Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Jacques, chapitre 5, versets 13 à 18, 1 Pierre, chapitre 1, versets 6 à 9 et Romains, chapitre 3, versets 3 à 8.
J’ai mis du temps à choisir les textes de cette prédication, je voulais qu’ils soient proches de moi et reflètent mes besoins et interrogations de l’instant. Je voulais entendre des paroles de joie et d’amour, des paroles d’espérance, mais je voulais aussi faire du lien : faire du lien entre les textes d’une part, affirmer leur essence commune et d’autre part tisser dans le partage des textes du lien avec vous, entre nous. Je voulais que la Parole nous parle ensemble, nous réunisse. Il s’agissait pour moi qu’un passage biblique fasse écho à un autre, que l’amour, la foi et l’espérance viennent nous nourrir ici et maintenant dans le dialogue simple et sincère de notre cœur avec le cœur du texte, afin que les écritures prennent vie à travers nous et le fait que nous les partagions. Je souhaitais que les Écritures parlent, qu’elles chantent même pour reprendre les paroles de Jacques, comme quelqu’un qui est dans la joie. Que l’écoute de la Parole soit une prière en elle-même pour celui qui souffre comme dit encore l’apôtre.
Comme vous l’aurez compris, mon intention n’est pas de reprendre ligne par ligne les textes, ni de les interpréter, mais de recevoir leur message, pour les laisser résonner en nous, comme une douce musique et pour apprendre : apprendre à reconnaître la force de la prière dans les moments difficiles certes, mais aussi dans les moments paisibles, car la prière est l’exercice de notre foi dans la plus grande intimité, la preuve de notre humilité et de notre constance dans la relation avec notre Créateur. Elie qui était un être humain de la même nature que nous – nous rappelle Jacques – a su par sa constante prière arrêter la pluie mais aussi lui permettre de reprendre son cours naturel. Alors, si quelqu’un parmi nous est dans la souffrance, qu’il prie de tout son cœur et de toute son âme, mais je voudrais aussi inverser les paroles de Jacques : Voici qu’il nous dit – je le cite une deuxième fois un plus longuement – : « Quelqu’un parmi vous est-il dans la souffrance, qu’il prie ! Quelqu’un parmi vous est-il dans la joie ? Qu’il chante. » Alors, j’ai envie de vous dire : Quelqu’un parmi vous est-il dans la souffrance, qu’il chante ! Quelqu’un parmi vous est-il dans la joie ? Qu’il prie. Que chacun et chacune trouve le mode d’expression qui est le plus proche de son être pour sentir la proximité de Dieu. Car – nous dit encore Jacques – c’est le souhait de la foi qui sauve le malade – et ne sommes-nous pas tous par moments malades du manque de paix, du manque d’amour, du manque de foi, du manque de joie ? N’avons-nous pas tous besoin de savoir quelle est notre porte d’entrée personnelle vers l’espace où règne le souffle de Dieu ?
Pierre lui, ne parle pas de joie comme Jacques, mais d’allégresse, donnant peut-être un peu plus de légèreté à la chose (il faudrait probablement retourner voir l’étymologie de ces termes qui ne sont que des traductions, mais je m’en tiendrai aux mots français utilisés ici). Pierre reconnaît que nous sommes parfois attristés par diverses épreuves et pourtant, il insiste sur l’allégresse comme expression de la force de notre foi, de la force de notre prière. Il nous fait comprendre que l’intensité de notre joie ne peut pas dépendre des aléas de notre vie, de même que l’intensité de notre prière ne devrait pas être infléchie par les tourments du quotidien. Nous savons tous – je crois – combien cette parole est difficile à mettre en pratique, mais il s’agit plus de la prendre comme une boussole, comme une orientation, car la joie, c’est ce fond d’amour profond qui trouve sa racine en Jésus Christ, notre source d’eau-vive, cette manne dans laquelle nous pouvons sans cesse puiser, car elle est intarissable. C’est l’amour qui donne forme à ce que nous vivons, mais si nous sommes coupés du Christ, nous sommes coupés de la source d’amour, de la source de joie et donc de notre foi même, ce trésor – plus précieux que l’or – qui gît dans nos cœurs. Aimer le Christ en nous, même si nous ne l’avons pas vu comme nous le dit encore Pierre, mettre notre foi en lui, voilà qui nous transporte et peut nous faire chanter d’allégresse même dans la détresse. Mais, à l’inverse aussi, chercher l’allégresse dans la tristesse nous montre le chemin vers le Christ et nous découvre son visage, car le Christ et la joie sont une seule et même chose.
