Prédication du dimanche 14 avril 2024

Le culte du 14 avril dernier était tourné vers l'Entraide 35. L'Entraide 35 est l'association de type 1901 qui gère toutes les questions sociales et humanitaires au sein de notre communauté de l’Église Protestante Unie de Rennes. Elle fait pleinement partie de notre conception de l’Église : En effet, notre définition de l’Église ne se réduit pas au cadre restrictif, purement cultuel, des associations type 1905 (association cultuel). Le texte biblique partagé au cours de culte était tiré de l’Évangile de Matthieu 25, versets 34b à 40 mais je vous invite à méditer sur une prédication du Pasteur Marc PERNOT et qui porte sur les versets 31 à 46 dont j'ai repris une partie de l'argumentaire. Bien fraternellement, Pasteur Hervé STÜCKER

Evangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 31à 46

Lorsque le Fils de l’homme vient dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur son trône glorieux. Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres comme le berger sépare les brebis des boucs : il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche.

Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ;  j’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir. »

Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ? — ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ? — ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te voir ? »

Et le roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire. J’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. »

Alors ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, sans nous mettre à ton service ? Alors il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n’avez pas fait cela pour l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. »

Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes, à la vie éternelle.

 

Le jugement dernier ? ça nous sauve.

 

Une prédication du Pasteur Marc PERNOT, pasteur à Genève.

 

La prédication chrétienne évoque parfois un « jugement dernier ». Cette idée est présente aussi de façon forte dans d’autres traditions, par exemple chez les bâtisseurs de pyramides (avec la pesée des âmes), chez les fidèles de l’Islam, ou avec les Bouddhistes en attente d’atteindre le nirvana. Il y a intérêt à être performant pour passer à l’étape supérieure.

Est-ce de ce type de jugements dont parle cet enseignement de Jésus ?

Est-ce que le Christ « Sauveur du monde » nous sauverait de ce jugement dernier ?

Ne serait-ce pas au contraire grâce au jugement dont parle ici Jésus que Dieu nous sauve ?

 

Un regard neuf

 

Nous rencontrons une difficulté en lisant ce texte, c’est que notre écoute est facilement parasitée par des siècles et des siècles de mythologies ajoutées. Par exemple avec cette confession de foi que l’on appelle « le Crédo » ou « le symbole des apôtres » (bien qu’il se soit écoulé des générations après les apôtres de Jésus avant sa rédaction). Ce texte a été rédigé en rassemblant les points les plus discutés de la théologie chrétienne au Vème et VIème siècles avec la peu sympathique intention d’exclure ceux qui oseraient ne pas avoir les mêmes opinions que la majorité des autorités sur ces questions. Cela explique pourquoi l’essentiel de la foi du Christ est absent de ce Crédo puisque dès lors que tout le monde était d’accord sur un point il était inutile de l’inscrire dans cette liste des points litigieux et rendus obligatoire par l’administration impériale. C’est ainsi que pour parler de Jésus ce texte passe de sa naissance miraculeuse de la vierge Marie à sa souffrance sous Ponce Pilate et rien entre les deux. Car pour ces censeurs ecclésiastiques, il était inutile alors de parler de ce cœur de l’Évangile qui faisait consensus : Jésus annonçant et vivant l’Évangile, manifestant ainsi la grâce et l’amour de Dieu pour chaque personne. Par contre, pour appuyer leur autorité, ils avaient besoin d’insister sur le jugement, Jésus-Christ « revenant pour juger les vivants et les morts ».

Cette foi officielle a profondément imprégné les consciences et donc l’imaginaire des chrétiens, une foi faisant l’impasse de l’amour de Dieu manifesté en Christ, et aboutissant à un jugement au retour du Christ dans le futur. Cette façon de comprendre le rôle du Christ a particulièrement exploité ce texte que je vous ai lu ce matin. À condition d’en faire une lecture superficielle, il illustre bien l’idée de jugement porté par le Christ, la finale est propre à en dramatiser l’issue, et faire de cet enseignement du Christ non plus une bonne nouvelle pour chacun mais une solennelle mise en garde sous la menace d’une sélection impitoyable des personnes performantes, les autres étant jetées dans les tortures et la mort.

Cette façon de lire ce texte n’est possible qu’à condition de ne pas le lire trop en détail.

 

Un jugement dans le présent, et non dans le futur

 

Reprenons ce texte. En commençant par la très courte parabole que Jésus brosse pour entrer dans son propos. De quoi est-il question ? Serait-ce de la théorie chère aux théologiens du Vème siècle avec cette mythologie de retour du Christ et de jugement à la fin des temps ? Et bien non. Car il n’est pas écrit « Lorsque le Fils de L’Homme viendra dans sa gloire… » (au futur) : il y a en réalité un subjonctif, ce qui signifie « chaque fois que le Fils de l’Homme vient dans sa gloire… », ou « dans la mesure où le Fils de l’Homme se manifeste de façon active… » dans le présent, au cœur de notre vie en ce monde.

