PRÉDICATION : Dimanche 16 novembre 2025

Dimanche 16 novembre, c'est le Pasteur Hervé STÜCKER qui officia. Pour élaborer sa prédication, il est parti d'un extrait du chapitre 21 de l’Évangile selon Luc.

Évangile selon Luc, chapitre 21, versets 5 à 19

Ensuite, des gens parlent du temple et disent : « Il est magnifique, avec ses belles pierres et les objets offerts à Dieu ! » Jésus leur répond : « Vous voyez tout cela : eh bien, un jour viendra où tout sera détruit. Il ne restera pas une seule pierre sur une autre. »

Ils demandent à Jésus : « Maître, quand est-ce que cela va arriver ? Comment allons-nous le savoir ? » Jésus leur répond : « Faites attention, ne vous laissez pas tromper ! En effet, beaucoup de gens vont venir, en prenant mon nom. Ils diront : “C’est moi le Messie” et : “Le moment est arrivé”. Ne les suivez pas. Vous allez entendre parler de guerres et de révolutions, ne soyez pas effrayés. Oui, tout cela doit arriver d’abord, mais la fin ne sera pas pour tout de suite. » Puis Jésus leur dit : « Un peuple se battra contre un autre peuple, un roi se battra contre un autre roi. Il y aura de grands tremblements de terre, et, dans plusieurs régions, il y aura la famine et de graves maladies. On verra des choses terribles dans le ciel, et les gens auront très peur. »

« Mais, avant tout cela, on vous arrêtera et on vous fera souffrir. On vous livrera aux maisons de prière pour vous juger, et on vous mettra en prison. On vous conduira devant des rois et des gouverneurs à cause de moi. Alors vous pourrez être mes témoins. Mettez-vous ceci dans la tête : vous ne devez pas préparer d’avance ce que vous allez dire pour vous défendre. En effet, moi je vous donnerai des paroles de sagesse, et vos adversaires ne pourront pas discuter ni vous répondre. Même votre père et votre mère, vos frères, vos parents, vos amis vous livreront, et ils feront condamner à mort plusieurs d’entre vous. Tout le monde vous détestera à cause de moi. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. Résistez ! C’est ainsi que vous sauverez vos vies. »

©︎ Pixabay / nonatickler

Prédication

Peut-être avez-vous lu, pour votre propre méditation spirituelle, le texte de l’Ancien Testament proposé la semaine dernière. Il s’agit, dans le Livre de Daniel au chapitre 3 : Trois jeunes hébreux, exilés à Babylone, refusent avec obstination de s’incliner devant une statue du roi Nabuchodonosor. Ils sont donc condamnés à être jetés dans une fournaise. Mais l’ange du Seigneur vient et les protège. Ils sont sauvés, sortent du feu sans une brûlure, et sont élevés par le roi à une dignité considérable.

Fin de l’épisode merveilleux, de cet épisode-là, en tout cas.

Dans le même livre, il existe un autre épisode aussi fameux.

Daniel, qui prie Dieu alors que cela est interdit par le roi, se voit démasqué, et condamné à être jeté dans une fosse pleine de lions… Et que croyez-vous que les lions fissent ?

 

Il y a aussi, dans le Livre de la Genèse, Joseph, 11ème fils de Jacob, qui contre son grès, se retrouve projeté en Égypte, où la puissance de Dieu fait qu’il accomplit une merveilleuse carrière.

 

Et puis, il y a Esther, un de ces livres si étranges que, faisant partie de la Bible, on n’y parle même pas de Dieu.

Dieu ou pas Dieu, ces livres ont bien des choses en commun. Parmi ces points communs, il y a une providence. Ces exilés sont pour la plupart pieux, tous droits et honnêtes, soucieux, toujours, du souverain qui règne. Dieu les protège et les bénit. Et ils réussissent…

Ils ont tout du roman, et même du roman merveilleux.

Ils portent un message : le croyant qui réside en terre païenne, et qui demeure fidèle à Dieu, réussit dans tout ce qu’il entreprend, même s’il était au départ un vaincu, et un déporté.

 

C’est une promesse. Mais comment accueillir cette promesse ? Peut-être qu’il ne faut pas attendre de cette promesse un exaucement littéral. Car cela pourrait avoir pour conséquence un possible et grave développement de la culpabilité : si cette réussite n’arrive pas, ce doit être de ta faute. Alors peut-être vaut-il mieux penser que ces récits de croyants loin de leur terre, loin de Dieu, sont un langage de l’espérance, une exhortation à la fidélité à Dieu…

 

Chers amis, nous arrivons à la fin du temps liturgique de l’Église. Nous y avons cheminé cette année avec l’Évangile selon Luc. Dans 15 jours nous rentrerons dans le temps de l’Avent.

Le texte que nous avons lu aujourd’hui, ce chapitre 21, aux versets 5 à 19, nous parle de fin : fin des temps, fin de Jérusalem…

Les évangiles ont tous intégré des textes sur le thème de la fin, et même plusieurs textes sur la fin. Luc, dès son 17ème chapitre : « 34 Je vous le dis, cette nuit-là, deux hommes seront sur le même lit : l’un sera pris, et l’autre laissé. 35 Deux femmes seront en train de moudre ensemble : l’une sera prise, et l’autre laissée. »

Il parle là de la fin de la fin, c’est-à-dire du grand tri final que Dieu opérera selon sa divine justice.

