PRÉDICATION DU 1er janvier 2023

Vous avez raté le culte du 1er janvier dernier ? Retrouvez la prédication de Sara Claire Louedec.

Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Luc 4, 16-30

Quel texte, mes amis, quel récit ! Quelle mise en scène incroyable ! On s’y croirait, vous ne trouvez pas ? On sent Jésus, calme, confiant, serein, ne ressentant aucune peur. On pourrait presque dire qu’il dépose aux pieds de ses auditeurs un trésor, sans faire de commentaires superflus, et qu’il s’en va, serein, les laissant se perdre en conjectures. On veut le jeter dans le vide ? Il traverse la foule et poursuit son chemin.

Ce récit de l’Évangile de Luc me plaît particulièrement. Il est situé dans une chronologie intéressante : après avoir fait le récit de la naissance de Jésus, de son enfance, puis de son baptême, Luc, au chapitre 4, fait le récit de la tentation au désert, puis il raconte les débuts du ministère de Jésus. Juste avant le passage sur lequel portera la prédication, on peut lire aux versets 14 et 15 : « Jésus retourna en Galilée, plein de la puissance du Saint Esprit. On se mit à parler de lui dans toutes ces régions. Il enseignait dans les synagogues et tout le monde faisait son éloge. »

« Plein de la puissance du St Esprit. »

J’aimerais que nous prenions le temps de méditer sur cette phrase. Quand Jésus entre dans la synagogue et y lit les Écritures, il déroule le rouleau, et lit le passage suivant, tiré d’Esaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a choisi pour son service afin d’apporter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers et aux aveugles le retour à la vue, pour libérer les opprimés, pour annoncer l’année où le Seigneur manifestera sa faveur. »

« L’esprit du Seigneur est sur moi… »

Puis Jésus fait cet unique commentaire : « Ce passage de l’Écriture est accompli, aujourd’hui, pour vous qui m’écoutez. »

Ainsi, Jésus nous invite à le croire, même si son commentaire ne s’accompagne d’aucun signe visible : pas de miracle, pas de guérison…. Rien.

Jésus invite son auditoire, Jésus NOUS invite, à croire pleinement que l’Esprit agit en nous et par nous, à travers Jésus Christ, que Dieu a choisi pour le servir.

Ce qu’annonce Jésus, c’est un projet de vie, une invitation à vivre, à mettre en pratique, dès aujourd’hui, ce en quoi nous croyons, portés par l’Esprit Saint. Car oui, frères et sœurs, nous sommes appelés à annoncer le Royaume (c’est-à-dire à oser parler de notre foi et à partager notre bonheur d’être chrétiens), nous sommes appelés à mettre en œuvre tout ce que nous pouvons pour adoucir la vie de celles et ceux qui souffrent, pour poser les jalons d’un chemin qui donnera aux captifs la délivrance et aux aveugles la vue.

Par captifs, je veux parler de toutes les personnes emprisonnées dans une relation toxique, dans une dépendance à une substance psychoactive (alcool, drogue) ou à tout autre pratique qui emprisonne par son emprise (addiction aux jeux, à l’argent, ou que sais-je ?). Sachons, frères et sœurs, poser des actes d’amour qui libèrent ou qui aident à se libérer, ne serait-ce que partiellement.

Les aveugles, ce sont celles et ceux qui refusent de voir en l’autre une personne faite à l’image de Dieu. Les aveugles, ce sont les personnes qui usent de la violence parce qu’elles n’ont pas les mots pour dire leur frustration, et qu’elles sont elles-mêmes enfermées dans une violence intérieure. Les aveugles, ce sont celles et ceux qui abusent de leur pouvoir pour faire du mal à l’autre, aveuglés par la colère et la haine. Les aveugles, c’est la foule de notre récit qui, «remplie de fureur », nous dit le texte, se lève, entraîne Jésus au sommet d’un escarpement pour le précipiter dans le vide parce que Jésus n’a pas satisfait à son désir de preuves, parce que Jésus, au lieu d’accomplir des miracles, a simplement demandé de croire en la puissance de l’Esprit.

