Prédication du 20 février 2022

Vous avez raté le culte du 20 février dernier ? Retrouvez la prédication du Pasteur Olivier PUTZ ici !

Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Luc, chapitre 12, versets 49 à 59.

Bien aimé frères et soeurs, très chers paroissiens,

Il est des textes bibliques qui agissent sur nous comme du poil à gratter. Cela démange notre conscience car nous ne comprenons pas la portée ou la signification du message. Ces paroles de Jésus Christ en font partie : « Ne pensez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre. Au contraire, je vous le dis, à cause de moi, les gens ne seront pas d’accord entre eux… » Alors que nous prions pour la paix dans le monde, que nous implorons Dieu de nous offrir la paix du coeur, comment comprendre que Jésus, le fils de Dieu, proclame qu’il n’apporte pas la paix sur terre ! Qu’en est-il au juste de tout cela ?

Tout d’abord, il nous faut croire. Croire que Jésus est l’image de Dieu. Ce Dieu plein de bonté qui agit dans le monde à chaque instant. Jésus est celui que Dieu a oint de sa grâce pour révéler au monde son essence, la profondeur de son être, à savoir que Dieu est amour. Un amour infini et inconditionnel. Avec Jésus Christ, ce Dieu d’amour s’est lié avec chacun de nous pour nous donner confiance et espérance. Pour nous relever au moment où nous chutons. Pour nous encourager au moment où nous affrontons l’épreuve. Voilà la vérité que Dieu révèle en Jésus Christ. Chaque personne, quelque soit son origine sociale ou culturelle, est invité par le Dieu de Jésus Christ à entrer en relation avec lui. Il suffit à cette personne de faire confiance en Jésus. Oui, faire confiance aux paroles que Jésus nous offre. Si vous êtes ici ce matin, c’est parce que vous faites vôtres cette vérité de l’Evangile. Vous vous êtes sentis appelé par le Christ. Vous avez entendu la Parole du Christ et vous lui avez donné du crédit. La Parole divine vous a transformé, réjoui, apaisé. Et au plus profond de vous, vous trouvez cette paix, cette harmonie, cette joie. Jésus Christ vous réconcilie avec vous-même. Il vous donne sa paix. Cette expérience spirituelle est offerte à chacun de vous : dans la prière et la reconnaissance de l’action de Dieu dans votre vie.

Transformé par la Parole divine. Réconcilié par son Esprit saint, faites maintenant cet autre exercice. Pas une exercice spirituel qui ouvre votre coeur à l’action de l’Esprit de Dieu. Non un exercice de communication en famille. Vous avez réunis toute votre famille lors d’un repas. Entre la poire et le fromage vous décidez de témoigner. Oui, vous décidez de dire ce que vous apporte votre relation intime et communautaire avec le Christ. Vous dites à votre famille tout ce que le souffle de Dieu vous donne : comme espérance dans les moments difficiles, comme source de joie lorsque Dieu émerveille votre journée, comme élan de vie lorsque vous entrez en contact avec le mystère divin. Faites cet exercice de témoignage. Osez dire la vérité existentielle qui vous anime. Osez proclamer l’amour de Dieu. Que se passe-t-il ? Vous avez déjà expérimenté ? Si vous voulez qu’un repas de famille se passe bien, le dicton nous dit qu’il faut éviter trois guet-apens : celui de l’argent, de la politique et de la religion. Mais la religion est certainement le sujet qui met le plus rapidement le feu aux poudres. Comment comprendre cela ? Jésus savait d’avance que les discussions seraient chaudes et les disputes froides. Il le savait, et nous a mis en garde.

Si ce sujet, de la religion ou du témoignage de foi, est si incendiaire, c’est parce qu’il touche à la notion de vérité. Paul Ricoeur, ce célèbre philosophe qui fut paroissien dans ce temple, nous apprend qu’il y deux types de vérités. Tout d’abord, la vérité scientifique, celle qui a recours au logos, à l’action de mesurer rationnellement les arguments. Il s’agit de trouver la lumière grâce à l’objectivité. Observer, comparer et analyser les causes et les conséquences est la méthode qui permet de réaliser cette vérité objective dite scientifique. Cette vérité scientifique, si elle apporte beaucoup de réponses dans le domaine des choses matérielles, demeure stérile dans le domaine spirituel. Ce n’est pas une équation qui résoudra les questions suivantes : où commence et où finit la vie ? Qu’est-ce qui est juste pour ma vie ? Qu’est-ce qui comble mon existence ? Qu’est-ce qui lui donne une signification, un accomplissement ? La vérité scientifique est stérile pour répondre à ces questions. Il faut alors aborder les rives de la vérité existentielle. La vérité existentielle, ce deuxième type de vérité selon Ricoeur, est celle que nous apporte Jésus.

