur d’être à leur tour arrêtés les maintient prisonniers. Ah la peur qui fige, qui paralyse et nous rend immobiles. Le tombeau a beau être vide ce jour-là, les disciples sont enfermés dans un autre tombeau, celui de la confusion du deuil.

Sauf que la résurrection est un mouvement, une puissance de vie irrépressible qui se rit des fermetures, qui les rend ridicules ! Elle fait sauter les verrous de la mort, les portes de tous nos tombeaux, et soulève toutes les pierres qui empêchent la vie de jaillir.

Mais les disciples avaient sans doute besoin d’un petit peu de temps pour digérer tous ces événements, ce qui explique peut-être qu’ils soient toujours enfermés au même endroit, une semaine plus tard…

Il est apparu deux fois de façon similaire. La première fois, Thomas n’était pas là et lorsque ses amis lui partagent leur joie, il ne peut pas y croire s’il ne voit pas le Seigneur de ses propres yeux. Thomas a souvent été critiqué dans la tradition chrétienne comme celui qui manque de foi, celui dont le doute n’est pas un exemple à suivre. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi, je l’aime bien, Thomas, je le trouve même plutôt admirable. En fait, je trouve sa démarche assez protestante. Il fait partie de ces gens qui ne se satisfont pas des on dit, des « il parait que », qui ne croient pas sur parole tout ce qu’on peut leur dire parce que c’est l’Église qui le dit ou des personnes qui ont une certaine autorité. Il veut vérifier par lui-même, il aspire à une rencontre personnelle avec le Christ, qui lui permettra ensuite d’être véritablement témoin, de savoir de quoi il témoigne.

A nouveau donc, Jésus apparaît malgré les portes fermées, à nouveau il annonce la paix, à nouveau il montre ses blessures. Il va jusqu’à répondre exactement à la demande de Thomas. Se mettant à son niveau, il s’approche de lui avec ses mots et catégories propres : « Mets ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. » Alors Thomas n’a plus besoin de toucher et formule une des plus belles confessions de foi de toute la Bible : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Rencontre personnelle, conversion, confession de foi personnelle.

Par sa façon de se présenter, Jésus nous donne un enseignement très inspirant pour aujourd’hui, lorsque nous témoignons de notre foi. Il ne cache pas ses cicatrices, au contraire, il assume ses blessures parce que ce sont elles qui témoignent de son histoire, de sa trajectoire de vie. Il est le crucifié-ressuscité.

Il nous encourage aujourd’hui à faire de même, à oser nous montrer vulnérables lorsque nous témoignons de notre foi. Parce que ce sont aussi nos blessures qui disent notre histoire et rendent notre parole authentique et crédible.

Certains ne s’en sentent pas capables, certaines ne se jugent pas à la hauteur et n’osent pas.

Et pourtant rappelons-nous ! Dieu avait besoin d’un père pour son peuple et il choisit un vieillard. Alors Abraham se leva.

Il avait besoin d’un porte-parole

Il choisit un timide qui bégayait. Alors Moïse se leva.

Il avait besoin d’un chef pour conduire son peuple

Il choisit le plus petit, le plus faible. Alors David se leva.

Il avait besoin d’un roc pour bâtir l’édifice

Il choisit Pierre, celui qui l’a renié au seuil de la crucifixion.

Il avait besoin d’un visage pour dire aux hommes son amour

Il choisit une prostituée. Ce fut Marie de Magdala.

Il avait besoin d’un témoin pour crier son message.

Il choisit un persécuteur. Ce fut Paul de Tarse. « Saint Paul » comme certains l’appellent.

Aujourd’hui, il a besoin de toi, tel que tu es, avec tes failles et tes blessures pour vivre la résurrection et l’annoncer au monde : il t’a choisi. Même si tu trembles, oseras-tu te lever ?

 

Passage de la peur à la joie, du statut de disciple à celui d’apôtre.

Ce passage a été écrit vers 90 après Jésus Christ. Il s’adresse donc aux croyants, aux chercheurs de Dieu qui n’ont pas vu le Christ de leurs propres yeux et qui n’ont que la Parole transmise pour soutenir leur foi. « Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu ! » Cela nous concerne donc directement, nous qui ne croyons que sur parole…

Il semblerait qu’il n’y ait pas grand-chose à voir dans la résurrection mais qu’il y ait cependant quelqu’un à recevoir avec le cœur. Il y a une rencontre, à vivre : une naissance, un bouleversement, un grand pardon enfin efficace à recevoir et à donner. La résurrection, en somme, c’est un mouvement à transmettre.

 

Et le texte est très clair sur la visée de tout cela :

 

« Jésus a encore produit, devant ses disciples, beaucoup d’autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-ci sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, par cette foi, vous ayez la vie en son nom. »

 

L’enjeu, c’est la vie ! Vivre une vie vraiment vivante !

 

Et si la foi, ce n’était pas de croire des choses, mais c’est avant tout d’être mis en mouvement comme témoin, donc vers les autres et devant les autres ? Et de transmettre ce mouvement parce que le mouvement c’est la vie.

Vivre la résurrection, c’est aller à la rencontre, parler de l’effet produit par le Ressuscité sur moi, sur ma relation aux autres, au monde, à la vie, à la mort. C’est parler du Ressuscité à travers ce qui m’a chamboulé, à travers ce qui est mort en moi et à travers ce qui, en moi, est né de nouveau. Parler du Ressuscité, c’est raconter comment il est arrivé au cœur de ma vie enfermée, verrouillée, et comment il m’a fait bouger. Tenter de traduire cela à chaque Thomas que je croise, dans son langage, ses catégories : transmettre ce mouvement, oui, inviter à la danse d’une vie nouvelle et libre.

Bien sûr ce ne sera pas toujours facile, et l’on connait les oppositions et persécutions qu’ont connu les disciples. Mais l’Esprit de Dieu nous permet d’habiter cette paix jusque dans les contradictions et les fractures de notre monde. Cette paix différente de celle du monde, qui rend nos blessures et nos peurs secondaires.

Ce jour-là, le Christ donne un pouvoir immense et vertigineux à ses disciples. Un pouvoir dont nous héritons aujourd’hui : « A qui vous pardonnerez les péchés ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez ils sont retenus ».  Jésus donne à chaque chrétien, à chaque chrétienne le pouvoir de pardonner en son nom, la mission de répandre la parole de réconciliation dans le monde.

Alors n’ayons pas peur, Jésus nous donne sa paix et lui, met sa confiance en nous pour le faire connaitre au monde. Prêtons-lui nos mains pour donner, nos sourires pour apaiser, nos cœurs pour aimer et nos paroles pour libérer.

Alors, il sera reconnu et beaucoup entreront dans la danse, jusqu’aux extrémités du monde. Amen.

 

Pasteure Claire OBERKAMPF

Rennes, le dimanche 7 avril 2024

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