PRÉDICATION : Dimanche 12 janvier 2025

Pour sa première prédication de l'année 2025, le Pasteur Hervé STÜCKER s'est basé sur le chapitre 3 de l'Évangile selon Luc.

Évangile selon Luc, chapitre 3, versets 15 à 22

Le peuple attend ce qui va arriver, et tous se demandent en eux-mêmes : « Jean est peut-être le Messie ? » Alors Jean leur répond à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de lui enlever ses sandales. Lui, il vous baptisera avec le feu de l’Esprit Saint. Dans la cour, il tient son van dans les mains pour séparer le grain de la paille. Il va ranger son grain dans le grenier, mais la paille, il va la brûler dans le feu qui ne s’éteint pas ! »
Jean donne au peuple beaucoup d’autres conseils, et ainsi, il lui annonce la Bonne Nouvelle.
Le gouverneur Hérode a pris Hérodiade, la femme de son frère. Il a fait encore beaucoup d’autres mauvaises actions. À cause de tout cela, Jean fait des reproches à Hérode. Alors Hérode fait une mauvaise action de plus : il met Jean en prison.
Quand tout le peuple est baptisé, Jésus aussi est baptisé. Au moment où il prie, le ciel s’ouvre, et l’Esprit Saint descend sur lui sous la forme d’une colombe. Une voix vient du ciel et dit : « Tu es mon Fils très aimé. C’est toi que j’ai choisi avec joie. »
Traduction : Parole de Vie
Une statue d'un revolver géant dont le metal du canon forme un noeud, rendant ainsi le revolver inutilisable à jamais

©︎ Pixabay / Lo Age

Prédication

Bonne année !!!

Meilleurs vœux à tous et à chacun !!!

La prédication de Jean le baptiste tombe bien avec cette période de vœux qui marque le début janvier. En effet, elle laisse entrevoir le début d’une ère de paix, de partage et d’amour que Dieu est en train d’instaurer pour le bonheur des hommes. C’est ce que nous espérons tous…

 

Mais qu’en est-il vraiment de ce Dieu auquel il se réfère comme un Dieu d’amour et que son successeur Jésus considérera comme son père ?

Malgré les sentiments d’amour qu’on prête à Dieu, il n’est pas venu secourir le prophète annonciateur du Messie menacé par Hérode. On le soupçonne aussi d’avoir laissé son propre fils mourir sur une croix pour sauver les hommes. On a prétendu qu’il a accepté ce mal pour provoquer un bien beaucoup plus grand.

Dieu peut-il s’accommoder d’un moindre mal pour favoriser un bien plus grand ?

C’est ici la grande question que se pose le Christianisme depuis deux mille ans.

Tentons d’y répondre à propos avec l’histoire de Jean Baptiste et de Jésus.

 

Le texte de l’Évangile du jour unit les deux hommes dans la même continuité spirituelle.

Il s’achève sur le récit du baptême de Jésus par lequel Jean semble lui conférer comme un droit de succession.

Dans le même temps, l’ombre du tétrarque plane au-dessus de Jean annonçant sa mort prochaine. La mort de Jean le Baptiste semble arriver en temps opportun pour laisser toute la place à Jésus.

Si Dieu avait miraculeusement sauvé Jean, sa présence aux cotés de Jésus n’aurait-elle pas nuit à sa mission ? La question est bien évidemment sans réponse.

On peut cependant se demander si Dieu n’a pas laissé faire pour que les choses se passent sans qu’il y ait interférence de l’un sur l’autre.

 

À partir de cette question, on peut se demander si Dieu n’aurait pas parfois la tentation d’utiliser certaines actions mauvaises menées par les hommes ou provoquées par la nature pour permettre qu’un mieux s’installe parmi les humains…

Il nous faut donc approfondir la question pour savoir comment Dieu se situe.

Gardons la question en suspens pour l’instant et projetons-nous trois ans plus tard, au moment où Jésus lui-même fut mis à mort.

On a encore aujourd’hui l’impression pénible que Dieu aurait pu intervenir, au lieu d’opposer un silence insupportable aux coups de marteau du bourreau clouant Jésus sur la croix.

Les écrivains bibliques n’ont pas commenté ce silence de Dieu lors de la mort de Jean, par contre, pour Jésus, ils ont laissé entendre que c’était écrit à l’avance et que la mort de Jésus aurait été bel et bien programmée par Dieu.

En acceptant de mourir d’une manière aussi infâme que celle qu’il a connue, Jésus se serait soumis à la volonté de son Père ?

 

Ce n’est pas parce que nous posons la question du silence de Dieu que nous allons la résoudre, mais elle va cependant alimenter notre réflexion pendant quelques instants.

 

Est-il donc possible que Dieu se taise quand les hommes souffrent, et est-il possible qu’il tire un bien d’un mal qu’il aurait laissé faire ?

 

Beaucoup de croyants trouvent une réponse à leurs souffrances dans une telle approche, et acceptent plus volontiers leurs souffrances s’ils pensent qu’elles entrent dans un projet de Dieu. Ils considèrent que si Dieu laisse faire, c’est que, dans sa bonté, il a construit un projet qui permettra que d’autres humains en éprouvent un mieux-être.

Le malade qui souffre d’un mal incurable espère que son mal permettra aux chercheurs de faire un pas de plus sur le chemin de la découverte d’un médicament ou d’un vaccin et que Dieu, en lui donnant du courage pour résister dans la souffrance, permet à la médecine de progresser.

Le prophète Ésaïe semble vouloir aller dans ce sens quand il campe le portrait du serviteur souffrant qui accepte sans protester qu’on lui arrache la barbe ou qu’on agisse envers lui comme on le ferait d’un mouton que l’on traine à la boucherie (Livre d’Ésaïe, chapitre 53). Les évangélistes en rapportant le récit sur la mort de Jésus ont vu en lui une figure prophétique du Messie agonisant pour sauver le monde.

