Prédication
Chers amis,
J’aurais pu choisir de lire avec vous ce matin le chapitre 13 de l’Évangile selon Marc dans son entièreté, car chaque verset de ce chapitre est porteur de sens et d’espérance. En effet, tout au long de ce chapitre, Jésus nous invite, à travers diverses images et comparaisons, à être veilleur, à être vigilant, car nous dit-il, la fin est proche, les douleurs du monde sont nombreuses, et nous devons nous attacher à annoncer la bonne nouvelle à toutes les nations, à annoncer la venue du Fils de l’Homme dans sa gloire. Ce chapitre précède la montée de Jésus vers Jérusalem ; il est annonciateur de sa passion et de sa résurrection.
Nous n’avons lu que le passage proposé aujourd’hui par le lectionnaire, passage qui résume bien à mon sens la promesse que Jésus fait au monde alors qu’il avance vers sa Pâques : le monde que nous connaissons va prendre fin, mais nul, à part le Père, ne connaît le jour ni l’heure de cet événement. Ce que nous promet Jésus le Christ, c’est que le Fils de l’Homme viendra, et qu’il sera toujours à nos côtés. Jésus nous exhorte alors à la vigilance, à la confiance et à l’action, dans la prière.
Le chapitre 13 de l’Évangile selon Marc est un texte apocalyptique. L’apocalypse, dans la compréhension moderne de ce terme, est « une catastrophe effrayante qui évoque la fin du monde » (définition du Larousse). Nous avons tous déjà entendu ce terme dans la bouche de personnes qui n’ont pas spécialement d’éducation religieuse, et qui pourtant lui donnent un sens. Nous avons tous déjà vécu ces moments extraordinaires où le ciel prend des teintes inquiétantes : qu’il s’assombrisse car il annonce un gros orage, ou qu’il se colore d’un jaune-orangé menaçant car il porte les résidus de fumée d’un énorme incendie… le ciel porte alors des couleurs inhabituelles qui nous inquiètent, qui peuvent être porteuses d’angoisse.
Par exemple, voici les première lignes d’un article de presse datant d’octobre 2017 : « Lundi matin, il régnait comme une atmosphère d’apocalypse sur les côtes bretonnes. Le ciel était devenu jaune, complètement jaune. […] Pire, il flottait dans l’air une odeur curieuse, de brûlé, d’incendie. » Ce ciel aux allures de fin du monde, je m’en souviens. J’étais au travail, en classe, et certains de mes élèves étaient très anxieux. Les termes d’apocalypse et de fin du monde revenaient souvent dans les conversations.
Or, les textes apocalyptiques de la Bible traduisent, au-delà d’images effrayantes, une attente messianique. Et dans le texte de Marc que nous venons de lire, il n’est pas tant question de fin du monde annoncée, que de la venue du fils de l’Homme, et de la nécessité pour le monde de se tenir prêt à le recevoir.
Lorsqu’au verset 24 nous lisons « après cette détresse-là », de quoi parle-t-on ? Un peu plus haut, au verset 14, il est écrit : « Lorsque vous verrez l’abominable dévastateur installé là où il ne doit pas être ». Cet abominable dévastateur, nous comprenons vite en lisant le texte que c’est le mal dans toute sa puissance, dans toute sa splendeur. Aussi, quand le mal viendra, Jésus viendra le contre-carrer, auréolé de sa gloire, accompagné de ceux qu’il a choisis – c’est-à-dire de ses disciples, de son peuple, de nous. Ainsi Dieu a-t-il besoin de nous pour combattre le mal. Ne nous laissons pas écraser par les visions apocalyptiques qui nous poussent à regarder avec appréhension le monde de violence et de destruction dans lequel nous vivons. Laissons-nous porter par la bonne nouvelle qui annonce la vie, une vie en plénitude. Soyons heureux de guetter les bourgeons du figuier au printemps plutôt que nous désoler de ses branches nues de l’hiver. Et tenons-nous prêts.
Car Dieu se tient à la porte, sur le seuil. A nous de lui ouvrir la porte et de l’accueillir bras ouverts.
Lisons dans l’Apocalypse au chapitre 3, le verset 20 : « Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’entend et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je dînerai avec lui et lui avec moi. » Et alors Jésus, Dieu fait homme, nous redit que ciel et terre passeront, mais que ses paroles ne passeront pas. Car notre Dieu est un Dieu de la relation, un Dieu d’Alliance, qui s’appuie sur nos faiblesses et nos forces pour faire grandir l’humanité.
Je pense que ce texte, au-delà de nous parler de la perdition d’un monde marqué par le péché, nous parle de la naissance d’un monde nouveau. Ce texte nous encourage à la vigilance, il nous demande d’être prêts à accueillir l’inattendu qui vient de Dieu, d’être prêts à accueillir une radicale nouveauté : la grâce de Dieu qui nous est donnée sans contrepartie.
Je voudrais ici partager une citation que l’on attribue à Martin Luther, et qui prend tout son sens aujourd’hui : « Même si je savais que le monde doit disparaître demain, je planterais encore un pommier aujourd’hui. » Dans cette phrase, on comprend tout l’enjeu de notre vie de chrétien : prendre en compte la précarité du monde, ne pas détourner le regard des réalités qui nous entourent, mais garder toujours l’espérance au cœur, en vivant pleinement le présent dans l’espoir que naisse, au creux de nos mains, un avenir meilleur. J’aimerais faire un parallèle ici avec les réalités effrayantes que vit notre monde face au changement climatique. Dieu nous invite à regarder en face les réalités apocalyptiques que notre monde vit déjà et vivra dans les années à venir, mais il nous invite aussi à ne pas nous laisser écraser par cette vision, mais à agir pour que ses Paroles d’amour soient une réalité dans nos vies, car nous saurons accueillir ce Dieu de la vie, Dieu de la Création. Le Fils de l’Homme nous invite à être solidaires de Dieu. Il nous invite à être cohérents dans nos actions, afin que le monde puisse compter sur nous, puisse espérer et agir avec nous.
Chers amis, je voudrais pour terminer cette prédication vous lire un passage du livre d’Antoine NOUIS « L’aujourd’hui de l’Évangile » :
Un sage a l’habitude de dire : repens toi de tes péchés au moins un jour avant ta mort.
Un des disciples lui demande : comment peut-on savoir quel est ce jour ?
Le sage répond : précisément, on ne peut le connaître, c’est pourquoi il faut se repentir tout de suite. Ensuite, le sage interroge ses disciples : que feriez-vous si vous aviez la certitude que ce soir vous allez mourir ?
Le 1er répond : j’irais embrasser les miens.
Le 2nd : je planterais un arbre.
Le 3ème : j’irais me réconcilier avec mes ennemis.
Le 4ème : j’achèterais un énorme bouquet de fleurs.
Le 5ème : Je passerais l’après-midi en prière.
Le sage conclut en disant : Ce que vous feriez alors, faites-le tout de suite.
Ainsi, Dieu nous exhorte à veiller, prier et agir. Les Écritures nous exhortent à accueillir l’amour inconditionnel de Dieu, et à aimer en retour toutes celles et ceux qu’il met sur nos chemins. Car la parole de Dieu ne nous guide pas vers la fin du monde, mais vers notre présent, là où nous sommes, aujourd’hui et maintenant.
Amen.
Sara Claire LOUEDEC
Rennes, dimanche 17 novembre 2024