Prédication du 22 janvier 2023

Vous avez raté le culte du 22 janvier dernier ? Retrouvez la prédication de la Pasteure Zohra Mokri.

Prédication réalisée d’après le texte biblique de Matthieu 4 : 12-23

Dans ce passage de l’Évangile, il nous est rapporté qu’à peine quelques semaines avant l’arrivée de Jésus en Galilée, Jean le Baptiseur prêchait encore sur les bords du Jourdain. La police du roi Hérode mettra fin brutalement à son ministère en le jetant en prison. Alors commence le ministère de Jésus, dans cette province du nord de la Palestine qu’on appelle la Galilée. Pour un Juif, cette contrée rappelle de tristes souvenirs historiques.

Voici, en effet, plus de sept cents ans qu’un roi d’Assyrie du nom de Téglat-Phalasar avait annexé à son empire le territoire des deux anciennes tribus de Zabulon et de Nephtali. Il en avait déporté la population et amené des gens d’ailleurs, pour assurer la colonisation. Le pays était tout à coup plongé dans les ténèbres à la fois de la domination étrangère et du paganisme. Car, bien entendu, les transplantés apportaient avec eux leurs cultes et leurs idoles.

C’est là pourtant que Jésus va s’installer. Pour nous faire comprendre le sens de son arrivée en ce lieu, Matthieu cite quelques versets d’Esaïe :8 qui évoquent les circonstances de la perte de cette partie du pays. Esaïe a vécu ce moment de l’histoire de son peuple. Il dit toute sa tristesse de voir amputer le royaume du nord. Mais, en même temps, il affirme son espérance qu’un jour la lumière reviendra là où règne maintenant la nuit. Et c’est justement pour apporter la lumière que Jésus vient habiter à Capernaüm, la petite ville au bord du lac de Tibériade, qui sera vraisemblablement sa plaque tournante.

Jésus s’aventure dans ce pays de ténèbres. Il pénètre dans ce domaine qui reste, dans la mémoire collective, celui où autrefois le paganisme sévissait et qui était le lieu du mal, même si par la suite les Israélites avaient pu le récupérer. Jésus, commençant à prêcher justement là, proclame la vérité et remet la vie là où la mort avait fait son œuvre.

Là se révèle aussi le sens de tout le ministère de Jésus. Il aurait pu vivre en dehors du monde. Il aurait pu, par exemple, décider de s’installer aux abords du temple de Jérusalem, pour être en permanence au contact de la sainteté de Dieu. Il aurait pu aussi se retirer dans quelque cercle de gens pieux, pour étudier avec eux la loi de Moïse et pour prier. C’est ce que faisaient les membres de la communauté de Qumrân; ils refusaient les coutumes juives de l’époque et le culte habituel. Rompant avec la société, jugée corrompue, ils vivaient isolés de tout, en attendant la victoire des fils de la lumière sur les fils des ténèbres.

Au lieu de cela, Jésus plonge dans le monde. Il accepte le contact de tout un chacun et le recherche même! A partir de son installation en Galilée, on le voit constamment en compagnie des malades, des infirmes et des pécheurs, discutant avec les villageois ou avec des théologiens. Il s’approche des gens, il se mêle à eux. Il ne choisit pas les meilleurs, il prend le tout-venant, au risque de rencontrer toutes les noirceurs et toutes les turpitudes humaines. Il lui arrivera souvent d’affronter l’hypocrisie et le vice, la lèpre du corps et celle du cœur. Au grand étonnement de certains de ses interlocuteurs qui ne comprennent pas qu’un prophète puisse fréquenter des gens impurs et de mauvaise vie.

Mais c’est justement pour cela qu’il vient! Il pénètre dans les ténèbres de notre monde. Il se tient auprès des malades et avec les mourants dans leur agonie. Il accompagne les endeuillés dans leur tristesse et s’approche de tous les pauvres. Et il y en a, des pauvres! De toutes sortes: Pauvres de biens matériels, pauvres d’intelligence, pauvres en foi et surtout pauvres en espérance… Il partage notre sort, à nous tous qui avons notre part de ténèbres.

Il est partout où se posent les tragiques problèmes de notre temps. Avec les victimes de la violence, des épidémies, des guerres, de tous les hommes qui luttent pour leur vie et leur liberté, pour leur pain quotidien ou pour un bout de terre, mais avec aussi ceux qui ne trouvent plus de sens à leur vie.

