PRÉDICATION : Dimanche 7 septembre 2025

Pour ce premier dimanche de l'année scolaire, la Pasteure Claire OBERKAMPF a choisi un texte de l’Épître à Philémon et de l’Évangile selon Luc pour sa prédication.

Epître à Philémon, chapitre 1, verset 9 à 17

J’aime mieux te supplier au nom de l’amour ; tel que je suis, moi, Paul, un vieillard, et de plus maintenant prisonnier de Jésus-Christ, je te supplie pour mon enfant, celui que j’ai engendré en prison, Onésime : autrefois il t’a été inutile, mais maintenant il est bien utile, et à toi et à moi ; je te le renvoie, lui qui est une partie de moi-même.
Moi, j’aurais souhaité le retenir auprès de moi, pour qu’il me serve à ta place, tant que je suis en prison pour la bonne nouvelle. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton avis, pour que ton bienfait n’ait pas l’air forcé, mais qu’il soit volontaire.
Peut-être, en effet, a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le retrouves pour toujours, non plus comme un esclave, mais, ce qui est mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est tout particulièrement pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, et dans la chair et dans le Seigneur ! Si donc tu me tiens pour ton compagnon, accueille-le comme si c’était moi.

 

Epître à Philémon, chapitre 1, verset 9 à 17

Évangile selon Luc, chapitre 14, versets 25 à 33

De grandes foules faisaient route avec lui. Il se retourna et leur dit : 

Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses  frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne  porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être mon disciple. 

En effet, lequel d’entre vous, s’il veut construire une tour, ne s’assied pas d’abord pour  calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer, de peur qu’après avoir posé les  fondations, il ne soit pas capable d’achever, et que tous ceux qui le verront ne se  moquent et ne disent : « Cet homme a commencé à construire, et il n’a pas été capable  d’achever. » Ou bien quel roi, s’il part en guerre contre un autre roi, ne s’assied pas  d’abord pour se demander s’il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui vient au devant de lui avec vingt mille ? Sinon, tandis que l’autre est encore loin, il lui envoie une  ambassade pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, quiconque d’entre vous  ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.

 

Évangile selon Luc, chapitre 14, versets 25 à 33

 

Une chaïne avec plusieurs cadenas

©TheOtherKev/Pixabay

Prédication

Le passage de l’Evangile de Luc que nous avons lu commence fort avec une phrase  particulièrement rude à entendre. Jésus demande t’il vraiment à la foule qui le suit et par  extension, à nous aujourd’hui de haïr les membres de notre propre famille ? Pose t’il  cette haine comme une condition pour être son disciple ?

 

Je ne comprends pas… c’est insupportable et même dangereux. Mais surtout, cela est  en complète contradiction avec tant d’autres paroles qui nous ont été rapportées dans  les Evangiles : « Aime ton prochain comme toi-même », ou encore son commandement  nouveau « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». mais aussi « C’est à  l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous sauront que vous êtes mes  disciples. »  

 

Pourtant, j’ai vérifié, il s’agit bien du verbe « haïr », miseo en grec, qui a donné en français  les mots mysogynie « haine des femmes », « mysantrope », la détestation du genre  humain.  

 

« Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants,  ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple ». 

 

C’est clair et net, si un prédicateur errant haranguait les foules avec ces mots,  aujourd’hui dans nos rues, on crierait sans aucun doute à la dérive sectaire. Oui, il y a de  quoi être choquée et on sait les conséquences désastreuses qu’un tel verset avalé tel  quel a pu avoir dans l’histoire.. des générations entières éduquées au renoncement, à  l’oubli de soi, à une soumission mal comprise au nom d’un Dieu tyrannique. 

 

Le récit équivalent dans l’Evangile de Matthieu est un peu moins choquant : On peut y  lire « celui qui préfère » son père, sa mère etc n’est pas digne de moi.  

 

Il faut dire qu’à l’époque, le choix de suivre Jésus pouvait diviser des familles et c’est  encore le cas aujourd’hui dans certaines parties du monde. Mais tout de même,  pourquoi ce mot si radical de « haine », « haïr » ? 

 

Je vous propose deux interprétations ce matin qui me semblent éclairantes pour nos  vies et qui se complètent. 

 

Premièrement, Jésus nous parle de nos liens relationnels et rappelle qu’il en est le  fondement, la source. 