La fin de la fin, parce qu’avant, autre chose se passe, que nous avons lu. C’est l’énumération de tous les malheurs possibles. Et pas seulement les belles pierres du beau Temple. Il ne suffit pas de donner à penser à la chute de Jérusalem, qui doit venir, et qui est peut-être bien déjà venue lorsqu’est écrit l’Évangile selon Luc. Ces pierres, celles du Temple, celles de la ville, sont infiniment plus que des pierres. Elles sont tout un programme et un projet religieux, elles sont l’écrin dans lequel Dieu demeure, elles sont aussi une histoire, écrite et orale. Et elles ne sont plus. Et elles, qui représentaient l’histoire et l’ordre de Dieu, seront dès lors et toujours un tas, des gravats, un chaos.

 

Et ce qui suit, l’énumération qui est faite, après les pierres, ce sont les gens, les humains. Le chaos des pierres et le chaos des gens, c’est toujours le chaos. Et ce chaos humain détruit toutes les structures sociales, familles, et communautés religieuses.

Et ça n’est pas comme si une puissance étrangère venait, vaincrait, asservissait et déportait. Avec le texte que nous méditons, ça se passe pour ainsi dire sur place, c’est domestique. C’est une sorte de chaos qui, dans son développement ultime, ne laisse plus que des individus esseulés. Chacun ne compte que pour lui-même, chacun ne compte que sur lui-même. Peut-être de courts arrangements d’intérêts peuvent-ils être temporairement passés, mais pour un temps très court. Chacun pour soi… Et pour ce qui est du reste du monde, c’est du chaos que parle Jésus…

 

Avons-nous connu un tel chaos ? Les Européens que nous sommes doivent faire mémoire de la catastrophe qui eut lieu entre 1933 et 1945. Nous avons eu témoignage des horreurs, de l’arbitraire de l’occupation et de la violence des camps. Mais en fin de compte, les générations passant, très peu de nous l’ont directement connu.

Nous n’avons connu ni l’occupation ni la déportation…

Nous n’avons pas non plus connu les martyrs des Chrétiens des premiers siècles…
Nous n’avons pas connu les dragonnades et autre sévices infligés aux Protestants de France pour seule raison de leur foi.

Nous avons été épargnés par ces malheurs… Mais il peut arriver que la vie soit ravagée, pour diverses raisons, au point qu’on se sente abandonné, désespérément seul, et moqué par nos plus ou moins proches, en raison parfois de la foi (même une ironie ordinaire peut meurtrir).

Et puis il y a le spectre de la guerre qui réapparait, toutes les violence économiques, et donc sociales. La tentation de la tyrannie qui illusionne les peuples au point, tel le peuple hébreu, d’être tenté par le « confort » (entre guillemets) de l’esclavage…

 

Jésus a-t-il ici quelque chose à dire, qui ressemblerait à de l’espérance ?

 

Jésus a quelque chose à dire, et que nous avons lu : C’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie. C’est la proposition de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB). Louis Segond propose : par votre persévérance vous sauverez vos âmes.

 

Grande diversité de traduction, gros enjeu… C’est que nous parlons d’existences ravagées par le chaos, des existences rendues, par le malheur, incapables de tout.

Va-t-on prêcher l’endurance, ou la persévérance, à ceux qui sont irrémédiablement défaits ? Va-t-on leur dire qu’un salut est possible et qu’il a pour condition leurs efforts ?

Et va-t-on, en fait de salut, leur promettre quelque chose dans l’au-delà, pourvu qu’ici-bas ils se soient bien tenus ?

 

Rien sur l’au-delà, semble-t-il, dans ce propos de Jésus. Ni rien non plus à faire.

Quelle attitude devant et dans le chaos ? La patience… Dirons-nous, faute de mieux, faute d’un autre mot que nous n’avons pas.

Quelle attitude ? Une certaine détente qui n’est attachée à aucune action et qui ne se réclame d’aucune puissance, et qui peut être ressemble à la patience.

 

Devant et dans le chaos, la patience, qui est la forme la plus subtile, la plus discrète, et finalement la forme la plus invincible de la vie.

 

Jésus, semble-t-il, en évoquant la patience, en exhortant peut-être à la patience, vient suggérer ce qui est peut-être le seul chemin en temps de catastrophe. Et il reste à se demander quelle forme concrète cela peut prendre.

 

Et bien je ne crois pas que l’évangile de Luc nous suggère quelque chose.

Lorsque Jésus fut mort et enseveli, « 54 C’était un jour de Préparation et le sabbat approchait. 55 Les femmes qui l’avaient accompagné depuis la Galilée suivirent Joseph ; elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été placé. 56 Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. » Devant l’irréparable, devant leur espérance anéantie, « Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement. »  (Évangile selon Luc, chapitre 23)

 

Elles observèrent… Elles observèrent le Sabbat, non sous une forme de soumission mais plutôt de patience.

Cela nous renvoie à la première de toutes les volontés de Dieu : Écoute ! « Écoute Israël… »

 

Face au chaos qui veut secouer notre monde, ce chaos qui humilie et asservi…
Observer, Écouter…

Et paisiblement, justement résister dans la fidélité à cette Parole que nous saurons recevoir :

« Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ».

Ainsi, à contrepied de ce verset du livre de Job, nous pourrons dire : Dieu nous parle et nous prenons garde.

Amen.

 

Pasteur Hervé STÜCKER

Rennes, dimanche 16 novembre 2025

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