Prédication
Chers frères et sœurs,
En ce mois de novembre, il y aurait de quoi désespérer devant l’état du monde. Oui aujourd’hui encore, comment ne pas se décourager face à toutes ces guerres qui déchirent les peuples ? La guerre en Ukraine qui a déjà dépassé les mille jours, la guerre au Proche-Orient qui continue de gagner du terrain et décime des familles entières, rase des maisons et où même les hôpitaux ne peuvent plus fonctionner correctement pour soigner les victimes. Comment ne pas désespérer de l’état du monde suite à la COP 29 et ses négociations qui répondent si peu aux enjeux du réchauffement climatique, 8 ans après la COP 21 dont les accords ne sont toujours pas respectés. Où est-il ce Dieu tout-puissant, chef des Rois de la Terre, dont nous parle les écritures, nos cantiques et nos confessions de foi ? Jésus tout-puissant, vraiment ? Où est-il ce Roi de gloire annoncé par le prophète Daniel et par le Livre de l’Apocalypse de Jean ? Dans les nuées d’un ciel lointain sur son trône ? Aurait-il abandonné notre monde ?
Aujourd’hui encore, nous sommes réunis pour écouter sa Parole et c’est dans l’Évangile selon Jean que l’Église nous invite à cheminer. Jésus prisonnier, Jésus lié se retrouve devant Ponce Pilate alors gouverneur de la province de Judée. Ce sont les chefs religieux du temple qui l’ont livré afin de trouver un motif pour le faire mourir. En effet, Jésus les dérange, sa parole dérange.
Pilate se méfie sans doute du potentiel révolutionnaire de Jésus. Il profite des accusations des autorités religieuses locales juives pour évincer un potentiel fauteur de trouble. Pilate cherche à savoir si Jésus menace le pouvoir en place. Comme souvent, le pouvoir religieux et le pouvoir politique agissent mains dans la main, chacun veillant à ses propres intérêts.
A la question : « Es-tu le roi des Juifs ? » posée par Pilate, Jésus répond par une autre question : « Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d’autres qui te l’ont dit de moi ? »
Relevons que, malgré cette situation, Jésus cherche la rencontre véritable avec la personne qu’il a en face de lui. Quelque soit son statut social, quelle que soit son histoire, quelle que soit sa vie, il regarde chaque personne telle qu’elle est, dans sa vérité et l’encourage à être responsable de sa propre parole. Les « on dit », les rumeurs d’une foule anonyme n’ont que peu d’intérêt à côté d’une seule personne qui assume sa parole.
Le dialogue s’engage donc autour de cette notion de Royauté, un dialogue à deux niveaux dans lequel Jésus laisse entrevoir une autre réalité.
Dans les évangiles, Jésus ne s’est jamais désigné lui-même comme roi. Il annonce pourtant la venue du royaume de Dieu, un Royaume de justice et de paix. De quel genre de Royaume parle-t’il ? La suite de l’échange avec Pilate donne une piste précieuse : « Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré, ma royauté n’est pas d’ici. » Une façon de dire qu’il est roi mais pas à la manière du monde.
Les rois tel que le monde les promeut, on les connait. Ils utilisent toujours les mêmes méthodes. Les dirigeants (oui, ce sont surtout des hommes) sont bien souvent obligés de manipuler l’opinion pour arriver à la première place. Parfois, trouver le moyen de détourner de l’argent au profit d’une campagne, divulguer des fake-news sur internet pour faire basculer l’opinion, truquer les élections pour garder le pouvoir. Et si le peuple se rebelle, envoyer suffisamment de soldats pour les faire taire. Certains sont à nouveau élus dans leur fonction malgré des condamnations en justice.
Pourquoi ? Parce que les humains (et la Bible le rappelle à plusieurs occasions) veulent un chef, un roi puissant, influent, dominant.
Et l’Église est tentée, reconnaissons-le, de retomber aussi dans ses vieux travers : appliquer cette toute puissance dévastatrice au nom de Dieu !