L’adversité contient la détresse, il ne convient aucunement de le nier, elle est une des formes bien réelles, bien concrètes de notre existence sur terre, mais le fond de toute expérience humaine, c’est la joie de l’espérance, ce puits de lumière que nous donne la résurrection en Christ : nous pouvons transformer l’obscurité en lumière, la détresse en joie profonde, si nous prenons le temps de nous « connecter » à la source d’amour du Dieu vivant. Et c’est ainsi que nous serons sensibles et « pleins d’affection les uns pour les autres, pleins d’affection fraternelle, d’une tendre bienveillance, d’humilité », pour prendre soin de la Vie avec un grand V, de cette vie qui nous a été confiée : la nôtre et celle de notre prochain, mais aussi celle de la Création en général, avec tout ce que cela comporte de responsabilité. Pour cela, soyons humbles mettons-nous au service du Christ, car nous formons tous un même corps vivant.
Chantons et prions, si telle est la forme de notre foi, mais si ce n’est pas le cas, cherchons quels sont les dons que Dieu nous a donnés pour nous permettre de l’exprimer, selon la grâce qui nous a été accordée, pour reprendre les paroles de Paul. La vie nouvelle et pleine de joie ne pourra être nôtre que si nous accordons le fond et la forme, le fond de joie de la foi avec la forme vécue de la joie, c’est-à-dire en accordant la forme que prend notre vie avec le fond de notre cœur, comme on accorde les cordes d’un violon. Alors l’un servira, l’autre enseignera, un troisième encouragera, un quatrième fera don de soi, un autre sera doué d’une grande compassion, un autre fera le pain, un autre élèvera les animaux, réparera des voitures, construira des maisons, s’occupera des malades, élèvera ses enfants, écrira des livres, peindra des tableaux, défendra la cause de la Création et je pourrais poursuivre indéfiniment cette courte liste entamée par Paul.
Œuvrons frères et sœurs au nom de l’amour, cherchons le Bien et le Bon, la tendresse : donnons-nous des espaces de prière, de réflexion, de douceur ; demandons-nous régulièrement si nous connaissons vraiment la joie, si nous faisons le Bien, si nous sommes au service de la foi. Il ne s’agit surtout pas de nous juger, mais bien plutôt d’observer où nous en sommes pour pouvoir retourner vers plus de lumière quand nous nous en écartons, vers plus d’amour quand nous l’oublions, vers plus de don, quand nous nous refermons.
Les mots de Jacques, de Pierre et de Paul sont comme de petites lumières dans les moments de doute et dans le froid ou la solitude de l’âme, quand nous nous sentons malades, coupés de notre foi, mais aussi comme un lien fort les jours de joie, comme un rappel de notre alliance avec le Seigneur, alliance d’amour et de paix. Que les mots de prière, d’allégresse, de joie et de tendresse tissent sur notre chemin des liens d’amour entre nous, pour que nous formions – en vérité – les différents membres du corps du Christ.
Je ne serai pas beaucoup plus longue aujourd’hui, mais je terminerai en évoquant des paroles de Saint Augustin issues de ses confessions ainsi que le philosophe Nicolas Go. Augustin nous dit dans ses Confessions au livre douzième, Chapitre X : « Ô vérité, lumière de mon cœur, fais taire les ténèbres qui m’enveloppent. Je m’y suis laissé tomber et mon regard s’est obscurci ; mais du fond de ce gouffre, oui de ce gouffre, je vous ai ardemment aimée. Dans mes égarements, je me suis souvenu de vous. J’ai entendu votre voix qui, derrière moi, me disait de revenir, mais j’avais peine à l’entendre à cause du tumulte de mes passions inapaisées. Et, maintenant, voici que brûlant, essoufflé, je reviens à la source. Que personne ne m’en empêche : j’y boirai et aussi je vivrai. » Nous boirons à la source de la vérité et vivrons ainsi dans la joie, car comme l’écrit le philosophe Nicolas Go dans son livre « L’art de la joie » : « Pratiquer la joie, c’est […] unir indissolublement la création à la contemplation, interroger, plutôt qu’affirmer. »
Oui, interrogeons notre lien au monde, interrogeons notre lien à nous mêmes : Demandons-nous si nous nous traitons nous-mêmes avec douceur et tendresse. Demandons-nous si nous sommes créatifs dans nos vies. Demandons-nous si nous prenons le temps de contempler l’œuvre de Dieu. Mais, ce qui est sûr, frères et sœurs, c’est que pratiquer la joie, c’est vivre en Christ – cela je ne l’interroge pas – et je nous invite, ensemble, à créer ce chemin de joie. Amen !
Gwenn AUDIC
Dimanche 27 mars 2022, Rennes