PREDICATION DU 29 octobre

Vous avez raté le culte du 29 octobre ? Retrouvez la prédication Sara Claire Louedec.

Prédication tirée du texte de Matthieu 22, 34-40

 

Chers amis, chers frères et sœurs,

 

J’ai presque envie de dire : a-t-on vraiment besoin d’une prédication sur un texte aussi limpide ?  Y a-t-il matière à interpréter, à discuter, face un texte comme celui-ci ?

 

En introduction tout à l’heure, je rappelais que nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire de la réformation, cette théologie qui nous appelle à relire sans cesse la Parole à la lumière de nos vies, sous le regard du Père et parcourus par le souffle de l’Esprit.

 

Alors, revenons à notre texte. Matthieu relate dans ce chapitre une série d’épisodes de la vie de Jésus où il est questionné soit par les hérodiens (les partisans d’Hérode) sur la relation avec les autorités civiles, puis par les sadducéens (ceux pour qui seule la Torah écrite fait autorité), par rapport à la résurrection des morts, et enfin par les pharisiens (ceux qui questionnent la Torah et la commentent), concernant une hiérarchisation des commandements de Dieu.

 

J’aimerais commencer par relire les versets 34 et 35 : « Quand les pharisiens apprirent que Jésus avait réduit au silence les sadducéens, ils se réunirent. Et l’un d’eux, un spécialiste des Écritures, voulut lui tendre un piège ». L’évangéliste, en faisant cette introduction, oriente quelque peu notre lecture, donnant aux pharisiens le mauvais rôle, celui de ceux qui veulent mettre à l’épreuve Jésus, qui veulent le pousser dans ses retranchements, pour lui faire dire des choses qui lui seront préjudiciables.

 

Or, rappelons-nous que les pharisiens entendent respecter et faire respecter les 613 commandements de l’Ecriture (365 interdictions et 248 prescriptions), traçant un chemin d’exigence pour le juif pieu. Et pour ce courant de pensée, plus le commandement est difficile à respecter, plus il est grand. La question posée à Jésus n’est alors pas forcément un piège. Il s’agit peut-être, en demandant quel est le plus grand commandement, de s’interroger sur le commandement fondateur, celui qui serait à l’origine des autres. On va dire que c’est un questionnement très humain de se demander qui, de la poule ou de l’œuf, fut le premier.

 

Comme à son habitude, Jésus répond en faisant un pas de côté.

Tout d’abord, alors qu’on lui demande de choisir UN commandement pour en faire une fondation, Jésus en cite deux… Le premier, tiré du livre du Deutéronome au chapitre 6, est le Chema Israel, récité deux fois par jour par les juifs. “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta pensée.” Le deuxième, dont Jésus dit qu’il est d’une importance semblable, est tiré du Lévitique au chapitre 19 “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

 

Si Jésus met ces deux versets en parallèle, s’il les met en tension, c’est qu’il considère que de cette tension va naître le sens de la vie. Jésus relie ces deux commandements, les rend inséparables, et ainsi il conditionne toute obéissance à Dieu au service du prochain.

 

Rappelons-nous les polémiques autour de l’impur et du pur, du respect ou non du Sabbat… et comment Jésus les balaie, car elles ne portent pas au cœur la relation de Dieu avec les hommes, et des hommes avec Dieu. Le Dieu de Jésus Christ est un Dieu de la relation. En servant Dieu, on sert l’homme, on sert la vie, on sert l’amour.

 

Je ne résiste pas ici au plaisir de citer Dietrich Bonhoeffer, qui a écrit : « notre relation à Dieu est une vie nouvelle dans l’être-là-pour-les-autres ».

Ainsi, l’amour de l’autre sans amour de Dieu est la définition de la fraternité et de la sororité, ce que l’on nomme communément les valeurs des « femmes et des hommes de bonne volonté ». Quant à l’amour de Dieu sans amour de l’autre, c’est un non-sens, celui qui mène au fanatisme religieux.

 

“Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”… Oui, nous le savons, nous le sentons profondément en nous-même…si on ne s’aime pas soi-même, il est quasiment impossible d’aimer les autres. Et pour s’aimer soi-même, il faut accueillir la lumière intérieure que Christ nous donne par son Esprit, celle de son amour premier et inconditionnel. Ainsi, nous pouvons rayonner et aimer les autres, en les inondant eux-aussi de cette lumière.

 

En ce jour de la Réformation, prenons le temps de voir comment Martin Luther a accepté cette lumière intérieure, cette grâce première, qui lui a donné de vivre pleinement le commandement “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

 

Martin Luther était moine, et vivait dans une crainte constante de la colère de Dieu, ne se sentant jamais à la hauteur, se regardant vivre, toujours pécheur, sous la Loi qui le conduisait, inexorablement, à un enfer chaque jour plus proche.

 

Je le cite : « ma conscience était extrêmement inquiète et je n’avais aucune certitude que Dieu fut apaisé par mes satisfactions. Aussi je n’aimais point ce Dieu juste et vengeur. Je le haïssais. » Et puis, sa lecture de l’épitre aux Romains lui a ouvert les yeux, et cette vision étroite de la Loi dans laquelle il s’était enfermé se dissipa, et enleva de son cœur ce qui le tenait dans la haine de Dieu. C’est alors que tout changea pour lui. Il écrit : « Dieu nous justifie par la foi. Dès lors, je me suis senti renaître, comme si j’étais passé par la porte du paradis. Toutes les Écritures revêtaient un sens nouveau. Les passages où « la justice de Dieu » me remplissaient auparavant de haine devenaient maintenant pour moi inexprimablement doux et faisaient monter en moi un plus grand amour. »

 

Nous connaissons la suite puisque nous sommes ensemble, ici, exemples vivant de cette prodigieuse grâce qui est le fondement de notre vie.

 

Qu’en est-il, aujourd’hui, de la réforme et du protestantisme ?

Nous faisons nôtres les 5 solae : sola scriptura, sola gracia, sola fide, solus Christus, Soli Deo gloria – par l’Ecriture seule, par la grâce seule, par la foi seule, en Christ seul, et à Dieu seul la gloire.  L’Écriture, la seule autorité du chrétien, présente Christ comme étant le seul Sauveur et Seigneur. Elle révèle la grâce qui seule nous sauve et qui ne peut être saisie que par la foi seule. C’est pourquoi nous proclamons : « À Dieu seul soit la gloire ! »

 

Cette autorité des Écritures est éclairée par la liberté de conscience. Nous devons en permanence accorder nos vies à l’Évangile. La liberté de conscience n’est pas une dogmatique ou un système religieux prêt à l’emploi. C’est un chemin ouvert à la rencontre, dans le respect de soi, de Dieu, et des autres.

 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta pensée. » C’est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est d’une importance semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

 

Pour que ces commandements, écrits au futur, comme une histoire qui s’ouvre et qui ne demande qu’à s’écrire, soit une invitation à nous engager chaque jour, accompagnés et épaulés par le Seigneur Jésus Christ, que Dieu nous vienne en aide.

 

Amen.

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