Cela change tout. Nous ne sommes plus dans une mythologie post-apocalyptique, ce dont parle Jésus est l’action de Dieu en notre vie présente.

Et puisque le Christ est la bonne nouvelle ultime pour chacun, cette action est nécessairement un service bénéfique à l’image de ce que pratiquait le Christ au fil de ses rencontres : relevant telle personne, annonçant le pardon et le salut à chacun, déliant un membre noué, une main sèche, purifiant, consolant, encourageant, ouvrant nos oreilles, nos yeux, notre bouche…

Ce « chaque fois que le Fils de l’Homme se manifeste dans sa gloire » annonce donc un service à recevoir de façon répétée tout au long de notre vie, dès lors que le besoin s’en fait ressentir.

Quel est ce « Fils de l’Homme » qui peut nous rendre ce fier service ? Dans ce contexte, avec l’article défini : « LE Fils de l’Homme » c’est le Christ. Pourquoi alors ne pas dire tout simplement « le Christ » ? C’est que cette expression « Fils de l’Homme » (« enfant d’Adam ») est dans la Bible hébraïque la plupart du temps l’humain tout à fait normal comme vous et moi. Et « la gloire » désigne dans la Bible hébraïque la capacité de créer de belles et bonnes choses comme la « gloire de l’Éternel » dont parle le livre de l’Exode pour dire Dieu qui sauve son peuple en le libérant, l’éclairant, le nourrissant, l’abreuvant à travers le désert jusque vers la vie. Ce « chaque fois que le Fils de l’Homme vient dans sa gloire » exprime donc d’abord l’action du Christ en nous, cette expression ouvre à un prolongement où ce qui sera ensuite le sujet du salut sera ce qui est christique en tout « enfant d’Adam » : ce qui est de l’ordre du Christ en chaque personne humaine, ce qui est animé d’une grâce divine pour faire le bien, et prendre part à cette œuvre de salut de Dieu en ce monde.

C’est ce que Jésus évoque dans la suite poétiquement d’« hériter le Royaume » : hériter de ce métier d’artisan ayant sa part dans le chantier de Dieu créant et accompagnant la vie.

 

Le berger séparant les brebis des boucs

 

Quelle est donc maintenant, selon ce texte, cette action du Fils de l’homme dans sa gloire, chaque fois que l’occasion lui est donnée de paraître ? C’est une action digne d’un berger, nous dit Jésus. Dans la Bible, le berger évoque Dieu en tant qu’il est plein de compassion et de soin pour chaque personne individuellement.

Pourtant, ce texte peut faire peur, avec la distinction entre les bonnes brebis et les méchants boucs. Plus précisément, ce texte a été utilisé pour faire peur, donnant une image de Dieu assez terrible, sélectionnant telle personne et éliminant telle autre.

Ce n’est pas ainsi que les premiers chrétiens ont compris ce texte, eux qui étaient proches de la culture de Jésus. Ils voyaient dans ce texte l’annonce qu’en Christ, Dieu vient sauver les pécheurs que nous sommes. Examinons donc cet enseignement de Jésus en faisant attention à ce qu’il dit réellement.

  • Jésus dit que celui qui a donné ne serait-ce qu’un petit verre d’eau à quelqu’un dans sa vie sera accueilli dans le Royaume de Dieu.
  • Et que sera éliminé celui qui a manqué de compassion au point d’avoir laissé une fois quelqu’un sans lui offrir un petit verre d’eau.

Il est clair que toute personne est concernée à la fois par les deux cas de figures. La brebis et le bouc sont intimement mêlés en chacun de nous. C’est d’ailleurs une de nos difficultés que la brebis et le bouc se confondent en nous. Bien sûr que nous sommes tous à la fois juste et pécheur. En des proportions diverses et de façon plus ou moins terrible, certes. Mieux vaut le plus juste et le moins méchant possible, bien sûr. Et c’est de cela que parle ce texte, car c’est l’action de ce berger : de ne pas tout confondre, d’appeler un bouc un bouc, de nous ouvrir les yeux afin de remettre sans cesse le meilleur de nous sur le dessus et tenter de guérir du moins bon.

Cette interprétation est très classique dès lors que le texte biblique présente une figure du juste et une figure du pécheur, le « celui qui ceci… celui qui cela… » est à lire comme « ce qui est juste en chacun de nous… ce qui est à côté de la plaque, ou souffrant en chacun de nous… ». C’est comme cela que les premiers chrétiens ont compris cette parabole, comme nous le voyons sur cette illustration du IVème siècle assez courante dans les catacombes où le Christ ne se contente pas de séparer les brebis des boucs, il accueille la brebis et il sauve le bouc en le portant. Le bouc n’évoque donc pas celui qui se comporte moins bien que la moyenne, le bouc de cette parabole évoque la dimension de notre être qui est souffrante et a donc grand besoin de l’aide du berger.

