Prédication du dimanche 8 mai 2022

Vous avez raté le culte du dimanche 8 mai dernier ? Retrouvez la prédication du Pasteur Olivier PUTZ ici !

Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Luc chapitre 24 versets 13 à 35.

 

Bien aimé frères et sœurs, très chers paroissiens,

Nous sommes dans une société du spectacle. Les sociologues ont fait ce constat depuis quelques années maintenant. Tout est mis en scène pour être vu, contemplé, observé. Cette société du spectacle étend toujours plus loin son influence. Peu de domaines sont épargnés. Tout se donne à voir : la culture s’expose partout, la justice est transparente comme les murs en verre des tribunaux, la politique est un show télévisuel. Même la vie personnelle de chacun est sujet à être un spectacle. Regardez Facebook où chacun expose sa vie au regard de tous. Certains domaines, cependant, échappent au spectacle : l’économie, la finance et le domaine de l’argent demeurent étrangement opaques. Allez savoir pourquoi…

Question :

Alors que dans notre société du spectacle tout est au vu de tous, Dieu, Christ ressuscité se donne-t-il aussi à voir ? Pouvons-nous voir Dieu comme on voit le spectacle de la politique ou la vie privée est exposée devant tous ? Et sinon, comment Dieu se manifeste-t-il à nous ?

I. Dieu : impossible à voir

Voir Dieu est une question qui anime notre humanité depuis la nuit des temps. Car voir Dieu, c’est être en mesure de le toucher, de le saisir et quelque part de posséder Dieu. La créature n’a-t-elle pas la tentation de posséder son Créateur ? Voir, pour mieux se saisir. Voir, pour mieux posséder.

Mais il y a une résistance : le témoignage biblique. Ainsi ce texte de Luc qui nous raconte cette rencontre établie sur ce chemin qui va de Jérusalem à Emmaüs. Ce passage nous dit clairement qu’il est impossible de voir Dieu.

En voici le récit : Jésus Ressuscité accompagne pendant 60 stades, c’est-à- dire 12 Km, deux disciples. Il chemine avec eux. Jésus les écoute. Puis il leur explique toute l’Ecriture « depuis Moïse et les prophètes » nous dit le texte. Et durant tout ce temps, les disciples ne voient pas Jésus. Leur vue est comme voilée par leurs préoccupations, leurs envies ou leurs incompréhensions. Voilée, par les fausses prétentions qu’ils attribuent à Dieu. Fausses croyances d’une compréhension erronée du messie. Ils voyaient dans le messie un libérateur. Et pour eux, libérateur rimait avec vainqueur.

Alors qu’en montant sur la croix, notre messie signifie que sa puissance est dans la fragilité. Elle n’est pas dans la violence et le fracas des victoires militaires. Autres fausses croyances que celles de l’homme contemporain. Nous autres, nous voyons Dieu comme un « Deus ex machina ». Un Dieu qui agit mécaniquement (comme la machinerie d’un théâtre) sur toutes les dimensions de notre vie. Une sorte de distributeur automatique de spiritualité. On met la pièce et l’on reçoit la faveur divine.

Ce rapport mécanique à Dieu n’a aucun rapport avec le Dieu de Jésus Christ. Christ agit dans le domaine spirituel. Dieu agit en nous donnant le courage, l’audace, l’espérance, la confiance, l’amour. Il est d’abord le moteur de notre vie intérieure. Et non un quelconque horloger qui règlerait les rapports extérieurs de nos vies. Ayons l’assurance que tout comme les disciples qui cheminent vers Emmaüs, nous ne pouvons pas voir Dieu. Nous ne pouvons pas délimiter sa personne dans un espace donné.

Car Dieu, à la différence des canons de notre société, ne se donne pas en spectacle. Christ ressuscité n’est pas un amuseur de foule. Et s’il monte sur la Croix, ce n’est pas pour divertir le monde. S’il monte sur la Croix ce n’est que pour assumer le tragique de notre existence. S’il meurt seul entouré de deux larrons, c’est pour lancer un message au monde entier : Dieu est à nos côtés, tous les jours de notre vie, y compris et surtout dans nos moments de solitude, de tristesse, ces terribles moments où le poids du néant pèse sur notre âme.

Dieu ne se donne pas à voir dans le spectaculaire mais dans la présence bienveillante d’une main qui se tend au milieu de notre désespérance.

Non, personne ne peut voir Dieu. Ainsi, précisément au moment où les disciples le voient, le Ressuscité prend congé : « alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux ». Quel bel oxymore ! Voir et disparaître ! La tension dans ce texte est paradoxalement une délivrance. Une délivrance de nos fausses croyances. Certes, nos yeux ne peuvent pas voir Dieu qui ne se situe ni dans un endroit particulier, ni dans une chose déterminée.