Jésus n’est pas absent du monde, comme on s’en plaint parfois. On s’imagine qu’il a déserté l’humanité et l’abandonne à son sort. Mais non! Il vient habiter en Galilée, dans le territoire des ténèbres. Tous ne l’ont pas rencontré, tous n’ont pas cru en lui. Mais cela ne l’empêchait pas d’être là, au milieu de ses contemporains, prêt à éclairer et à faire vivre tous ceux qui voulaient bien l’écouter.

Or, voilà, Jésus ne veut pas être seul pour accomplir Sa mission. Dès le début de son ministère, il se choisit des disciples. Il prend des hommes rencontrés, dirait-on, par « hasard ». Il se promène au bord du lac, il aperçoit quatre pêcheurs à leur travail et  leur enjoint l’ordre de le suivre.

Ce que je retiens de ce passage, c’est d’abord cette adhésion immédiate pour Jésus: Comment ont-ils été touchés et conquis par cet appel? Comment ont-ils pu sans hésiter, abandonner leur métier pour se joindre à Lui et partager son existence toute faite d’aventure? On ne saura jamais ce qui a pu se passer dans leur esprit. L’Évangile dit simplement : « Aussitôt, ils laissèrent tout et le suivirent ».

Plus tard, nous apprendrons qu’ils sont choisis pour Le seconder. Ils porteront son ministère et partageront son travail. Bien imparfaitement sans doute, avec leurs qualités et leurs défauts d’hommes.Souvent rétifs ou envieux, jaloux les uns des autres ou allant jusqu’à la trahison, ils seront souvent de mauvais ouvriers. Mais ils deviendront les annonceurs de la Parole à la suite de Jésus. Ils fonderont et dirigeront l’Église du premier siècle, ils évangéliseront et seront des porteurs de lumière et de vie.

Jésus fait d’eux des pêcheurs d’hommes. C’est une appellation bizarre, mais elle évoque bien leur tâche. L’apôtre arrache les hommes à leur ancienne vie pour les transporter dans une nouvelle. Il appelle les hommes à sortir du mal, de la perversion, de la servitude et du vice. A l’image de Jésus, il apporte la lumière au cœur des ténèbres et annonce la vie là où règne la mort.

Comme Pierre et André, Jean et Jacques, les chrétiens sont des « appelés ». Jésus-Christ nous appelle à devenir ses disciples, par un choix aussi incompréhensible que le leur. Il nous appelle non pour nous enfermer dans la tour d’ivoire d’une foi qui serait fuite du monde, mais pour nous entraîner avec lui dans le monde, au contact de nos semblables.

Partout où la vie se trouve menacée, partout où il y a des détresses et un immense besoin de guérison physique, sociale et spirituelle, il nous envoie. Nous aussi, nous devenons des pêcheurs d’hommes, chargés de les soustraire à la mort et de les introduire dans la sphère du Royaume de Dieu.

Nous sommes chargés d’inviter les hommes à vivre et à faire vivre, au lieu de détruire et de se détruire. Cesser de croire à des idéologies mortifères! Faire régner la paix au lieu de préparer la guerre! Tel peut être, tel doit être notre cri lancé à une humanité qui gît encore dans le noir et que la lumière doit rejoindre.

Car le Royaume de Dieu est tout près, il est urgent d’imprimer à l’humanité et au monde une autre direction. Il n’y a pas d’autre espérance…

Pierre et André, Jean et Jacques végétaient aussi dans les ténèbres avant d’entendre l’appel de Jésus. Celui-ci présent, sa lumière les éclaire. Ils savent désormais où marcher. Il faut être soi-même dans la lumière pour pouvoir l’apporter aux autres. Il faut l’union avec Jésus-Christ pour continuer son œuvre, aujourd’hui comme autrefois.

Et si nous écoutons plus profondément cet appel de Jésus, c’est sans doute parce qu’au-delà de cette adhésion immédiate, au-delà de cette “mise en route” pour suivre Jésus, il y a aussi une promesse pour notre vie aujourd’hui.

Voilà donc définie la condition de disciple et l’aventure chrétienne, telle qu’elle se noue à partir du témoignage rendu à Jésus.

Ensuite, comme un flambeau sert à en allumer d’autres, la foi se répand et les hommes se mettent en route. La réponse à leurs questions n’est pas dans de longs discours, mais dans cette disponibilité de Jésus qui accueille et invite à partager sa vie. Car c’est sa vie que Jésus partage et communique, et c’est ainsi qu’il se fait connaître. Il n’est pas possible de le connaître en le regardant passer de loin, en discutant indéfiniment pour savoir « d’où il est, qui il est ». Tout cela reste vrai pour nous aujourd’hui !