Quel est donc ce jugement de Dieu ? Ce n’est pas un examen sélectionnant et recalant des individus à la fin des temps, c’est au contraire un amour puissant qui ne cesse de chercher à ce que nous soyons plus en forme. Évidemment. Dans ce texte, nous voyons que le bien consiste à nourrir, visiter, libérer même le plus petit, le plus misérable, le plus malade. Dieu est le premier à vraiment agir comme cela puisque Dieu est le juste ultime. C’est inspirant et cela veut dire que même si quelqu’un était incapable de faire ne serait-ce qu’un seul minuscule acte de bonté durant toute sa vie, il serait le plus petit des petits dont parle ici Jésus, il serait étranger à Dieu et prisonnier du péché… Si une telle personne championne du monde dans la catégorie des boucs existait, Dieu ferait en urgence ce que Jésus présente comme étant le juste comportement : Dieu se précipiterait pour visiter cette personne persistant à ne pas accepter sa nourriture, sa libération et son accueil, jamais Dieu ne cesserait de visiter, de proposer, de pardonner, d’abreuver.

Le jugement de Dieu, c’est donc l’amour, si nous en doutions encore et ce jugement est un service excellent à recevoir dès aujourd’hui. Que Dieu nous éclaire sur ce qui est en nous brebis et ce qui est bouc, une part de notre problème est de ne pas le discerner assez clairement. Pour ensuite nous demander sur quel bouc encombrant les profondeurs de notre être aimerais-je que Dieu commence aujourd’hui à travailler ? Et quelle bonne brebis en moi pourrait être mobilisée pour faire à ma mesure un travail de bon berger ? Ou ce travail d’Enfant de l’humain que je suis ?

Quel est ce travail ? Jésus en parle ici, dans la description « du juste » (Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 34 à 36) : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire… ». Il s’agit donc : de donner à manger au Christ quand il a faim, de lui donner à boire quand il a soif, d’accueillir le Christ en nous quand il est étranger à notre vie, c’est d’aller voir le Christ quand il est prisonnier de notre troupeau de boucs, ou malade. Car c’est vraiment cela le critère donné ici par Jésus. Ce qui est la définition même de l’action juste et c’est cet élan pour accueillir, nourrir, visiter, soigner… le Christ.

Qu’est-ce que cela veut dire de soigner ainsi le Christ ? C’est ce qu’explique Jésus : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » (verset 40). C’est déjà plus facile que de soigner un Jésus qui n’est plus là. Cherchons donc à savoir qui sont ces « plus petits d’entre les frères du Christ » qu’il nous faudrait soigner ? Jésus ne nous dit pas de nourrir, visiter, libérer notre prochain (ce qui est évidemment une bonne idée, c’est une autre question). Ici Jésus ne nous dit pas d’aider nos frères et sœurs à nous, mais ses frères à lui. Or, nous savons ce que Jésus entend par « mes frères et sœurs » d’après un passage précédent dans ce même évangile selon Matthieu : son frère ou sa sœur, nous dit Jésus, c’est celui qui écoute la Parole de Dieu et qui fait sa volonté (Évangile selon Matthieu, chapitre 12, verset 49).

L’action juste va ainsi à la source du meilleur en chacun : reconnaître ce petit frère, cette petite sœur du Christ en nous-même et en notre prochain pour visiter et soigner cette dimension afin qu’elle soit en forme. Cela suppose d’avoir été éclairé pour ne pas la confondre avec le premier bouc qui passe par là. Ce que révèle le Christ est que toute personne a en elle quelque chose de l’ordre de la lumière, de la Parole de Dieu (Évangile selon Matthieu, chapitre 5, verset 14), même si ce n’était que très ténu et embryonnaire, nous avons là un « plus petit parmi (ses) frères » qui pourrait être visité, abreuvé, nourri. En tout cas c’est l’espérance de Dieu. Espérance inlassable. Être juste, selon ces paroles de Jésus c’est chercher à éveiller le meilleur de chacun : sa personnalité profonde et spirituelle, à nourrir ce meilleur, à le visiter, le soigner, le libérer. C’est souvent une rude tâche. Toujours infiniment délicate. Demandant un infini respect, une clairvoyance pour discerner, un amour pour supporter (dans les deux sens du terme), et mille autres qualités. Pour cela, Dieu nous adjoint, nous dit Jésus en introduction, une myriade d’anges. Peut-être est-ce là le premier de tous les conseils présents dans ce texte pour favoriser l’émergence de ce salut : faisons équipe avec l’Esprit de Dieu en nous, ou sa Parole, ou ses anges (c’est la même chose).

 

Pasteur Marc PERNOT

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