Ceci me permet de venir au deuxième point que je souhaitais aborder aujourd’hui : le retournement de situation. Après l’enthousiasme, la haine.

Après son expérience au désert, Jésus débute son ministère en Galilée, et se rend à Nazareth. Quoi de plus naturel que de commencer son ministère à la maison ? Là où on a ses amis, ses habitudes, ses repères. Ainsi, nous dit le texte, « Toutes les personnes présentes dans la synagogue fixaient les yeux sur lui » « Tous exprimaient leur admiration à l’égard de Jésus ».

Oui, nous sommes appelés à vivre notre témoignage d’abord « à la maison ». Nous sommes appelés à témoigner de notre foi dans nos familles, auprès de nos amis. Pour celles et ceux qui ont des enfants, nous sommes appelés à témoigner de notre foi auprès de nos enfants, à prier avec eux. Nous sommes appelés à parler de ce Dieu fait homme venu nous rappeler que l’Esprit est sur nous, nous sommes appelés à être ses mains, pour faire le bien, sa voix, pour dire des paroles de réconciliation, ses yeux, pour regarder le monde avec amour.

Mais ce n’est pas toujours simple, d’être prophète en son pays. D’abord, on est toujours « le fils de quelqu’un », cette définition qui nous ouvre des portes, mais qui parfois aussi nous enferme. (« N’est-il pas le fils de Joseph ? ») Et puis, on attend quelque chose de nous, car on nous connaît. Nos proches, nos amis, nos frères et sœurs, s’attendent à recevoir, en premier, nos marques d’amour et d’attention. Et c’est légitime, non ?

La réponse de Jésus à ceux qui l’écoutent à la synagogue, à ceux qui lui sont proches, à ceux qui attendent de lui les miracles qu’il a accomplis à Capharnaüm (à une 100aine de km de là) ; sa réponse est : vous attendez des miracles ? Je ne vous en donne pas. Je vous demande juste de me croire.

Jésus nous demande un acte de foi.

Et Jésus dit clairement qu’il sait qu’il ne sera pas bien reçu, comme il sait qu’il sera trahi. «Nul n’est prophète en son pays».

Nous assistons donc à un retournement de situation extraordinaire. La foule passe de l’enthousiasme à la haine.

Ce retournement de situation est-il réellement extraordinaire ? N’est-il pas finalement tellement humain ?

La foule est prête à lyncher l’enfant du pays, à lyncher un des siens, car elle ne reconnaît pas en lui le fils de Dieu.

Nous l’affirmons, nous le confessons, nous le croyons : nous sommes tous et toutes les filles et fils d’un Dieu aimant. Et pourtant, comment accueillons-nous celle ou celui qui ne fait pas ce que nous entendions d’elle ou de lui ? Comment accueillons-nous cette personne qui, par ses actes, par ses choix de vie, par ses paroles, nous déçoit, et envers qui nous pouvons développer des sentiments proches de la haine ?

A force de juger les autres en fonction de leur efficacité, en fonction de leur capacité ou non à coller au moule qu’impose la société ; à force de nous juger les uns les autres sur nos apparences ou en fonction de nos limites, nous ne savons plus voir en l’autre l’œuvre de Dieu. Nous ne savons plus regarder l’autre avec l’Espérance au cœur, et contempler ce que Dieu fait en lui ou pourrait faire en lui – avec notre aide, et celle de l’Esprit.

Frères et sœurs, j’aimerais pour conclure cette prédication vous lire ce petit texte :

Il faut qu’une main

Soit ouverte ou fermée.

Fermée, elle devient poing,

Outil de haine et de coups.

Ouverte, elle apporte la paix,

S’ouvre à l’autre, engage le dialogue.

Nous sommes, au fil des jours,

mains ouvertes ou poings fermés.

Mais le Christ est là,

là où des hommes tendent des mains ouvertes.

Pour que nous soyons ces mains ouvertes, que Dieu nous vienne en aide. Amen.

 

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