 

Nous sommes en effet des êtres de relation. Nos vies sont tissées de relations  familiales, amicales, amoureuses, et nous évoluons au cœur de ces liens. Parfois ces  relations sont saines mais elles peuvent aussi être toxiques. Ce lien qui nous unit à une  autre personne peut alors devenir une chaîne qui nous rend esclave. Au fur et à mesure  que notre vie se déroule, certaines relations laissent des blessures, des cicatrices ou  des nœuds psychologiques qui nous empêchent d’être pleinement libres. Il peut s’agir  par exemple de jalousie entre frères et sœurs, d’amour passionnel, fusionnel, d’un  amour étouffant envers notre enfant ou au contraire d’une indifférence destructrice, une  relation toxique avec un de mes parents ; des relations où peuvent grandir des  malentendus, des rancœurs ou des non-dits qui restent longtemps au fond du cœur  etc… 

 

Je vous propose de prendre quelques instants pour entrer en vous-mêmes et laisser  apparaître les visages de personnes auxquelles vous pensez lorsque je parle de cela. 

 

-Silence 

 

Le problème, c’est que tout cela prend de la place et peut venir recouvrir et étouffer la  source de vie qui est en moi, l’Esprit de Dieu en moi, ce lieu intime ou la vérité qui rend  libre cherche à s’exprimer. 

 

Et si Jésus nous invitait à détester ce qui, dans ces relations-là, nous empêche de vivre en lui et l’empêche de vivre en nous ? « Je suis la source d’eau vive » a-t-il dit à la  Samaritaine. Il nous invite à avoir le courage de couper ces chaînes-là pour devenir  pleinement sujet de notre vie.  

 

Assumer de répondre à cette source-là est loin d’être évident et parfois cela demande  de prendre de la distance avec les personnes qui m’en empêchent, cela demande de  porter sa croix, choisir cette fidélité à Jésus, à la source d’eau Vive, même s’il elle n’est  pas comprise par les autres. Choisir d’être pleinement sujet de sa vie. 

 

Le Christ est le seul à connaitre les chemins de fidélité à moi-même. Il est le seul, si  j’ose le face à face avec lui, à pouvoir accompagner et encourager la vie à se déployer en  moi. Il est celui qui m’aide à renoncer aux relations qui m’abîment et ne me comblent  pas. Ce face à face régulier et en vérité avec le Christ en moi délie et dénoue ce qui  m’enchaine.  

 

Jésus dans ce passage, évoque aussi la question des biens matériels. « Quiconque ne  renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple ». Plus tard dans le même  Evangile, il dira que l’on ne peut servir deux maîtres : Dieu et l’argent. Dans la même  logique que pour les relations, nous pouvons être prisonniers et même esclaves de  biens matériels qui entravent notre liberté et nous éloignent de nous-mêmes. 

 

La deuxième interprétation consiste à dire que Jésus nous demande de le suivre avec  toutes les haines que nous portons en nous afin qu’il puisse les guérir. Cela demande  de se laisser aimer par lui dans toute notre vérité, même celle qu’on a tendance à se  cacher à nous-mêmes. Il nous invite à prendre le temps de sonder les relations qui font  nos vies pour le laisser porter sa lumière dessus. Se présenter à lui avec notre capacité  de haine, notre mémoire, nos blessures accumulées bref : déposer à ses pieds notre  sac de nœuds, de complexes, tout ce qui nous tient enchainés, car lui peut briser les  chaînes. 

 

L’histoire d’Onésime dans l’épître à Philémon est un bel exemple de transformation  radicale de la relation, transformation à la racine. Onésime était l’esclave de Philémon.  En Christ, il change de statut : Il était sa « propriété », il est libéré et devient son frère,  dans un rapport d’égalité. 

 

Le cœur de l’Evangile est une libération par la réconciliation.

 

Jésus cherche peut-être à nous faire comprendre qu’il ne veut pas des disciples qui  simulent la perfection en camouflant comme ils peuvent les parts sombres de leur  cœur. Il nous accueille à sa suite comme des sujets conscients de la croix qu’ils  portent, libérés de devoir la porter seuls. 

 

Alors, comme celui qui s’assoit avant de construire une tour, prenons le temps d’habiter  ce lieu en nous, noyau intime impénétrable, lieu de rencontre avec le Chemin, La Vérité  et la Vie pour qu’Il nous libère. 

 

Amen

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