Lui qui vient du Père nous appelle à sortir de nos illusions pour découvrir ce qui compte réellement pour nous. Sortir de notre illusion de nous sauver par le pouvoir de la puissance de l’argent. Sortir de notre prétention à être meilleur que tous les autres. Sortir de notre avidité de vouloir posséder tous ce qui nous entourent. Sortir de l’esclavage où nos passions nous plonge. La vérité existentielle est une parole libératrice que Dieu nous donne pour sortir des prisons spirituelles dans lesquelles nous nous enfermons. La source des conflits qui sépare le père du fils, la fille de la mère… est souvent la confusion entre ces deux types de vérité.

Deuxième raison de conflit : proclamer la vérité existentielle (celle qui émane de Dieu) c’est pointer où se situe le mal. C’est définir un champ où la relation repose sur un mutuel respect et dont l’objectif est de faire grandir notre vis-à-vis. Alors que la puissance du mal est de nous faire croire que l’autre, celui qui est en face de moi, n’est qu’une chose à mon service. Ce n’est plus une personne mais un objet dont on dispose.

La vérité existentielle repose sur notre capacité à assumer notre rôle de sujet. A oser dire une parole libératrice et bienveillante. A pointer ce qui asservit le monde. A proclamer une parole qui construit le royaume de Dieu dans l’amour et la confiance. Cette dynamique libératrice est souvent conflictuelle, car elle remet en cause les choses établies.

Le feu évoqué par Jésus : « je suis venu apporté un feu sur la terre » ce n’est autre que le feu de la vérité qui pointe et désigne le mal. Cette vérité qui nous fait exister en tant que personne et non pas en tant que chose. Cette vérité qui offre un vent qui libère notre humanité des illusions qui nous perdent. Cette vérité qui nous sauve des faux dieux qui nous emprisonne.

Parce que Dieu a fait les hommes libres, c’est à chaque humain de cheminer pour recevoir cette parole de vérité, ce feu libérateur. Si, au cours de nos repas familiaux, les discussions sont vives n’est-ce pas parce nous sommes tous à des seuils différents de compréhensions et d’acceptation de cette vérité existentielle. Et nous pouvons noter que la virulence est d’autant plus forte que le refus de cette vérité existentielle, ou le refus d’accueillir Dieu dans sa vie, est fort. Comme si nous touchions à ce moment précis, un corde sensible, une corde spirituelle endormie.

Le moment précis, justement ! Jésus nous fait la morale. Il nous dit que nous sommes capable de faire de grande chose, de prévoir la venue du soleil ou de la pluie. Dit de manière plus moderne, que nous sommes capable d’atteindre le ciel avec nos immeubles géants, de mettre le pied sur la lune et de partir à la conquête de Mars, mais nous sommes incapables de proclamer cette vérité qui nous sauve, au bon moment.

Le « bon moment » justement, n’est autre que ce « Kairos » comme l’exprime la langue grecque. Ce moment opportun où une parole clé pour tout transformer. Une parole pertinente qui peut résonner (dans le sens de retentir) dans la conscience de celui qui écoute.

Pourquoi nous refuser à oser cette parole, nous interpelle le fils de Dieu ? Pourquoi ce manque d’audace lorsque nous pouvons faire briller la vérité existentielle, qui ne vient pas de nous mais qui est vérité de Dieu ? Pourquoi nous refuser à proclamer l’amour de Dieu pour les hommes ?

Aussi frères et soeurs, ayons cette audace. Osons proclamer la parole de Dieu, même si cela va à l’encontre de l’air du temps, et pour paraphraser l’apôtre Paul : Ayons l’audace de proclamer que l’amour prend patience, rend service, ne jalouse pas, ne plastronne pas, ne s’enfle pas d’orgueil, ne fait rien de ce qui est laid, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, n’entretient pas de rancune, ne se réjouis pas de l’injustice, et ne trouve sa joie que dans la vérité.

Est-ce être donneur de leçon que de proclamer la parole de Dieu ? Consentons que la ligne est fine et la limite facilement franchie. Les chrétiens ne sont-ils pas mis en demeure par le Christ d’annoncer sa parole, au risque de décevoir ? Mais que devons-nous rechercher : l’image que nous donnons de nous aux yeux du monde, ou une fidélité à notre Seigneur ? C’est en conscience que nous répondons à cette question.

Amen.

Pasteur Olivier PUTZ

Dimanche 20 février 2022, Rennes

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