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Conte de la veillée de Noël
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L'âne de Bethléem raconte...
©︎ Pixabay / Angela
Permettez-moi de me présenter : je suis l’âne. Pas n’importe quel âne, non. Un âne de Palestine, de la lignée de ceux qui, selon la Bible, étaient considérés comme des montures de prince ! Oui, vous avez bien entendu : des princes montaient sur des ânes, pas sur des chevaux ! Les Juges d’Israël en avaient même soixante-dix à leur service. Alors, quand on me traitait de « bête de somme », je ricanais intérieurement : « Si seulement vous saviez… »
Jeune, j’avais les oreilles plus souples qu’un roseau au vent, les genoux plus agiles qu’un danseur, et une réputation de travailleur infatigable. Mon patron, Joseph, était un charpentier honnête, droit et surtout… Généreux. Chez lui, les heures supplémentaires se payaient en avoine de première qualité, bio ! et j’avais même droit à un jour de repos par semaine. Un vrai luxe, à une époque où certains ânes étaient exploités comme des esclaves !
Un matin, tout a basculé. Marie, la fiancée de Joseph, est venue me voir. Elle est repartie aussi vite qu’elle était venue, les yeux rouges et remplis de larmes… Puis Joseph est arrivé, s’est effondré contre mon flanc, et a commencé à sangloter dans mon cou. Entre deux hoquets, il m’a confié son désarroi : Marie était enceinte… mais pas de lui !! Et elle ne pouvait pas dire de qui.
Joseph, ce grand gaillard costaud, était réduit à l’état de flaque de désespoir. L’amour, ça fait ça : ça vous transforme en éponge. Alors, moi, l’âne, j’ai pris mon rôle de conseiller conjugal très au sérieux. Je lui ai dit, avec toute la sagesse d’un animal qui a écouté les récits bibliques pendant des années : « Écoute, Joseph, quand on aime vraiment, l’amour est plus fort que les apparences. Tu te souviens de l’histoire d’Abraham et Sarah ? Ils ont ri quand Dieu leur a promis un fils à 100 ans ! Et pourtant, Isaac est né. Alors, un bébé inattendu, c’est juste une nouvelle aventure. Et puis, le pardon et l’amour, c’est comme une bonne botte de foin : ça se donne, ça ne se prend pas. »
Joseph, épuisé par l’émotion, s’est endormi contre moi. Mais moi, j’avais encore des choses à lui dire. Alors, je lui ai chuchoté dans son sommeil : « N’aie pas peur de prendre Marie chez toi. Il n’y a rien à reprocher à Marie. Et cet enfant, tu vas l’aimer comme s’il était tien. Tu pourrais l’appeler Jésus, ça veut dire ‘Dieu sauve’. Ou alors Emmanuel, ‘Dieu avec nous’. Ça claque comme prénom tu trouves pas ?
Le lendemain, Joseph s’est réveillé, a cligné des yeux, et m’a regardé comme s’il avait vu un ange. Et pourquoi pas ? Un ange à quatre pattes, avec des oreilles un peu longues, mais un ange quand même. Joseph est parti voir Marie, l’a prise dans ses bras, et vous connaissez la suite.
Quelques mois plus tard, alors que Marie était prête à accoucher, un décret de César Auguste nous a obligés à partir pour Bethléem. Joseph, toujours aussi attentionné, a préparé notre voyage avec soin. Moi, j’ai été chargé de porter Marie, car marcher dans son état n’était pas une option.
« Ne t’inquiète pas, lui ai-je dit en braillant doucement, je te porterai comme une reine. Après tout, les ânes ont déjà porté des princes, alors la future mère du Messie, c’est un honneur ! »
Le voyage n’a pas été de tout repos. Les routes étaient poussiéreuses, les nuits froides, et les auberges pleines. Mais je n’ai jamais râlé. Je me disais : « Si Dieu a choisi Marie pour une mission aussi grande, le moins que je puisse faire, c’est de la porter jusqu’à destination. »
Et puis, un soir, alors que nous cherchions désespérément un abri, on a trouvé une étable. « Enfin ! » ai-je pensé. « Même un âne mérite un peu de repos après une telle journée ! »
Cette nuit-là, alors que les étoiles brillaient et illuminaient le ciel, Jésus est né. « OUUUUIIINNN » Je me tenais là, près de la mangeoire, à côté du bœuf (qui, soit dit en passant, ronflait comme un sonneur (imiter ronflement ?). J’ai vu Marie sourire à son enfant, Joseph rayonnant de bonheur, et j’ai compris : j’avais joué un petit rôle dans cette grande histoire.
« Qui aurait cru, me suis-je dit, qu’un âne comme moi serait présent à la naissance du Sauveur ? »
Plus tard, quand les bergers sont arrivés, puis les mages, j’ai même eu droit à quelques caresses et à une poignée de foin extra. « Enfin un peu de reconnaissance ! » ai-je pensé en remuant la queue.
Quelques temps après, un ange est apparu en rêve à Joseph : « Fuis en Égypte, Hérode veut tuer l’enfant ! » Ni une, ni deux, Joseph a réveillé Marie, emmailloté Jésus, et m’a scellé en vitesse.
« Encore un voyage ? » ai-je soupiré. « Mais bon, si c’est pour sauver le Messie, je suis partant ! »
Et me voilà reparti, cette fois vers l’Égypte. J’ai traversé le désert, supporté la chaleur, et même évité les brigands (grâce à mon odorat et à mon instinct, bien meilleurs que ceux de certains humains). « Un âne, ça ne court pas vite, mais ça sait où ça va ! »
Aujourd’hui, quand je vois les crèches de Noël, je souris. On y voit toujours un âne et un bœuf, comme si c’était une évidence. Pourtant, la Bible ne les mentionne pas explicitement. Mais moi, je sais : j’y étais. J’ai porté Marie, j’ai réchauffé l’enfant de mes souffles, et j’ai veillé sur eux pendant la fuite en Égypte.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez l’histoire de Noël, souvenez-vous : Même un âne peut être un instrument de Dieu. Et parfois, la sagesse et l’humilité viennent de celles et ceux auxquels on n’avait pas pensé…
Pasteure Claire OBERKAMPF
Rennes, mercredi 24 décembre 2025