Prédication du dimanche 25 août 2024

Si quelqu'un veut être le premier, il doit être le dernier. Prédication donnée par Sara Claire LOUEDEC le dimanche 25 août 2024 à partir de l'Évangile selon Marc, chapitre 9, versets 30 à 37.

Evangile selon Marc, chapitre 9, versets 30 à 37

Partis de là, ils traversaient la Galilée et Jésus ne voulait pas qu’on le sache. Voici, en effet, ce qu’il enseignait à ses disciples : « Le Fils de l’homme est livré au pouvoir des humains : ils le mettront à mort ; et trois jours après, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de lui poser des questions.

Ils arrivèrent à Capharnaüm. Quand il fut à la maison, Jésus questionna ses disciples : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand. Alors Jésus s’assit, il appela les douze disciples et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous. » Alors il prit un enfant et le plaça au milieu d’eux ; il l’embrassa et leur dit : « Celui qui reçoit un enfant comme celui-ci par amour pour moi, c’est moi qu’il reçoit ; et celui qui me reçoit, ce n’est pas moi qu’il reçoit, mais celui qui m’a envoyé. » (Traduction Nouvelle français courant)

Bernadette Lopez: www.evangile-et-peinture.org / www.bernalopez.org

Prédication

Chers amis,

 

Avant de regarder de plus près le texte d’aujourd’hui, je vous propose de le replacer dans son contexte. Ce récit se situe à la fin du ministère de Jésus en Galilée. À partir de ce récit, Marc relate la montée vers Jérusalem du Christ. Jérusalem, où Jésus sera mis à mort.

 

Pour la seconde fois, Jésus parle de sa mort à ses disciples. Il annonce sa passion, et sa résurrection, comme pour les préparer à cet événement totalement inconcevable. 

 

La première fois qu’il l’avait fait (chapitre 8 à partir du verset 31), Pierre avait réagi vivement et Jésus l’avait rabroué. Cette fois-ci, les disciples ne réagissent pas, de peur, peut-être d’être à nouveaux rabroués. On peut aussi imaginer qu’ils soient très mal à l’aise avec ce que dit leur maître, et qu’ils préfèrent esquiver le sujet. Quand Jésus abordera le sujet la troisième fois, au chapitre 10 (à partir du verset 32), ce sera très peu de temps avant son entrée à Jérusalem. L’ambiance sera plus pesante, plus tendue. Jésus sera beaucoup plus explicite sur ce qui l’attend, et Marc ne relatera pas de réaction de la part des disciples, comme s’ils s’étaient enfin laissés pénétrer de cette nouvelle si effrayante.

 

Revenons donc à notre récit. 

 

Les disciples et Jésus traversent la Galilée, mais Jésus veut se faire discret, car, nous dit le texte, il veut « se consacrer à l’enseignement de ses disciples ». 

 

Je vous propose donc de regarder de plus près la pédagogie de Jésus.

 

Jésus commence par énoncer quelque chose de complètement invraisemblable. « Le Fils de l’homme est sur le point d’être livré aux humains ; ils le tueront, et, trois jours après sa mort, il se relèvera. » Imaginez-vous deux minutes recueillir une telle confidence de la part de l’un de vos plus proches amis. 

 

C’est un véritable coup de poing dans le ventre que reçoivent les disciples. Cet homme qu’ils vénèrent, pour qui ils ont tellement d’estime, leur dit, au détour d’une conversation, qu’il sera mis à mort, et qu’il s’en relèvera. 

 

Il est aisé de concevoir ce que dit Marc : les disciples ne comprennent pas ce que dit Jésus, et ils ont peur de demander des explications. Qui ne réagirait pas comme eux ? 

 

On peut très bien imaginer qu’ils détournent la conversation pour parler d’autre chose. 

 

Nous sommes très nombreux à avoir déjà vécu une situation qui peut faire écho à celle qui est relatée ici. Un ami, un proche, qui nous partage sa douleur de vivre et son sentiment que la fin est imminente. N’avons-nous pas, nous aussi, eu envie de changer de sujet, afin de ne pas regarder la réalité en face, car nous avions peur ? N’avons-nous pas rapidement mis sur la table autre chose, pour que nos esprits soient occupés par des considérations plus triviales, plus confortables, moins délicates ? N’avons-nous pas, comme un réflexe, répondu « ne dis pas ça… » Ou encore, « tu dis des bêtises… ». 

 

Jésus ne relève pas le silence de ses disciples ; il n’insiste pas sur le malaise que sa déclaration a provoqué. Il laisse ses disciples cogiter, s’égarer dans des considérations qui semblent bien futiles…

 

Ce n’est qu’une fois arrivé « à la maison » qu’il prend le temps d’interroger ses compagnons de route sur l’objet de leur discussion pendant tout le trajet. Souvenons-nous qu’il souhaite donner un enseignement à ses disciples. Il attend donc d’être au calme, loin des foules qui peuvent être gênantes, car trop hystériques, en quelques sortes. 

