PRÉDICATION DU 19 FÉVRIER

Vous avez raté le culte du 19 février 2023. Retrouvez la prédication de la Pasteure Zohra Mokri.

Prédication réalisée d’après le texte biblique : Marc 1 : 1-11

 

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui est un jour de fête pour notre Église : Nous accueillons Mathilde qui, par son baptême, est devenue notre sœur dans cette grande famille qui nous unit en Jésus-Christ. Jour de joie car nous avons prononcé l’amour inconditionnel de Dieu qui la précède dans sa vie, comme celle de ses parents et la nôtre à tous.

Catherine et Julien, vous avez choisi ce texte de l’Évangile de Marc pour partager votre compréhension du baptême et surtout exprimer votre espérance de voir un jour Mathilde concrétiser en toute conscience, son appartenance au Corps des baptisés, l’Église de Jésus-Christ !

Une occasion pour nous de méditer ce matin ce passage de l’Évangile de Marc qui est bien autre chose et davantage qu’une simple histoire racontée. L’Évangile de Marc constitue en effet, le message d’une église primitive, encore toute secouée par l’événement de Pâques et de Pentecôte. Une jeune église qui se réfère constamment aux actes et aux paroles de Jésus pour faire face à une situation difficile. Une église qui découvre toute la puissance de la résurrection, de la vie du Christ et qui en témoigne simplement, avec les humbles mots de tous les jours. Tel est le projet de Marc : s’en tenir à la présence de Jésus-Christ pour donner sens et vérité à toute recherche, à toute question et à toute démarche humaine.

 

D’emblée et en passant sous le porche qui ouvre l’Évangile de Marc, une question-clé, très ancienne et très actuelle aussi que chacun se pose lorsqu’il entend parler de Jésus et particulièrement lorsqu’il entend la voix vivante qui a retenti dans les cieux, désignant ce Jésus comme le Fils bien-aimé : « Mais qui est donc, pour moi, aujourd’hui, ce Jésus sur qui descend incontestablement l’Esprit de Dieu ?».

Certes, nous pouvons accepter ou récuser cette réponse de foi, proposée d’emblée par Marc. Mais nous ne pouvons pas l’ignorer. Car Marc annonce ici la couleur de son Évangile : Dès les premiers mots, il nous met dans la confidence. Il ne peut s’empêcher de dévoiler le grand secret qui change sa vie et fait de lui le témoin, et non pas simplement le chroniqueur de l’Evangile.

 

Ainsi, Marc, avec une remarquable sobriété, concentre notre attention, qui si souvent se disperse dans des détails, sur l’essentiel. L’essentiel, c’est la personne même de Jésus qui surgit au centre du monde, au centre de l’histoire, au carrefour de toutes les routes humaines et qui reçoit son identité de Dieu lui-même : « Tu es mon Fils bien-aimé. En toi est ma joie ! ».

Cependant, il se peut que ce récit nous déconcerte quelque peu et nous paraisse bien étranger aux préoccupations qui sont les nôtres aujourd’hui. Même si tel est le cas, chers amis, je vous invite à ne pas vous éloigner trop vite des rives du Jourdain, à vous y arrêter un moment, car la scène étrange par laquelle Marc nous introduit au mystère de l’Évangile pourrait être pour nous aujourd’hui, la préface et le commencement d’un bouleversement qui veut changer le visage de notre monde ; oui, de ce monde dans lequel nous vivons, dans lequel nous souffrons, dans lequel, parfois, nous nous sentons un peu à l’étroit, comme s’il lui manquait une dimension nouvelle. C’est cette dimension-là que la présence de Jésus vient soudain rendre à l’humanité.

 

Pour essayer de la découvrir avec vous, ce matin je m’arrêterai sur trois aspects complémentaires de cette préface évangélique :

– d’abord sur le face à face Jean-Baptiste-Jésus,

– ensuite sur le surgissement de Jésus hors de l’eau du Jourdain,

– enfin sur la déclaration divine qui reste le premier et le dernier mot du prologue de Marc.

 

Et donc l’Évangile de Marc ouvre le rideau sur un premier acteur qui pénètre seul sur la scène. Ce n’est pas Jésus, c’est Jean-le-Baptiste ! Ce personnage du désert, haut en couleurs, incarnant l’exigence des grands prophètes et la clairvoyance des grands inspirés, ne peut manquer de susciter la curiosité des foules et d’attirer à lui tous ceux qui sont en recherche d’un monde différent, tant la soif de justice et d’un absolu qui les relèverait, habitait les cœurs.

