Prédication
L’essentiel du message de Jésus est donné d’emblée ici par ce vieillard qui parle en prophète : Cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et comme un signe qui provoquera la contradiction.
Siméon est peu connu du lecteur de la Bible, ces quelques versets de l’Évangile selon Luc sont d’ailleurs les seuls à lui être consacrés.
Pourtant en une formule lapidaire il résume tout l’Évangile qui n’a pas encore été prononcé.
Désormais, aucun être ne pourra tomber sans que son redressement ne soit une priorité pour Dieu.
Frères et sœurs : Sur notre vie, il y a donc cette promesse, Dieu mettra tout en œuvre pour nous sortir d’affaire en cas de chute. Et cela est bon pour chaque être humain.
Mais les êtres humains répondront-ils à la mobilisation à laquelle ces paroles invitent ?… Moi Vais-je y répondre…
On oublie bien souvent cet épisode de la prophétie de Siméon.
L’événement est si discret…
En général c’est par des interventions qui ne sont visibles que par leurs bénéficiaires que Dieu révèle aux hommes le sens qu’il veut donner au cours de l’histoire.
L’événement relaté ici est discret : Joseph et Marie pour répondre aux obligations religieuses de leur temps doivent faire un sacrifice rituel prévu pour la naissance du premier garçon.
La cérémonie, sans doute assez banale, ne retient l’attention de personne.
Pourtant, à un détour de l’une des immenses cours du Temple, un vieillard que l’on ne remarque plus, tant on a l’habitude de le voir ici, s’approche.
En quelques mots, il dit à ses parents l’essentiel de ce que sera le ministère de Jésus.
Le vieux Siméon révèle que cet enfant porte en lui l’accomplissement de toutes les promesses faites à Israël.
Siméon attendait, comme tous les juifs, que Dieu intervienne dans l’histoire de son peuple.
Il lui suffit d’une seule phrase pour que tout l’avenir s’éclaire d’un sens nouveau : « Il est là pour la chute et le redressement de beaucoup »
Cette phrase prononcée, Siméon peut quitter le monde des vivants.
Quand nous nous interrogeons sur le sens de notre vie et que nous nous demandons à quoi nous servons réellement.
Il nous suffit de nous souvenir que le destin de Siméon était de prononcer une seule phrase.
Nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde, ne serait-ce que celui de prononcer une seule phrase,.. Encore faudra-t-il la prononcer au bon moment.
Siméon semble avoir dit les choses correctement : « Il est pour la chute et le redressement de beaucoup ! »
Ainsi Dieu promet-t-il de redresser tous ceux qui sont tombés !
C’est tout un programme.
La réalisation de cette promesse provoquera une telle contestation dans le monde, que sa mère, qui ici, comme souvent dans l’Évangile, représente l’Église, en sera déchirée jusqu’au plus profond d’elle-même.
Les hommes préféreront diviser l’Église plutôt que de se mette au service de l’Évangile, c’est à dire au redressement des plus faibles.
Les mots que Siméon vient de prononcer et qui constituent le tout premier élément de la vocation de Jésus ne sont pas nouveaux.
La tradition biblique a toujours enseigné que Dieu se range du côté de ceux qui sont tombés.
Il prend toujours le parti des faibles contre les forts.
C’est par ce constat qu’a commencé l’histoire d’Israël : petit peuple d’esclaves… Libérés par Moïse.
Mais l’évocation de la libération de ce peuple n’est-t-elle qu’un support à de somptueuses fêtes liturgiques que l’on célèbre à Pâques… À crier, chanter avec force nos louanges…
Ou est-elle aussi une invitation à se mettre au service de tous les opprimés, de celle, de celui qui, sous ce qu’on résumerait par « le poids de la vie », sont écrasés ?
Siméon et bien d’autres prophètes avant lui savaient que la volonté de Dieu était le service des plus humbles, mais que cette volonté restait sans suite auprès des hommes.
