Prédication
Je voudrais pour commencer remettre dans son contexte le texte d’Évangile que nous avons entendu. Il se situe à la fin du chapitre 6 de l’Évangile de Jean, chapitre qui a débuté avec la multiplication des pains et des poissons. Suite à cet épisode, souvenez-vous, la foule veut faire de Jésus son roi. Un roi magicien qui permet à toutes et tous de manger à sa faim. Puis Jésus parle à la foule d’un autre pain, le pain venu du ciel. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle », dit-il au verset 54. Il dit encore : « ma chair est vraie nourriture et mon sang est vrai boisson ».
C’est donc en référence à ces paroles de Jésus que l’évangéliste rapporte ce que disent les disciples : « cette parole est dure ; qui peut l’entendre ? »
Qu’est-ce qui est dur à entendre, ici ? Est-ce le fait que Jésus affirme qu’il n’est pas un homme providentiel qui viendra nourrir les foules affamées du monde entier avec des denrées bien réelles qui rassasient ? Ou est-ce que les disciples prennent Jésus au pied de la lettre et imaginent qu’il parle de cannibalisme ? C’est peut-être un peu de tout cela…
Ce qui est sûr, c’est que les paroles prononcées par Jésus sont si difficiles à entendre que certains disciples préfèrent le quitter, faire marche arrière et ne plus suivre cet homme-Dieu parfois si difficile à comprendre. C’est intéressant de voir que c’est le seul passage des Evangiles où il est mentionné que des disciples, mécontents ou perturbés par ce qu’ils entendent, choisissent ne plus marcher avec leur maître.
Jésus, qui n’a jamais sa langue dans sa poche, ne perd pas l’occasion qui lui est donnée d’appuyer là où ça fait mal… car ce que Jésus comprend, c’est que ses disciples n’arrivent pas à adhérer pleinement à la radicalité de son discours. En effet, il leur dit : « est-ce pour vous une cause de chute ? ». C’est à dire, finalement, est-ce que vous êtes perturbés en entendant ces mots, ce qui provoque chez vous une envie de fuir ? Est-ce que cela vous bouscule trop ? Est-ce que vous ne vous sentez pas capables de me suivre ?
Je vais le dire d’une autre façon : est-ce que votre manque de foi vous amène à prendre une autre route que celle je vous propose ?
En effet, ce que nous dit Jésus en nous parlant de pain de vie, c’est que c’est sa Parole, et son Esprit, qui nous font vivre. Jésus nous dit aussi que notre foi est un don du Père, un don que nous sommes appelés à entendre et à recevoir dans la radicalité des paroles de Jésus. Un don qui est premier, gratuit. Car oui, c’est toujours Dieu qui fait le premier pas vers nous.
« C’est l’Esprit qui fait vivre. La chair ne sert de rien. »
Bien sûr, il n’est pas question ici de demander à tous les êtres humains d’adopter un mode de vie d’ascète qui, ne se nourrissant que très peu, se consacre uniquement à sa vie spirituelle. Du moins, je ne le pense pas.
Si cette vie d’ascète est choisie par certaines et certains dans le but de se détacher du matériel pour être essentiellement spirituel, c’est un choix qui est personnel, mais qui n’est pas explicitement demandé par Jésus Christ. Ce que demande Jésus en revanche, c’est que nous fassions le choix d’articuler notre vie matérielle et notre vie spirituelle en ayant comme boussole celui qui incarne l’amour inconditionnel de Dieu, le Christ fait homme.
Jésus nous demande de lui faire confiance, comme Simon Pierre lui fait confiance, et il nous demande de proclamer avec Pierre « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. Nous sommes convaincus, nous savons, que c’est toi le Saint de Dieu ».
Pierre, avec les autres disciples, affirme, atteste, que Jésus-Christ est le Seigneur, le fils de Dieu, le Verbe fait chair. On pourrait également traduire ce verset ainsi : « nous avons cru et nous avons connu », ou encore « nous avons acquis la conviction et la connaissance ». En d’autres termes, nous sommes intimement convaincus que tu es, Seigneur, le chemin qui mène à Dieu. Et ce chemin n’est pas rectiligne ; il est parsemé des obstacles que nous n’arrivons à gravir que lorsque nous te faisons pleinement confiance, faisant le pas de côté que tu nous demandes de faire régulièrement pour regarder le monde sans jugement, mais plutôt avec amour et vérité. Nous avons la conviction que ce chemin là est celui qui bouleverse notre compréhension du monde.
Chers amis, en ce dimanche de la réformation, nous nous souvenons de la naissance du courant religieux qui est le nôtre, et nous sommes appelés à comprendre ce qui fait de nous des protestants aujourd’hui.
Se réformer sans cesse, c’est revenir à l’essentiel, au Christ, à chaque fois que nos chemins se perdent et partent dans des mauvaises directions. Lorsque Luther, convoqué à la Diète de Worms en 1521, refuse de se conformer aux exigences politiques et religieuses de son temps ; lorsqu’il dit « Je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr, ni honnête d’agir contre sa propre conscience », il met en lumière ce qu’on a coutume d’appeler l’individualisme protestant, posant le sujet et sa liberté de conscience au-dessus des institutions.
Se réformer sans cesse, c’est lire la Bible pour relire sa vie, et relire sa vie à la lumière des Ecritures.
Être protestant, c’est déclarer hautement, affirmer, attester de l’amour premier de Dieu. Être protestant, c’est témoigner pour l’Evangile.
Une fois n’est pas coutume, je vais vous proposer aujourd’hui de participer à la méditation de la Parole.
Nous sommes toutes et tous protestants, appelés à nous nourrir de la Parole et à témoigner de l’Evangile aujourd’hui. Des 5 « Sola », lequel est pour moi le premier ?
Sola Scriptura (l’Écriture seule), Solus Christus (le Christ seul), Sola Fide (la foi seule), Sola Gratia (la grâce seule) ou Soli Deo Gloria (À Dieu seul la gloire) ?
Comment suis-je appelé aujourd’hui à être protestant autour de moi ?
Je vous propose de vous tourner vers vos voisins, et de prendre le temps d’échanger autour de ces questions.