 

Prédicateur sans complaisance, il apparaît à l’apogée de son ministère. Son accoutrement bizarre, son style de vie qui est déjà d’une certaine manière contestation d’une société polluée, lui vaut un regain de popularité. Il tient la vedette sur les bords du Jourdain. Et sans céder le moins du monde à une quelconque recherche de notoriété ou pire, provoquer une révolution, il dénonce et il annonce, amenant ceux qui viennent à lui à changer d’existence, à traduire d’une façon concrète et personnelle cette révision de vie, ce nettoyage intérieur que symbolise leur plongée dans les eaux du Jourdain.

Mais, au lieu de s’en tenir là et de concentrer sur sa personne les projecteurs de l’actualité, Jean-Baptiste s’efface soudain pour laisser la place, toute la place à un Autre dont nous ne savons encore pas grand-chose, sinon qu’il est plus grand que le Baptiste, celui-ci s’estimant indigne de dénouer même la courroie de ses sandales.

 

C’est ainsi que, au moment même où Jésus de Nazareth paraît sur les rives du Jourdain, Jean se retire sur la pointe des pieds, comme si, sa mission de présentateur-précurseur étant achevée, nous étions appelés à assister ou à participer avec lui à un événement capital dont les conséquences et la portée sont encore imprévisibles, inimaginables.

Et pourtant la présence de Jean-Baptiste, si discrète qu’elle soit maintenant, est indispensable.

Elle nous rappelle, en effet, que, pour saisir et pour accueillir la présence de Jésus, le Verbe fait chair, dans notre monde, dans notre histoire, il nous faut toujours des témoins ! D’humbles témoins qui nous préparent à cette rencontre décisive, qui déblayent le terrain, qui nous apprennent le dépouillement, le décapage de nos cœurs et de nos esprits. Car sinon comment pourrions-nous entendre la parole décisive de Dieu dans toute l’agitation et le vacarme qui nous empêche d’écouter ?

 

Écouter, c’est être disponible ; disponible à se laisser plonger corps et âme dans ce bain purificateur, d’où l’on émergera pour entrer dans une compréhension nouvelle du mystère de la foi.

Mais la présence de Jean-Baptiste répond aussi à une autre nécessité.

S’il est le plus grand des prophètes, alors ce Jésus qui vient après lui sera nécessairement plus qu’un prophète. Nous ne pourrons plus, comme nous risquons parfois de le faire, de le prendre pour un autre Jean-Baptiste, de le réduire à sa seule dimension humaine, si remarquable soit-elle !

 

Chacun sait, en effet, qui est Jean-Baptiste. Il annonce le Royaume de Dieu. Il a des disciples. Il va jusqu’au bout des exigences dont il témoigne. Il affronte avec un extraordinaire courage Hérode le tyran lorsque celui-ci bafoue la justice. Il connaît enfin la prison et la mort la plus atroce qui soit. Voilà Jean-Baptiste. Si nous avons besoin d’un prophète modèle, d’un homme exemplaire, d’un héros spirituel, Jean-Baptiste est suffisant. Mais Celui qui vient après lui, celui qui le rejoint près des eaux du Jourdain, va recevoir une autre mission.

 

Ainsi, après le temps du prophète, nous entrons donc dans le temps du Fils bien-aimé. C’est ainsi que commence l’Évangile de Jésus-Christ, le Fils de Dieu !

Et la manière même dont Marc nous relate ce surgissement de Jésus, cette manifestation extraordinaire, unique et définitive de Celui que tous les prophètes attendaient, évoque une seconde création, une nouvelle genèse.

Oui, c’est un autre monde qui transforme et renouvelle celui-ci. Quand Jésus surgit de l’eau, nous dit Marc, les cieux s’ouvrent ! Ainsi, l’homme n’est plus prisonnier d’un univers clos, replié sur lui-même. Puisque, sur les rives de ce modeste Jourdain, au point le plus bas, le plus menacé, le plus désert de notre univers, c’est un homme nouveau, une terre nouvelle, qui émerge dans la lumière, comme au premier matin du monde. Et l’Esprit de Dieu, comme il est écrit dans la Genèse, ne plane plus seulement sur les eaux. Il descend ; il s’incarne dans ce Jésus. Il l’accompagne, il l’accueille, il le désigne.

