Prédication
La Dédicace de Jérusalem est une fête juive qui commémore la purification et la re consécration du Temple de Jérusalem en 165 avant Jésus-Christ. après la victoire de Judas Maccabée, suite à sa profanation par Antiochus IV Épiphane. Cette fête est aussi connue sous le nom de Hanouka, la fête des Lumières encore célébrée aujourd’hui en judaïsme : On y allume la Menorah, un chandelier à neuf branches, en ajoutant une bougie chaque nuit. On y commémore aussi le miracle de la fiole d’huile qui a brûlé pendant huit jours alors qu’il n’y avait assez d’huile que pour un seul jour…
C’est donc au milieu d’une ambiance festive, huit jours de louange, que Jésus se retrouve encerclé et accusé de blasphème, selon ce que nous raconte le texte johannique.
Une sorte de dialogue de sourds s’installe alors. Jésus et ses interlocuteurs semblent avoir bien du mal à s’entendre, à se comprendre.
Comme dans d’autres passages des Évangiles, se pose la question de l’identité véritable de ce Jésus de Nazareth. Qui est-il ? Est-il le Messie attendu, celui annoncé par les prophètes depuis des siècles ? Qui est-il pour enseigner dans les synagogues et aux foules avec tant d’autorité ? Pour guérir et remettre les péchés au nom de Dieu ? Qui est-il pour oser dire « C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie ? » « C’est moi qui suis la porte ? « C’est moi qui suis le bon Berger ? »… Comme il l’affirme quelques versets plus tôt ? Figure du Berger qu’il évoque à nouveau dans notre passage.
À la question insistante des juifs, Jésus répond cette phrase chargée de sens pour nous aujourd’hui qui mettons notre foi en lui : « Mes moutons entendent ma voix. Moi, je les connais, et ils me suivent. » Littéralement depuis le grec : « Les brebis les miennes, la voix de moi écoutent, et moi je les connais et elles m’accompagnent ».
Trois verbes comme pour dire la foi qu’il nous appelle à vivre : écouter, connaître ou être connue et accompagner.
Écouter
Jésus le rappelle la foi est prioritairement une question d’écoute. Résonne au fond de nos mémoires le premier commandement du Livre du Deutéronome : « Shma Israël, le Seigneur est ton Dieu, Écoute Israël… »
Une écoute cependant qui n’est pas passive, une écoute active, une écoute à pratiquer et à transmettre. Une écoute qui met en route, nous y reviendrons.
Deuxième verbe connaître ou plutôt se découvrir connue. Les moutons, je les connais. = Nous sommes souvent tentés de définir la foi comme le fait de connaitre Dieu, de connaitre Jésus. Mais le texte nous rappelle ici que ce n’est pas dans ce sens-là que cela se joue. La foi : ce n’est pas d’abord de connaitre Dieu, c’est le fait de se savoir connu de Dieu. Ce moment où je ressens au fond du cœur qu’il me connait depuis toujours, que même lorsque j’ai cru qu’il n’était pas là, il était à mes côtés depuis le début de mon histoire. L’apôtre Paul offre un témoignage lumineux de cela au début de l’Épître de Paul aux Galates lorsqu’il témoigne de sa conversion, lorsque ses yeux s’ouvrent et qu’il le reconnait : « Mais quand il plut à Dieu, qui m’a mis à part depuis le ventre de ma mère et m’a appelé par sa grâce… »
Alors devient claire cette parole de Jésus : « Et moi, je leur donne la vie éternelle ; ils ne se perdront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. Ce que mon Père m’a donné est plus grand que tout, et personne ne peut l’arracher de la main du Père. »
Nous pouvons nous éloigner de Dieu mais nous ne pourrons pas empêcher qu’il nous connaisse car nous sommes ses enfants. Résonne au fond de nos mémoires les paroles du prophète Ésaïe : « Une femme oublie t’elle son nourrisson ? N’a-t-elle pas compassion du fils qui est sorti de son ventre ? Quand elle l’oublierait, moi je ne t’oublierais pas. Je t’ai gravé sur mes mains. » (Livre d’Ésaïe, chapitre 49, verset 15)
Enfin, le troisième verbe, « akoloutheo » en grec, presque systématiquement traduit par « suivre » dans nos Bibles alors que son sens premier signifie accompagner. Il vient du mot « keleutheos » : la route, le chemin. Suivre et accompagner ce n’est pas tout à fait la même chose, il y a une nuance.
La foi moins comme une suivante aveugle, comme des moutons, justement, que comme un libre compagnonnage.
Jésus reprend à son compte la figure du Dieu Berger de l’Ancien Testament, présent notamment dans les Psaumes comme celui que nous avons lu aujourd’hui.
Le Berger guide le troupeau mais n’est pas toujours forcément devant. Il peut aussi se trouver à côté, ou même au sein du troupeau. En tous cas, il marche, il accompagne, il se fait compagnon de route. Le berger prend soin de ses brebis, il vit au quotidien avec elles.