Nos questions à son sujet sont certainement nombreuses! Mais face à nos doutes, Jésus nous répond sobrement et simplement “Venez et suivez-moi », puis vous saurez !

C’est ainsi que les 4, puis 12, puis 72, puis une multitude, se sont regroupés autour de cet appel : Ils l’ont suivi et cru en Lui, chacun à son rythme, chacun par un cheminement différent, chacun avec ce qu’il était.

Et c’est ce qui importe de rappeler en cette Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens :

Venus chacun, avec son propre parcours sur le chemin de Jésus, les voici rassemblés, réunis en une foi commune; tous et chacun reconnaissant en Jésus un seul Seigneur.

L’Histoire nous apprend que c’est cette unité de foi qui a été la force de l’Église à travers les siècles, et qui l’est encore aujourd’hui, heureusement pour nous !

Unité de foi qui ne signifie pas forcément unité dans les expressions, j’allais dire dans les traductions de la foi et des doctrines ou dogmes qui en découlent.

Autour de Jésus, les disciples, tous différents les uns des autres, se sont retrouvés unis par une même foi, donc dans une même espérance et un même amour. Cet élan de confiance qui, suite à l’appel, les a rapprochés de Jésus, les a aussi rapprochés les uns des autres; malgré leur diversité, malgré leurs personnalités différentes. Et si nous voulons une image concrète de ce que peut être l’Église de Jésus-Christ, regardons les disciples se serrant avec force autour de Jésus et, du même coup, se serrant avec force les uns contre les autres et découvrant ainsi que la véritable unité, loin d’être uniformité, est un mouvement. Le mouvement qui rapproche les uns des autres quand on se rapproche ensemble de Jésus. C’est assurément une bonne leçon pour nous aujourd’hui.

Chacun peut garder sa personnalité, son identité; chacun peut conserver son mode d’action et peaufiner sa déclaration de foi; chacun peut exercer son ministère et faire valoir les dons qu’il a reçus… cela est bien ainsi, puisqu’il y a un seul Seigneur au centre de tout; puisque c’est le même Dieu qui opère tout en tous; puisque c’est le même Esprit qui produit et distribue à chacun ses dons, selon sa volonté (1 Corinthiens 12 : 4-11).

L’unité, elle existe en Christ. En mettant en commun nos parts de vérité, nous nous apercevons que la vérité – dont nous approchons la plénitude, la vérité n’est pas en nous, mais en Christ seul; nous n’en sommes ni les propriétaires, ni les uniques détenteurs. C’est Jésus et lui seul, qui est la vérité, le chemin et la vie !

C’est de cette vérité, de ce chemin et de cette vie que nous, les disciples de Jésus, nous voulons être les témoins, comme nous y sommes invités en cette semaine de prière pour l’unité: Témoins de ce que Christ est pour nous, pour chacun de nous individuellement; mais aussi témoins de ce que Christ est pour l’ensemble de ses disciples et par ses disciples, pour son Église et par son Église; témoins de la foi, de l’espérance et de l’amour que Christ a suscités en nous et entre nous.

Et ainsi, nous devenons témoins de foi, d’espérance et d’amour au milieu d’un monde déchiré par ses diversités, plongé dans le désarroi, au milieu de nos toutes nos « Galillées ».

Dans le contexte d’aujourd’hui, marqué par un défaitisme et une inquiétude profonde, tant en France que partout dans le monde, au cœur de l’actualité qui secoue notre pays et notre monde, que pouvons-nous apporter ?

Eh bien, ce que nous avons reçu de Jésus-Christ! Ce quelque chose qui est Infiniment au delà de ce que nous pouvons comprendre! Le don de Dieu lui-même !

Ce don qui a régénéré nos vies, nous fortifie et nous encourage, nous n’avons pas d’autre choix, nous chrétiens, quelque soit notre dénomination et comment nous nous définissons, car à vrai dire, notre identité est en Christ Seul, nous n’avons pas d’autre choix que de le communiquer, tant l’urgence est là! là où Dieu nous a placés, c’est à dire dans toutes les Galillées de notre monde où, de toute manière le Christ nous y a précédés. Il s’agit pour nous simplement de le faire découvrir et de le montrer au milieu des ténèbres. C’est notre rôle en tant qu’Église de Jésus-Christ, une et pas plusieurs !

Amen

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