Prédication du dimanche 18 février 2024

En ce début de carême, nous sommes, avec l’Évangile de Marc, dans la simplicité d’une rencontre. Jésus sort de sa solitude humaine pour, pour... Des mots.

« Il vint de Nazareth » nous dit le texte. Sans autre commentaire !

« Jean le baptisa dans le Jourdain » Rien de plus simple.

C’est vrai, il y a cette Parole, cette voix du ciel « Tu es mon Fils bien-aimé » et puis l’Esprit qui descend comme une colombe. Mais remarquez comment Marc ne s’étend pas sur ces événements. Tout est presque naturel !!

Et puis au verset 14, Jean, celui qui a ouvert la porte, s’efface. Il est en prison et déjà mort. Mais pour lui l’essentiel est dit. La parole a été proclamée « Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! »

La place est faite, Jésus sort de sa solitude humaine pour des mots.

 

D’abord des mots, des paroles.

 

Et c’est peut-être une bonne idée de ne nous avoir donné que ces quatre versets à lire. Les actes, les rencontres, les miracles, le pain distribué, les démons chassés, les querelles théologiques menées avec autorité, ce sera pour plus tard. Des mots ! Juste deux phrases pour dire une bonne nouvelle de la part de Dieu.

C’est ainsi que commence le ministère de Jésus : avec des mots : « Le moment fixé est arrivé car le royaume de Dieu s’est approché ! Changez de comportement et croyez la Bonne Nouvelle ! »

 

Quel rapport avec les deux versets qui précèdent, qui nous disent sans détail que Jésus a été tenté par Satan ? Cherchons.

 

Le récit de la tentation de Jésus se trouve dans l’Évangile de Matthieu (4 :1-11); de Marc et de Luc (4 :1-13). Luc raconte trois tentations. Matthieu détaille la scène en onze versets.

Mais là, dans l’Évangile de Marc, aucun détail, aucune indication sur le sens de cet épisode pour Jésus et pour nous.

Doit-on imaginer un combat des dieux, comme beaucoup de récits fondateurs en ont ?

Doit-on imaginer un examen de passage ?

Doit-on imaginer qu’il s’agit de nous présenter Jésus comme héritier de Moïse (quarante jours dans le désert), d’Adam (au milieu des animaux sauvages), des prophètes (nourris par les anges, tentés) ?

Pourquoi pas une classe préparatoire qui quelque part ne nous regarderait pas ?

Jésus mettrait alors les leçons en pratique : il annonce sans miracle, sans mystère et sans actes d’autorité le Royaume de Dieu.

 

Tout est Parole. Tout est simplicité.

 

Pour Marc alors, pas de miracle, pas d’effet spectaculaire… Il y a avant tout la Parole. Une parole éternelle semblable à celle de Dieu dans le récit du déluge. Une parole de tous les temps comme une parole d’aujourd’hui. Il y a eu, il y a, il y aura toujours un arc-en-ciel quand dans notre vie les nuages s’amoncellent et que l’orage gronde. La parole est là pour toujours nous rappeler qu’il y a un possible. Et cette Parole retentit !

“Le moment fixé est arrivé, dit Jésus, le Royaume de Dieu s’est approché !  Changez de comportement et acceptez la bonne nouvelle”.

Pouvez-vous vous imaginer une seconde prononçant tout à l’heure, entre une cuillère de dessert et un café, ces deux phrases à vos proches ? Ah bon ? Et alors ?!

Et dans notre langage quotidien, cela donnerait quoi ? Les réponses sont autant de réactions possibles. Le défi reste pourtant : il s’agit de dire sa foi.

 

Retournons alors dans l’Évangile de Marc.

 

Douze mentions du Royaume de Dieu y sont faites. Il s’agit d’un secret, raconté en paraboles, en deux histoires une semence qui pousse seule, une petite graine qui devient un arbre refuge. Le Royaume de Dieu se possède. Il appartient à ceux qui sont comme des enfants et qui acceptent cette possession. Des hommes espèrent sa venue, et il semble que la question ne soit pas sa venue mais son ouverture, car la difficulté est d’y entrer.

Nous voilà assez peu renseignés ! Et pourtant, chacun de nous devra bien mettre d’autres mots pour, à son tour, annoncer l’Évangile de Dieu. Essayons, cela pourrait donner : “Ça y est ! Comme prévu, Dieu permet à tout homme de vivre libre, en relation aux autres et à Dieu. Ce cadeau est à portée de main. Ouvrez les yeux et acceptez-le”.