C’est donc bien la foi comme une marche qui est dépeinte ici par Jésus. J’aime cette image de la marche et la trouve particulièrement parlante pour aujourd’hui. L’écoute n’est pas une écoute passive, elle nous redresse et nous met en mouvement.
Le Dieu que nous révèle Christ se révèle durant la marche, il se laisse découvrir en chemin, dans le mouvement même de la vie. Résonne au fond de nos mémoires la vocation d’Abraham : « Quitte ton pays et va vers le pays que je te montrerai ». Autrement dit : Va, et c’est en marchant que tu verras le pays auquel je t’appelle. C’est en marchant qu’on apprend à connaître celui qui nous a appelé. Cette connaissance résulte d’une marche commune, d’une histoire partagée.
Rappelons-nous d’ailleurs que Jésus était nomade lui aussi, probablement a-t-il beaucoup dressé, rangé, re dressé, re rangé sa tente pour aller d’un lieu à un autre un peu comme un scout avant l’heure 😉.
Trois verbes donc pour dire la foi : Écouter, être connue, accompagner
L’écoute est primordiale mais elle ne suffit pas, il s’agit de se mettre en route. Il ne s’agit pas seulement de croire mais se laisser guider, accompagnée et convertir sa vie à l’Évangile.
Oui, le changement de regard, la conversion qu’annonce le Christ est celle-là : c’est la foi que le Berger place en nous qui nous donne la force d’avancer. Aujourd’hui, il nous dit à nouveau, chaque jour : je te connais, j’ai confiance en toi pour avancer sur le chemin, je t’appelle à m’accompagner. Tu ne te sens peut-être pas à la hauteur, pas légitime, pas digne mais moi je mets ma foi en toi, ma confiance en toi et je te relève.
Vivre d’une confiance reçue c’est aussi ce que l’aventure du scoutisme propose de vivre
Lorsqu’à l’âge de 8 ans je prononce devant tous la promesse de faire tout mon possible pour aimer Dieu et servir mon prochain, et que tout le groupe me croit capable de cela. Lorsqu’à l’âge de 11 ans on me fait confiance pour devenir sizenier ou sizenière c’est à dire m’engager à guider les plus jeunes, les aider à grandir. Lorsqu’à 19 ou 20 ans, on me fait confiance pour diriger un camp de 30 enfants durant 3 semaines en pleine forêt et qu’à mon tour je place ma confiance dans un plus jeune, un plus timide, un plus frileux que moi « je te fais confiance, la meute te fais confiance, tu es capable. » ce que tu es, ce que tu fais, ça a une grande valeur, merci d’être là.
En église aussi, nous sommes appelés à cela : dire et redire la confiance que Dieu place en chacun et chacune de nous et que cela ne soit pas que de belles paroles mais que cela se traduise par des actes ! En Église et au-delà de l’Église ! se faire l’écho de la confiance et de l’amour de Dieu pour chaque être humain et pour sa Création toute entière.
Vivre de cette foi d’un autre en nous, Vivre de cette foi de Dieu en nous est promesse de Vie éternelle, c’est-à-dire d’une vie pleine de sens, inscrite dans l’Éternité de Dieu.
C’est une révolution à laquelle les contemporains de Jésus n’étaient sans doute pas tout à fait prêts. Et nombreux encore sont ceux qui ne le sont pas aujourd’hui. Nous en faisons parfois partie car c’est une conversion à vivre et à revivre.
Le laisser se présenter tel qu’il est, même si cela va à l’encontre de l’image que nous nous étions faits de lui. Jésus invite ses interlocuteurs à quitter leurs préjugés théologiques et à regarder ce qui guérit. « Le père et moi nous sommes un », cette parole est insupportable pour les religieux de son temps et précipitera sa mise à mort. Au lieu de rendre gloire, de se réjouir des guérisons qu’il opère, ils veulent le lapider pour ce qu’il dit.
Rude tâche que de lâcher nos conceptions, nos fausses images de Dieu pour le laisser se révéler tel qu’il est. Oser mettre de côté les conceptions théologiques bien carrés, bien ficelés, pour vivre simplement ce qu’il y a à vivre, au-delà des mots, dans la révélation de la rencontre au présent, toujours renouvelée.
Alors Frères et sœurs, réjouissons-nous : lorsque nos forces défaillent, lorsque le chemin semble trop dur nous pouvons nous appuyer sur l’indestructible foi du Christ en nous.
Avec la promesse de découvrir, en chemin, le sens de tout cela. Il le révèle à chacun et à chacune du fond de nos cœurs par une voix que nous connaissons depuis toujours.
Tendons l’oreille, il nous connait, en route !
Amen.
Pasteure Claire OBERKAMPF
Rennes, dimanche 11 mai 2025