Prédication du 14 juillet 2024

Pour le dimanche 14 juillet, notre Pasteur Hervé Stücker a choisi de s'appuyer sur l'Évangile de Marc , chapitre 6, versets 7 à 13. Il est question de l'envoi des disciples en mission.

 

Même si les douze ne partent pas sur les chemins de randonnée de Palestine pour un projet de vacances écologiques, le contexte y ressemble cependant.

Ils sont équipés au minimum et projettent un hébergement chez l’habitant qui pourvoira à leur confort, non pas pour une nuit à l’étape, mais pour toute la durée de leur séjour.

Charge à leurs hôtes de reconnaître en eux les porteurs de la parole de Dieu en échange de quoi ils pourront être exorcisés et soignés.

En termes d’aujourd’hui le projet semble bien irréel car en cas de refus d’hébergement, c’est la nuit à la belle étoile. 

Pour corser la chose, Jésus leur a interdit le kit de survie, et les tablettes de vitamines. 

 

Bien entendu, le contexte est bien différent de celui d’aujourd’hui, il ne s’agit ni de vacances, ni de pèlerinage écologique. 

Ils sont missionnaires, ils portent un message de Dieu et à ce titre-là, Jésus fait le pari qu’ils seront reconnus et reçus comme tels.

 

C’est dans cette simplicité que les auteurs des évangiles ont imaginé la première mission du vivant même de Jésus. 

Pendant des siècles ceux qui ont eu à cœur de diffuser la « bonne parole de l’Évangile » les ont imités. C’est sur leurs traces qu’ont marché Pierre Valdo le fondateur des Vaudois, les Cathares avant lui et aussi John Wesley, le fondateur du Méthodisme et au dix-neuvième et vingtième siècle les colporteurs bibliques.

 

Ils étaient tous en pleine utopie, mais leur message a porté.

Si on suit le déroulement chronologique de l’Evangile, dans l’épisode précédent Jésus a failli se faire lyncher, et c’est en prévision des difficultés qui les attendent que Jésus leur recommande de prendre un bâton, pour la marche bien entendu, car la route sera longue et le soleil brûlant.

Ils croiseront sans doute des chiens agressifs et peut être des détrousseurs de voyageurs.

Malgré tout Jésus est confiant et leur promet le gîte et le couvert à l’étape.

 

C’est bien ce dernier point qui nous pose question, car nulle part dans le monde il n’y a d’hébergement sans contrepartie, ils n’ont pas d’argent avec eux, alors avec quoi payer ? Car les gens qui vont les héberger ne sont pas riches. 

Quant à imaginer que les servantes du lieu vont se disputer le privilège de prendre soin de leur tunique poussiéreuse et de leurs pieds endoloris, il ne faut pas rêver !

Certes, ils ont pour mission de chasser les démons, guérir les malades. Encore faut-il qu’il y ait des malades et des possédés dans les lieux où ils s’arrêteront.

 

En fait, si on en croit Jésus, le monde où il les envoie est un monde idyllique où l’accueil du visiteur est rarement mis en cause, le principe de l’hospitalité ne se discute pas, le respect de l’étranger est un principe sacré.

Dans l’Évangile un tel monde s’appelle le Royaume. 

Il est prévu pour la fin des temps. Mais pour Jésus il semble déjà être une réalité.

 

Pourtant si on fait attention au texte, on remarque que Jésus n’est pas dupe. C’est vers des gens qui sont plus victimes qu’épanouis qu’il les envoie, ils sont malades, possédés par les démons et les esprits impurs.

Jésus envoie ses amis vers un monde difficile et les y prépare, mais il les place déjà dans le contexte du Royaume à venir. 

C’est le dilemme dans lequel les églises s’efforcent encore aujourd’hui d’accomplir leur mission : la réalité quotidienne d’une part et le Royaume d’autre part.


Bien entendu, quand on parle ici de démons et d’esprits impurs, il ne s’agit pas de gens qui seraient aux prises avec des manifestations diaboliques… Il faut plutôt penser à des gens soumis aux vicissitudes du moment et à toutes les détresses qu’apportent la malnutrition, la pauvreté et le manque d’hygiène. 

Si on transpose leurs difficultés dans le monde d’aujourd’hui, on parlera de fins de mois difficiles, de la hantise de perdre son emploi, des factures qui arrivent au mauvais moment, du lave-linge qui tombe en panne, sans parler des difficultés d’élever des adolescents qui n’en font qu’à leur tête.

 

Le chemin que suivent les apôtres est bien évidemment aussi le nôtre. 