 

Essayons encore :

 

« Pour répondre à vos attentes, à vos espérances, ça y est : votre vie peut recevoir du sens. Il est offert par Dieu, le voici : avoir des relations avec Dieu et les hommes à cause de l’amour de Dieu, rend libre. Arrêtez de vivre comme des valises, des pions, et acceptez cette proposition”.

En fait, quel que soit le vocabulaire ou les tournures que nous pouvons employer, il s’agit bien de dire en peu de mots, mais avec nos mots d’aujourd’hui, la bonne nouvelle de Dieu. Et c’est, je crois un vrai défi pour toutes celles et ceux qui, en regardant un arc-en-ciel se réjouissent de l’alliance.

Jésus nous dit : “Le moment fixé est arrivé, le Royaume de Dieu s’est approché ! Changez de comportement et acceptez la Bonne Nouvelle”.

En ce début de Carême, il est possible que certains de nos contemporains, en rupture ou en accord avec de vieilles traditions, entendent le “changez de comportement” comme un :

  • faites des efforts de bonne conduite ;
  • jeûnez ;
  • privez-vous de vos plaisirs habituels.

Mais l’épisode de Jésus dans le désert ne nous éclaire pas du tout à ce propos. Il nous est juste dit que le messager est mis en condition. Attention à ne pas en déduire trop vite une espèce de pénitence teintée d’ascétisme mortifiant qu’il faudrait nous appliquer comme réponse à une volonté divine.

 

L’essentiel est là quand Jésus nous dit : « changez de comportement, convertissez-vous ».

 

Sans doute l’ordre de ces deux expressions a-t-elle une importance. Il nous est demandé de changer et de croire ; non de croire puis de changer. Tout cela nous invite à comprendre l’ordre-invitation de Jésus comme signifiant la nécessité de se mettre dans une attitude qui rend possible l’acceptation de la Bonne Nouvelle.

Toujours pour relever le même défi, cherchons des synonymes pour nos contemporains. Essayons. Pourquoi pas :

  • “devenez un peu fous” ; 
  • ou “perdez un peu de votre sacro-saint scepticisme” ;
  • ou “ouvrez les yeux ! “

Le cadeau s’accepte à condition d’ouvrir les yeux, à condition d’être un peu fou, à condition de changer de comportement, à condition d’oser. Des conditions qui n’ont rien à voir avec un “sois sage” et « prive-toi ».

Aujourd’hui, entrer dans le temps de carême, c’est prendre le temps de replacer au cœur de notre existence l’alliance entre Dieu et l’humanité dont nous faisons tous partie. C’est une démarche sérieuse, attentive mais aussi joyeuse. Demander à Dieu une conscience purifiée comme le dit Pierre, pour faire pleinement place à l’Esprit. Et je crois qu’accepter cette bonne nouvelle me rend libre de mes choix, responsable de mes relations aux autres et à Dieu, responsable du partage avec les autres de cette Bonne-Nouvelle. Responsable, et capable, parce qu’accompagné par Jésus Christ.

Avec Dieu et en Jésus Christ, le Royaume s’est approché… Il y a toujours un possible dans notre vie. Alors… Changez de comportement et croyez la Bonne Nouvelle.

Amen.

 

Pasteur Hervé STÜCKER

Rennes, le 18 février 2024

 

Évangile de Marc, chapitre 1, versets 12 à 15

 

En ces jours-là Jésus vint, de Nazareth de Galilée, et il reçut de Jean le baptême dans le Jourdain. Dès qu’il remonta de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre vers lui comme une colombe. Et une voix survint des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé ; c’est en toi que j’ai pris plaisir.

Aussitôt l’Esprit le chasse au désert. Il passa quarante jours dans le désert, mis à l’épreuve par le Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.

 

Livre de la Genèse, chapitre 9, versets 8 à 15

 

Dieu dit à Noé et à ses fils avec lui : « Quant à moi, j’établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l’arche, avec tous les animaux sauvages. J’établis mon alliance avec vous : tous les êtres ne seront plus retranchés par les eaux du déluge, et il n’y aura plus de déluge pour anéantir la terre. »

Dieu dit : « Voici le signe de l’alliance que je place entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour toutes les générations, pour toujours : je place mon arc dans la nuée, et il sera un signe d’alliance entre moi et la terre. Quand j’aurai rassemblé des nuages au-dessus de la terre, l’arc apparaîtra dans la nuée, et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants, et les eaux ne se transformeront plus en déluge pour anéantir tous les êtres.« 

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