Personne ne le voit, à part Jésus. Mais avec Marc et Jean-Baptiste, nous entendons ! Car c’est à nous que s’adresse la déclaration divine : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé. En lui est toute ma joie ; je l’ai choisi”.

 

Une déclaration toujours à entendre et réentendre, si importante pour notre foi et pour notre vie car cette parole-là, qui vient de Dieu, porte en elle toute la puissance et toute la nouveauté de l’Évangile : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé. En Lui j’ai mis toute ma joie”.

Comme un écho vivant de l’Écriture sainte et très particulièrement de ce magnifique chant du Serviteur de l’Éternel que nous trouvons dans le livre d’Esaïe (Esaïe 42 : 1-4), cette parole-là contient le secret de Jésus. Elle éclaire pour nous le sens et la vérité de Sa présence. Elle nous empêche de la réduire à un petit moment privilégié de l’histoire universelle, puisqu’elle en élargit jusqu’à nous la portée et l’action.

 

Mais souvenons-nous qu’être le Fils de Dieu, en plus d’être un titre et une dignité réservée pour le Fils unique, C’est aussi une mission ! Être Fils de Dieu, c’est accomplir, dans une relation parfaite avec le Père, l’œuvre de Dieu sur la terre, cette création nouvelle qui, par la résurrection de Jésus, appelle tout homme et toute femme à entrer à leur tour dans une relation nouvelle et avec Dieu et avec le prochain.

Si l’Évangile de Jésus-Christ commence par cette déclaration initiale de Dieu, il s’accomplit et s’achève avec la réponse de l’homme.

A la fin de son Évangile, dans le grand silence de la croix où Jésus donne sa vie, Marc enregistre la confession du centenier romain : « Assurément, déclare-t-il, cet homme était le Fils de Dieu ! »

 

C’est ainsi que commence l’aventure de la foi. Dans ce monde incertain, que nous avons amputé de sa dimension capitale, la présence du Christ mort et ressuscité pour nous, ouvre à tous les hommes la porte d’un nouvel et véritable avenir.

C’est cette confession de Foi qui est au cœur du baptême administré au nom du Seigneur Jésus-Christ. Le baptême marque l’entrée dans l’Église, mais aussi atteste d’une vie nouvelle, fondée sur le Christ.

Car si Dieu vient à nous tels que nous sommes, c’est pour tout changer et nous amener à une vie nouvelle. C’est avec nous et pour nous qu’Il veut créer un monde nouveau. Dieu est fondamentalement Créateur, passionné par son œuvre et projet de salut pour l’humanité. En Jésus, nous devenons ce que nous sommes en vérité. Cette vérité, c’est le regard d’amour que Dieu pose sur nous, comme il l’a posé et prononcé dans ce passage de Marc : »Tu es mon Fils bien-aimé ; en Toi j’ai mis toute mon affection« .

 

C’est le plein sens du baptême et des paroles qui ont été prononcées sur Mathilde tout-à-l’ heure.

Nous mesurons tous à quoi nous nous engageons lorsque nous baptisons un enfant. Être pour lui des « Jean-Baptiste » qui l’orientent et lui montrent sans relâche, le Christ-Jésus, Fils de Dieu, en qui se concentre tout l’amour du Père pour lui.

A l’image de ce tableau que vous connaissez peut-être, intitulé justement « Saint Jean-Baptiste pointant vers le Christ » réalisé par le peintre Bartolomé Esteban Murillo, vers 1655. Un tableau que nous devrions d’ailleurs avoir toujours sous les yeux, lorsque nous baptisons un enfant et que nous nous engageons à l’accompagner dans son cheminement de foi. C’est notre responsabilité en tant qu’Église, parents, parrain et marraine de Mathilde, aujourd’hui.

 

D’où l’importance que revêtent vos engagements pris tout-à-l’ heure : Votre responsabilité de faire connaître le Dieu de Jésus-Christ à Mathilde, en vue de la foi, une foi toute personnelle, mûrie et réfléchie. Car son baptême ne trouvera à vrai dire, la plénitude de sa signification que le jour où elle dira d’elle-même, du fond du cœur : « Oui, Jésus-Christ est le Seigneur ; je veux qu’il soit mon Maître ».

Vienne ce jour béni ! C’est notre prière pour elle. Amen.

 

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