Il traverse les difficultés que nous venons d’énoncer, mais en même temps, il nous fixe comme objectif la réalité du Royaume, ce monde nouveau où nous serons guéris de toutes nos angoisses. 

Mais pour cela, l’Évangile doit cesser d’être une promesse pour plus tard. 

Il doit devenir une réalité dont on verra les signes dès aujourd’hui dans les gestes d’altruisme des hommes.

 

Nous sommes donc amenés à vivre dans une double réalité : celle du monde présent avec ses injustices et sa rigueur. Et le monde de demain où pointe déjà comme une réalité promise. 

Le monde ancien est appelé à se modifier par l’action des hommes et des femmes de bonne volonté qui traduisent par leurs actions les signes d’espérance que Dieu leur suggère.

 

Même si ce changement ne se produit qu’imperceptiblement, malgré tout, c’est dans ce sens qu’il nous est demandé d’agir. Nous avons reçu de Dieu cette dose d’espérance qui nous permet de voir à travers les rigueurs de la vie quotidienne une autre réalité qui s’inscrit au plus profond de nos vies.

 

Il est évident que Jésus demande à ses apôtres d’inscrire leur mission dans un monde qui n’existe pas encore, mais dont ils doivent annoncer les promesses. 

S’il leur demande de faire comme si le gîte et le couvert les attendait à la fin de l’étape, c’est qu’il y croit aussi. 

Il sait que la chose sera parfois possible, car la parole qu’ils portent est une parole de Dieu et leurs hôtes éventuels sont aussi capables qu’eux de reconnaître la parole de Dieu qu’ils portent. 

Si les apôtres sont capables de porter la parole de Dieu, Jésus sait aussi que des hommes sont déjà capables de la discerner dans leurs propos.

 

Le cœur humain semble être conçu de telle sorte qu’il est réceptif à la parole de Dieu. 

C’est ainsi que Dieu conçoit l’évolution du monde, mais cela ne marche pas à tous les coups, c’est pour quoi Jésus leur dit de ne pas s’entêter en cas d’échec. Ils doivent aller plus loin, mais cela signifie pour eux, pas de gîte, pas de couvert et la sensation désagréable de l’échec.

Cette sensation, Jésus l’a déjà ressentie avant eux quand, au paragraphe précédent de ce même évangile, on nous a raconté l’échec de son discours à Nazareth.

 

Quoi qu’il en soit, la réalité du monde est destinée par Dieu à évoluer et à se perfectionner en vue du Royaume. Depuis l’origine des Écritures il est dit que Dieu s’ingénie à bousculer les structures du monde pour l’amener à une réalité nouvelle qui le modifiera de fond en comble. 

Aujourd’hui encore, comme depuis toujours, le monde n’obéit qu’à une seule règle : celle du pouvoir du plus fort. « La raison du plus fort est toujours la meilleure » dit le dicton, et c’est cette raison qui gère le monde jusqu’à ce que Dieu s’en mêle. Or il s’en mêle déjà.

Ainsi le brin d’herbe est mangé par le lapin qui est à son tour mangé par le renard, qui lui-même devient victime d’un prédateur plus fort que lui. C’est là une règle immuable. 

Pourtant, un jour, une poignée d’esclaves, en se révoltant contre leur oppresseur a compris que c’était Dieu qui avait inspiré leur libérateur Moïse.

C’est alors que tout a changé. Dieu a été perçu comme celui qui casse la règle édictée plus haut et qui oriente le monde en fonction de nouvelles règles centrées autour de l’altruisme. 

C’est ainsi qu’il nous faut percevoir Dieu comme créateur.

 

Dieu nous invite à le reconnaître dans tous les actes libérateurs que les hommes commettent en son nom. 

C’est ainsi que le monde est en train de changer et que l’humanité est en train d’accomplir la destinée que Dieu lui promet. 

Pour y arriver, il faut que les hommes soient capables de discerner le projet de Dieu pour le monde dans les actes de leurs semblables. Les apôtres vont tester cette réalité en entreprenant cette expédition, deux par deux sur les routes de Galilée. Malgré les échecs prévus, ils ont eu du succès, c’est ce que dit la suite. 

A nous de les imiter dans les conditions particulières que nous vivons dans notre société.

 

Viendra alors le jour où Dieu sera reconnu comme le vainqueur de l’oppresseur suprême : la mort. 

Déjà par la foi nous en discernons les effets que nous voyons dans la douloureuse et injuste mort que fut celle de Jésus. 

Toute action libératrice que nous menons, rend témoignage du fait que le combat mené par Dieu contre le mal n’est pas forcément visible, et c’est dans la mort de Jésus qu’il devient réalité.

 

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