Parce que nous ne pouvons pas voir Dieu, Dieu se fait présence. Christ entre en relation avec nous : « Nos cœurs ne brûlaient-ils pas au dedans de nous lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ? ». Nous passons ainsi du voir à l’être. A l’être avec nous.

II. Christ : présence libératrice

Si Dieu n’est pas physiquement visible, si son agir dans le monde n’est pas un spectacle digne des sons et lumières du 14 Juillet, Christ se rend présent dans nos cœurs. « Ces cœurs qui brûlent à l’écoute de sa parole. » Et le cœur, dans la tradition biblique, c’est le siège de nos intentions, de nos volontés et de nos résolutions. Avec les yeux, la communication demeure extérieure. Avec le cœur, la relation devient intime.

Oui, Christ établit une relation personnelle avec ses disciples. Sur ce chemin qui mène à Emmaüs, Christ prend son temps pour écouter, pour enseigner. Notre Seigneur établit une relation de vérité basée sur l’écoute. Ecouter nos joies et nos peines. Annoncer une parole d’espérance et de reconnaissance. Et puis, poser un geste de partage avec une parole d’amour : « pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain ; et, après avoir rendu grâce, il le rompit et leur donna ». Christ se rend présent dans nos moments d’absence, de solitude et de désespérance. Christ se fait absent lorsque nous souhaitons l’enfermer, le localiser, le posséder.

Paradoxe de la présence absence pour mieux nous libérer. Nous retrouvons là l’oxymore libérateur de « voir et disparaître ». Christ tisse une relation de vérité bienveillante pour nous libérer. La vraie libération. Pas celle qui passe par la conquête d’un territoire extérieure. Mais la libération intérieure : celle qui nous délivre de nos tensions internes où la souffrance étouffe la joie et où l’humiliation brise l’estime de soi.

Oui, Christ nous libère de nos tensions internes, de nos zones d’ombres qui nous conduisent sur les chemins de malheur. Christ nous fait quitter les pleurs de Jérusalem pour la joie d’Emmaüs. Il nous libère de la toute-puissance de l’extériorité, du tout visible, du tout transparent, pour nous amener à rechercher l’intériorité. Cet espace en nous-même, où nous pouvons respirer l’air libre de la confiance et de l’amour. Christ est cette présence libératrice qui nous ouvre les chemins de l’espérance.

III. Une parole qui engage

Si nous ne pouvons pas voir Dieu, nous pouvons vivre de sa présence au plus profond de nous-même, dans notre intériorité. Nous pouvons ouvrir nos cœurs à la brûlure de Sa parole et nous laisser transformer par la force de son amour.

Avez-vous remarqué que les disciples n’atteignirent pas Emmaüs ? « Se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem » nous dit le texte. Ces deux disciples retournent à Jérusalem pour retrouver les Onze, c’est-à-dire l’église. Ce texte est là pour nous rappeler que relation personnelle ne veut pas dire individualisme. Nous sommes invités à retrouver une communauté. D’une part, avec Christ ressuscité nous pouvons retourner sur nos lieux de souffrance intérieure, nos zones d’ombre et y poser une parole de confiance et d’espérance.

Comme un baume qui restaure notre âme.

Transformer les pleurs de Jérusalem en cri de joie et d’allégresse. Ce retournement et cette transformation, cela s’appelle une conversion. Et d’autre part, nous avons la nécessité de retrouver d’autres frères et sœurs, nous rassembler pour, à notre tour, témoigner de cette présence qui restaure notre âme. Pour à notre tour, écouter patiemment, comme le fit le Christ sur ce chemin d’Emmaüs, écouter la souffrance, la colère, l’exaspération qui conduisent à tous les excès.

Et la souffrance, la colère et l’exaspération sont grandes dans notre pays. Les résultats électoraux l’attestent. Il y a là nécessité pour les disciples du Christ que nous sommes d’écouter la souffrance, la colère et l’exaspération. Et ensuite à notre tour, portés par le souffle du Ressuscité, nous pouvons annoncer une parole d’espérance et de confiance. Car nous pouvons témoigner que nos tensions intérieures et nos zones d’ombre trouvent la paix du cœur en nous abandonnant à Jésus Christ. Et enfin, nous aussi, en église rassemblée autour de sa parole et de ses sacrements, nous pouvons témoigner que le partage n’est pas un vain mot.

Car si le Christ a placé le partage du pain et du vin au cœur de notre spiritualité, c’est parce que le partage est la clef d’un vivre ensemble reposant sur la paix et la concorde. Ecouter, annoncer et partager voilà comment Christ ressuscité se rend visible dans les cœurs. Visible dans la relation à l’autre.

Ecouter, annoncer et partager, voilà comment rendre visible le Christ. Loin du spectacle ambiant, soyons dans la vérité d’une relation d’amour. Amen.

Pasteur Olivier PUTZ

Dimanche 8 mai 2022, Rennes

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