Maintes fois elle a suivi cette logique avec des contraintes, excommunications, croisades, bulles, anathèmes, disciplines. Oui, les églises continuent à bien des endroits de le faire en imposant leurs lois. Encore aujourd’hui, au nom de Dieu, les chefs politiques ou des chefs religieux continuent d’user de la violence et d’opprimer les peuples. Nous le savons pourtant, Dieu n’est jamais du côté de la violence et de l’oppression.
Christ Roi… Mais quel genre de roi ?
Il me semble que Jésus dans ce passage propose une autre royauté, un autre pouvoir, une autre vérité et en définitive, une autre « toute-puissance ».
Reprenons la suite du dialogue :
Pilate lui dit : « Toi, tu es donc roi ? » Et Jésus de répondre : « c’est toi qui dis que je suis roi . Moi, si je suis né et si je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque nait de la vérité entend ma voix. »
Non, Dieu n’est pas tout puissant, dans le sens où nous l’entendons. Il parle d’un pouvoir nouveau, d’une puissance nouvelle, qui vient. Une puissance sans soldats, sans gendarmes, sans armées. Et pourtant qui s’impose, mais de l’intérieur de nous-mêmes. Une vérité qui depuis plus de 2000 ans continue de faire parler d’elle à travers les siècles et aux quatre coins du monde. Une vérité qui s’invite dans les cœurs de celui ou celle qui l’y invite.
Les écritures nous le disent : cette vérité n’est pas dans une doctrine ou dans un dogme, elle est une personne : Jésus et donc Dieu lui-même. Elle nous dépasse de très loin, nous ne la posséderons jamais. Pas parce que nous sommes ignorants ou incapables, mais parce qu’on ne possède pas Dieu. C’est alors qu’une alternative s’offre à nous qui peut faire toute la différence : Cherchons-nous à posséder la vérité, ou acceptons-nous de nous laisser posséder par elle ? Cherchons nous à posséder Dieu ou laissons-le nous régner sur nos vies ?
C’est à nous de le laisser réellement et concrètement régner sur nos vies. C’est à nous qu’il revient de ne pas le reléguer dans un ciel lointain en attendant que les temps passent ! Il est vrai le prophète Daniel et le Livre de l’Apocalypse de Jean annoncent son retour, la promesse de son Règne éternel, dans la Gloire à tout jamais. Mais devant l’état du monde n’oublions pas que ce même Roi fut couronné d’épine et que son trône fut une croix. Par ses mots, il nous convoque à un changement radical :
« Aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous persécutent ». « Père, Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Gardons l’espérance que ce jour viendra, où son Royaume de Justice et de Paix sera établi sur toute la Terre. Mais dès aujourd’hui, laissons le renouveler notre intelligence, osons annoncer Sa parole qui libère, console et relève pour que le désespoir ne l’emporte jamais. Il est urgent d’annoncer au plus grand nombre celui qui est, qui était et qui vient. Si toi et moi, et nous, ensemble, osons témoigner de la vérité qui nous fait vivre, témoigner de ce Dieu d’amour, la face du monde peut en être changée. Alors, nos cœurs de pierre seront changés en cœur de chair et nous ne nourrirons plus le cercle infini de la violence.
Jésus renverse nos conceptions toutes humaines du pouvoir, de la royauté et de la vérité. Il propose un évangile qui transforme et transcende notre rapport au monde. Il nous invite à vivre une conversion. Là est sa toute-puissance. Par le saint Esprit, tout est rendu possible, tout est à nouveau toujours possible. Contrairement aux chefs politiques qui mentent et manipulent pour obtenir le pouvoir, Jésus incarne une puissance faite d’humilité et d’amour. Sa puissance de vie n’écrase pas, mais élève, guérit et encourage.
Il est vivant et son Royaume ne sera jamais détruit. Amen.
Pasteure Claire OBERKAMPF
Rennes, dimanche 24 novembre 2024