Prédication
Trois ans déjà que les apôtres cheminent avec Jésus,
trois ans pendant lesquels ils ont vu des miracles extraordinaires,
trois ans pendant lesquels ils ont bénéficié jour après jour des enseignements du Maître.
Peut-être pensent-ils déjà au fond de leur cœur qu’eux-mêmes seront bientôt des « maîtres » ?
Et voilà que, à la fin de son ministère, Jésus leur révèle qu’il n’a pas tout dit :
« J’ai encore beaucoup de choses à vous dire. Mais vous n’avez pas la force de les entendre maintenant. »
Non seulement il n’a pas tout dit mais en plus, il semble même avoir fait un tri consciencieux entre ce qu’ils pouvaient assumer et ce qui sans doute les dépassait.
Évidemment la question surgit à notre esprit :
Pour quelle raison les apôtres ne pouvaient-ils donc porter l’ensemble du message de Dieu envers l’humanité ?
- Jésus aurait-il manqué de temps ? Se serait-il fait surprendre par les événements ? : Certainement pas, tout nous indique au contraire qu’il connaissait depuis longtemps le moment où il quitterait ce monde !
- Était-ce alors trop difficile à expliquer ? : Probablement pas, Jésus était un remarquable communicateur, sachant transmettre les vérités les plus complexes dans un langage simple et imagé.
Alors pourquoi la venue du Saint Esprit était-elle indispensable ?
Pourquoi les paroles de Jésus ne pouvaient-elles suffire à elles seules ?
La réponse paraît peu à peu lorsque nous méditons le rôle du Saint-Esprit, lorsque nous étudions la nature de la vérité qu’il a mission de transmettre.
Ainsi dans ce long discours du soir de la Pâque, Jésus a déjà plusieurs fois parlé du Paraclet, du Saint Esprit, de cette aide puissante venant de Dieu.
« Le Saint Esprit viendra habiter en vous, leur dit-il, il vous rappellera toutes mes paroles et il aura une puissance de conviction. Par Lui vous connaîtrez que je suis en mon Père et que je suis en vous, ajoute-t-il. »
Autant d’expressions et d’indices qui trahissent que la révélation du Saint Esprit est d’une autre nature que celle faite par de simples discours.
Elle n’ajoute pas connaissance sur connaissance mais dévoile plutôt la force et l’intensité des paroles du Christ, pénétrant pour cela jusqu’aux racines les plus profondes de l’expérience humaine.
Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité.
Il ne s’agit plus ici d’une espèce de vérité supplémentaire que l’on pourrait verbaliser, organiser en phrases ou sous forme de propositions logiques.
Il s’agit d’une connaissance plus fondamentale, plus directe de la vie divine.
À titre d’exemple, il est possible de parler de grands musiciens en distinguant leurs styles, leurs techniques de composition… Mais pour saisir la beauté et l’émotion qu’ils veulent nous transmettre, il faut avant tout que j’écoute, que je goûte, que je m’imprègne de leur musique.
Il est de même manière possible de décrire les conséquences désastreuses d’une guerre, de comptabiliser les morts, les malades et les gens qui meurent de faim, sans finalement mesurer l’horreur de ce qui se vit.
Cette compréhension n’est totalement accessible qu’à ceux qui ont connu dans leur corps et leur âme la faim, la soif et la douleur de la séparation d’avec un être cher.
Le sens des mots ne vient pas seulement de leur définition logique, il nous vient de la vie, de notre expérience, de notre intérieur…
L’Esprit Saint est là pour nous faire expérimenter Dieu,
il est là pour nous faire goûter sa présence, et ainsi percevoir sa grandeur, sa gloire et sa bonté.
L’Esprit Saint est là pour prendre de ce qui est à Dieu et nous le révéler.
Il n’a pas pour mission de faire un discours, de parler de lui-même, mais de nous faire vivre la révélation que Dieu nous a apportée en Jésus Christ.
Il prend de ce qui est au Fils et il nous le fait découvrir avec les yeux du cœur.
Il en résulte la reconnaissance de ce qui va avec pour notre vie : la confiance, l’espérance et ce mot si galvaudé et maltraité qu’est l’amour.
Sans l’Esprit Saint, il nous est impossible de porter certaines révélations du Fils de Dieu.
Sans l’Esprit Saint, nous ne pouvons comprendre ni notre misère, ni notre responsabilité… Ni le regard que Dieu porte sur nous.
Sans lui, nous ne pouvons pas non plus comprendre comment la puissance de Dieu peut se manifester à travers cette faiblesse, scandaleuse en apparence, d’un Messie crucifié.
Sans Lui nous ne pouvons comprendre comment le pardon peut être plus fort que le châtiment, et l’amour plus fort que la haine…
Ce passage pourrait faire jaillir en nous un sentiment d’impuissance.
Que puis-je faire si le Saint Esprit ne vient m’habiter ?
Que puis-je faire si sa douce présence ne se fait pas, ou ne se fait plus sentir ?
C’est là que cette merveilleuse promesse de Jésus vient nous réconforter.
« Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? »
« Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint Esprit à ceux qui le lui demandent ? »
Alors demandons-le à Dieu sans hésiter !
La prière est une puissance que bien souvent nous négligeons d’utiliser, surtout dans notre milieu réformé.
Nous ne pouvons, par nous-même, faire jaillir la vie abondante que seul Dieu peut nous offrir, mais nous pouvons au moins préparer nos cœurs à une telle visite.
C’est là que la prière, la lecture de la Parole et la communication fraternelle se révèlent particulièrement utiles.
Elles ne se confondent pas avec la vie du Saint Esprit mais elles y contribuent en préparant le terrain.
Le fait d’ameublir une terre, de l’arroser régulièrement et de s’assurer de son exposition au soleil ne peuvent lui faire produire une végétation luxuriante si aucune semence n’y est jetée.
Pourtant, le jour venu, ces éléments seront indispensables pour que de jeunes pousses apparaissent, se développent et portent du fruit.
Pas besoin d’être ingénieur agronome pour en être conscient !
« La volonté de Dieu est que le Saint Esprit nous conduise dans toute la vérité, et que nous puissions percevoir par Lui la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que nous soyons remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu. »
Reconnaissons avec humilité que bien souvent nous avons laissé s’éteindre la vie et la flamme de l’Esprit. Le Saint Esprit n’occupe pas tous les instants de notre vie.
Mais nous pouvons à chaque instant nous tourner vers Dieu pour que son Esprit nous touche.
Dieu est bonté.
Et si on se demande « pourquoi cela ? », il suffit de regarder un enfant, aujourd’hui Arthur, ou un adulte que l’on baptise. Il suffit de « toucher » toutes les promesses que nous ouvrons dans leur vie, en tant que parents, amis… Mais aussi en tant que communauté fraternelle témoin.
Alors nous verrons aussi toute l’espérance que Dieu place en ce baptisé.
Toute l’espérance que Dieu place en chacun de nous.
Pour cela, l’Esprit nous fait vivre.
Amen.
Pasteur Hervé STÜCKER
Rennes, dimanche 15 juin 2025