 

On s’est tellement habitué à cette explication qu’on imagine mal qu’il puisse y en avoir d’autres, car la souffrance pèse d’un tel poids dans notre existence et dans l’histoire des hommes qu’il faut bien l’intégrer dans un projet divin, sans quoi la vie elle-même deviendrait inacceptable et la porte serait ouverte au désespoir et à la perte de la foi…

Il faut bien que les choses en soient ainsi sans quoi on n’aurait pas pu dire que l’Église s’est nourrie du sang des martyrs, car leur supplice, loin de l’anéantir, l’a faite progresser, comme si la mort héroïque des témoins de Dieu avait nourri la foi des incroyants au point qu’ils se convertissaient…

C’est un fait incontestable que les persécutions ont entrainé des actes de foi et des conversions. Mais était-ce inscrit dans le plan de Dieu ?

 

 

Jean Baptiste, et Jésus après lui ont parlé d’un Dieu d’amour.

Ils n’ont pas cherché à instaurer une pratique religieuse basée sur la souffrance.

Mais pour bannir la souffrance et l’injustice qui règnent sur le monde, n’a-t-il pas fallu que Dieu s’en mêle au prix de compromissions choquantes ?

Face à un monde qui s’enlise dans l’injustice, Jésus n’a proposé qu’une seule porte de sortie, celle de l’amour et de l’altruisme.

Il n’ignorait pas cependant qu’il rencontrerait plus d’incompréhensions que d’adhésions.

Il savait, que ceux qui chercheraient à mettre ses préceptes en pratique en pâtiraient, mais il savait aussi que son enseignement finirait par porter ses fruits, parce qu’il portait en lui une vérité qui émanait de Dieu. C’est pourquoi, malgré les souffrances des martyrs, la foi chrétienne a réussi à gagner toute une partie du monde.

 

Le monde dans lequel vivait Jésus, comme le nôtre, est un monde où la vie du plus fort se nourrit de la vie des plus faibles. Nous considérons comme une vérité fondatrice que dans ce monde les plus forts doivent se nourrir des plus faibles. Cela entraine des injustices et aussi des souffrances. L’espèce humaine évolue dans ce milieu mais y participe aussi.

 

Or, depuis que Dieu est entré en contact avec les hommes, depuis qu’Abraham s’est senti personnellement interpelé par Dieu, Dieu a montré son désaccord avec ce mode de vie où la domination des uns sur les autres aurait force de loi. Les prophètes ont répercuté cette protestation de Dieu, et c’est par leurs écrits qu’elle nous est connue. On trouve ainsi sous la plume d’Ésaïe une prophétie étrange selon laquelle le lion et le bœuf ensemble mangeront de la paille. Ceux qui ont reçu pour mission de parler au nom de Dieu se sont laissé aller à envisager un monde utopique où la violence sera proscrite et ne servira plus de règle pour gérer l’avenir. Loin d’envisager que la violence puisse servir ses projets, Dieu inscrit l’absence de violence, comme seule méthode possible pour gérer le monde selon sa volonté.  Ce projet prend déjà corps dans le baptême que Jean propose aux foules et dont il baptise Jésus.

Bien entendu, les ablutions de purification étaient déjà pratiquées dans le judaïsme, mais avec Jean, et plus tard avec Jésus, elles deviendront un rite d’adhésion à la foi. Le baptême va alors remplacer la circoncision qui était caractérisée par une souffrance et une blessure du corps. Il remplacera aussi les sacrifices qui eux aussi faisaient souffrir les animaux.

 

Seul un peu d’eau suffira désormais à marquer l’entrée des hommes dans le projet de vie établi par Dieu à leur intention. Toutes les souffrances requises par le passé au nom de Dieu seront désormais abolies. Tout se passe comme si Dieu se désolidarisait définitivement de toutes les formes que pouvait prendre la violence.

Bien entendu, les souffrances subies par les hommes n’ont pas Dieu pour cause, mais cela n’empêche pas pour autant Dieu de transformer en bien le mal causé par la souffrance.

 

Il nous faut donc innocenter Dieu de la mort de Jean Baptiste ou de Jésus et de toutes les souffrances qui sont subies sur cette terre. Il nous faut donc expliquer l’implication de Dieu dans la mort de Jésus d’une autre manière que celle que nous admettons habituellement.

Dieu combat le mal et ne l’utilise pas.

 

Dans cette longue aventure de la lutte de Dieu contre la souffrance, Jésus prendra soin de rajouter un nouveau rite qui contient peut-être la clé de l’énigme : celui du partage.

Il est tellement fort que les Chrétiens en feront un sacrement.

Ce partage sera celui du pain et du vin qui sont les éléments de base de la nourriture. Ils ne nécessitent aucune violence pour les acquérir, si non une violence sur soi-même puisque le partage est un rite d’amour qui implique que l’on s’efforcera d’aimer ceux que l’on n’aime pas forcément.

Nous y sommes tous invités. Ce geste d’amour ne nous est nullement imposé, il correspond à un élan du cœur vers Dieu et implique notre accord sur sa manière de gérer le monde.

Alors oui, malgré les bruits lugubres qui résonnent dans notre monde : en tant que Chrétiens, plaçant notre confiance en Dieu, il nous faut souhaiter à tous et à chacun une bonne année et mettre notre vie en ordre pour que le vœux de Dieu, qui et aussi le nôtre, se réalise.

Amen.

 

Pasteur Hervé STÜCKER

Rennes, dimanche 12 janvier 2025

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