Pour la première fois dans l’histoire du monde, le vieillard pressent que l’enfant qu’on lui présente porte en lui la capacité de renverser l’histoire en faveur des déshérités.
Vous comprenez alors quel a dû être son émotion, même si les parents de Jésus ne comprenaient pas.
Il sait cependant que tout cela ne se fera pas sans mal, c’est pourquoi, il parle de contradiction.
Il comprend avant les autres que ce sera difficile, que les hommes se déchireront entre eux à cause de la dimension sociale et humanitaire que va prendre l’action visible de Dieu dans le monde des humains.
L’amour de Dieu relayé par l’action des hommes se manifestera en premier lieu par le souci des humbles.
C’est la vocation que Dieu donne à celui qui pour le moment n’est qu’un bébé et que les nations salueront plus tard sous le titre de Fils de Dieu.
C’est lui qui tombera le premier, parce qu’on l’a accusé de mépriser le culte et la tradition, au profit de l’amour du prochain.
Quand il sera tombé, Dieu le redressera en le rappelant de la mort.
Quand sa victoire sera révélée, on cherchera à interpréter le sens théologique que tout cela doit prendre.
Mais l’Église naissante se divisera à ce sujet et laissera les petits en dehors de ses soucis.
Il est vrai que les Églises, bien qu’elles sachent que le message d’amour qu’elles ont reçu soit pour les petits, pactisent trop souvent avec les grands.
Elles savent que Dieu se plaît dans l’humilité, mais elles ont préféré trop souvent parader sur la scène publique.
Elles savent que Dieu leur a donné vocation de servir, mais elles aiment régenter.
Ceux qui ont vocation d’être redressés, qui sont-ils ?
Vous les connaissez mieux que moi, car ils sont nos prochains.
Ils sont ceux qui près de chez-nous ont besoin de nous.
Mais ce n’est pas de ceux-là dont je veux parler ici. Je veux parler de nous-mêmes quand nous désespérons d’être secourus dans nos difficultés.
Je pense à ceux qui se sentent en désaccord avec eux-mêmes et à ceux qui éprouvent une chute intérieure dont ils ne parlent pas parce qu’ils ne la comprennent pas ou parce qu’elle fait partie de leur jardin secret où ils ne laissent personne entrer.
Je pense à ceux qui ne savent pas trouver le sens de leur vie et qui ne sont pas satisfaits du cours que prennent les choses dans leur existence.
Je pense à ceux qui se fourvoient, parce qu’ils font semblant de croire qu’une vie réussie est une vie couronnée d’honneurs et de privilèges, et qui considèrent que la réussite sociale est un cadeau du ciel – si non de Dieu !
C’est pour tous ceux-là aussi que Jésus reçoit vocation d’intervenir dans leur vie.
Il est capable de mettre du baume sur les parties douloureuses, et il ouvre devant les pas de chacun une perspective d’espérance.
Prenez donc le temps de laisser Jésus naître dans vos âmes, ouvrez-lui votre cœur pour qu’il s’en empare.
Cela prend du temps, cela demande parfois du renoncement.
Cela demande que l’on se remette à prier, même si on ne sait plus le faire.
Mais nous savons aussi qu’il suffit de le désirer pour que Jésus fasse le reste.
C’est alors que le mystère de la prière personnelle prend toute sa signification et son efficacité.
Elle permet de s’ouvrir au Seigneur pour qu’il prenne en charge nos chutes.
C’est alors, que sans que nous nous en rendions compte, il commence à transformer notre vie et à nous ressusciter. Non pas selon NOTRE volonté, mais selon SA volonté.
Ainsi s’ouvre devant nous le programme d’une vie nouvelle habitée par Jésus et joyeusement ouverte à Dieu, aux autres, à la vie… Pleinement.
Amen.
Pasteur Hervé STÜCKER
Rennes, dimanche 2 février 2025