 

Et c’est là que Jésus opère, comme à son habitude, un renversement de situation. C’est là qu’il prend ses disciples à contre-pied, et nous avec, pour mieux nous faire comprendre l’essence même d’une vie en Christ. 

 

Observons comment Jésus ne réprimande pas ses disciples… il aurait pu s’emporter, leur faire comprendre qu’il ne les trouvait pas dignes de ses confidences… il aurait pu ricaner, les remettre à leur place en leur montrant comment cette discussion pouvait paraître ridicule, voire blessante. 

 

Non.

 

Jésus prend le temps de s’asseoir. C’est-à-dire qu’il laisse du temps au temps avant de répondre. 

 

Je pense que dans ce récit relaté par Marc, Jésus nous donne à voir une méthode de fonctionnement qui peut être inspirante. Dans un monde où tout va vite, où, notamment grâce à Internet, une conversation, une discussion, peut nous prendre au dépourvu et exiger de nous une certaine réactivité, laissons-nous guider par la méthode que Jésus applique… Laissons du temps au temps. Laissons-nous pénétrer par les déclarations de nos proches sans réagir ou sur-réagir instantanément. Ne soyons pas dans le jugement à l’emporte-pièce, mais acceptons de regarder en face ce que disent nos interlocuteurs, et osons répondre à leurs questionnements par d’autres questionnements plus profonds encore, comme le fait Jésus.

 

Les disciples discutent pour savoir qui est le plus grand. Jésus leur répond que pour être grand, il faut accepter d’être petit… 

 

Pour être le premier, il faudrait donc accepter d’être le dernier. Soit, dit autrement, c’est en s’abaissant que l’on s’élève.

 

Peut-être êtes-vous familiers de ce slogan d’une émission de télévision « toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort ! » Toujours plus.

 

Au-delà de ce slogan, relisons le texte de Marc au verset 34 : « en chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand. » Avec aussi peu de détails, nous pouvons développer à loisir… Le plus grand en sagesse, le plus intelligent, le plus grand en taille, pourquoi pas, mais aussi le plus aimé du Christ, le plus apprécié de la foule, le plus religieux… Que sais-je ? Le plus. On touche là au désir inhérent à l’être humain : se comparer à ses pairs, et chercher à sortir grandit de cette comparaison. Dans un couple, on cherchera le plus attentionné, dans une fratrie, on trouvera le plus serviable, dans un groupe d’amis, le plus populaire, au travail, le plus efficace, en église, le plus disponible… Et l’on pourrait allonger cette liste à l’envie. 

 

Ainsi, à vouloir être le plus fort, le plus efficace, notre société faite de femmes et d’hommes, d’êtres humains pétris de bonnes ou de mauvaises intentions, nous invite à vouloir toujours prospérer. Alors la chute est rude

 

Quand, touchés par le chômage, la maladie, la séparation, la perte d’influence, nous collectionnons davantage de « moins » que de « plus », alors, la chute est rude.

 

Or, Jésus nous dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

 

Jésus ne s’arrête pas à « être le dernier de tous », ce qui serait incompréhensible. Dans une pratique sportive telle une course ou un match, doit-on chercher à être le dernier ? Cela n’aurait aucun sens. 

 

Jésus ajoute « et le serviteur de tous ». Voilà qui rend la chose bien plus intéressante. Si je suis le serviteur de tous, je me fais tuteur pour aider à grandir, marchepied pour accéder à ce qui semble inatteignable, porte-voix pour qui en a besoin…

 

Avec Jésus, je peux alors militer pour un monde évangélique dans lequel on prenne le temps de se diminuer, de s’effacer, de se faire plus petit pour laisser la place aux autres, à celles et ceux qui n’ont pas autant de chance que moi, aux générations montantes dans le cadre des études ou du travail, ou encore aux nouveaux venus dans ma communauté. Avec Jésus, je peux m’autoriser à me retirer devant les autres et accepter d’être toujours et encore plus petit, plus serviteur, car, comme le dit le Christ, « quiconque accueille en mon nom un enfant, m’accueille ». 

 

Dans l’Antiquité (contrairement à aujourd’hui, notamment dans nos sociétés occidentales), un enfant ne valait pas grand-chose. Un enfant est non seulement petit, mais il est aussi dépendant, sans défense, faible. Accueillir un enfant, c’est aussi accueillir quelqu’un qui est dans la confiance absolue. 

 

Ainsi on ne peut accueillir Dieu que dans l’humilité, la petitesse, la vulnérabilité. Car Jésus le dit bien : qui l’accueille lui, accueille plus grand que lui. Relisons le verset 37 : « Si quelqu’un accueille, en mon nom, un enfant comme celui-ci, il m’accueille moi-même. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi seulement qu’il accueille, mais aussi celui qui m’a envoyé. »

 

Alors, frères et sœurs, ayons à cœur dans nos vies non pas de chercher à être plus, mais de chercher à être serviteur de notre prochain, par amour pour le Christ qui nous accompagne dans le quotidien de nos vies. 

 

Que Dieu nous vienne en aide. Amen.

 

Sara Claire LOUEDEC

Rennes, dimanche 25 août 2024

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