Prédication
Chers frères et sœurs,
L’automne est là, avec ses feuilles qui tombent et ses nuits qui s’allongent… Dimanche dernier, nous avons commémoré l’Événement de la Réforme lors du culte de la Réformation. Nous voilà maintenant au week-end de la Toussaint, une fête qui, en contexte catholique, invite les fidèles à se souvenir des saints et à prier pour les défunts, afin de les aider à se rapprocher de Dieu.
Notre tradition réformée n’a pas retenu cette fête. Le concept de communion des Saints est important mais différentes de chez nos frères catholiques.
Cette communion repose sur l’idée que tous les chrétiens, quels que soient leur époque ou leur lieu, forment un seul corps en Christ.
Contrairement à la tradition catholique, les réformés ne croient pas que les saints décédés puissent intercéder pour les vivants. Car Seul Jésus-Christ est médiateur (Première épître de Paul à Timothée, chapitre 2, verset 5).
Ils ne prient pas non plus les saints, mais reconnaissent que tous les croyants, passés et présents, sont unis dans la même foi et la même espérance.
C’est aussi la période où les cimetières retrouvent leurs visiteurs annuels, croyants ou non. Toutes ces personnes qui viennent se recueillir et rendre hommage à leurs proches décédés en déposant des fleurs. La mort est une expérience universelle à laquelle nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre.
Il y aussi la fête d’Halloween qui prend toute la place dans les supermarchés, les centres de loisirs et ce même dès la crèche (on m’a demandé vendredi si notre fille Hannah d’à peine un an pouvait être maquillée et déguisée). Une fête qui transforme l’horreur et la mort en spectacle mettant en scène des fantômes, des zombies, des vampires… On rit de la mort, on la caricature, on en fait un divertissement. Étonnant, d’ailleurs le succès de cette tradition (qui n’est arrivée en France que très récemment) dans une société souvent mal à l’aise avec la mort et qui souhaite à tout prix la masquer.
À l’extrême, on peut penser aux partisans du transhumanisme, qui promettent purement et simplement de supprimer la mort, par le progrès technologique.
Grâce à la cryogénisation, à l’intelligence artificielle, aux nanotechnologies ou aux modifications génétiques, l’homme pourrait, dit-on, devenir immortel. La mort ne serait plus qu’un problème technique à résoudre, une limite à dépasser. Cette quête ne révèle-t-elle pas une peur panique de la finitude et une confiance démesurée dans le pouvoir de la science ?
Dans ce contexte, le texte biblique a sans doute une Parole à nous dire pour aujourd’hui. La Première épître de Paul aux Corinthiens et l’Évangile selon Jean témoignent d’un événement précieux sur lequel nous pouvons nous appuyer pour vivre : la mort a déjà été vaincue par Jésus-Christ. Et cette victoire n’est pas une promesse vague ou lointaine, mais une réalité qui transforme dès aujourd’hui notre manière de vivre, de mourir, et d’espérer.
Commençons par le passage de la Première épître de Paul aux Corinthiens avec cette fameuse phrase inspirée du prophète Osée : « La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? »
»
L’« aiguillon », en grec, kentron, désigne le dard empoisonné d’un scorpion, symbole de la douleur et de la terreur que la mort inspire. Mais, l’apôtre Paul l’affirme, ce dard a été arraché : la mort a été désarmée ! La mort a perdu son caractère ultime ce qui nous permet d’avoir un tout autre rapport avec elle. Notre espérance en la résurrection nous permet de la dépasser.
Comme de notre rapport à la mort dépend notre rapport à la vie, cela qui est décisif pour nous, aujourd’hui.
Paul met en lien la mort, le péché et la loi. Le péché, dit-il, est l’aiguillon de la mort : le péché, tout ce qui conduit à la mort, à l’isolement ou au repliement sur soi. Le contraire du péché, c’est la vie. Mais pourquoi Paul dit-il que « la puissance du péché, c’est la loi ? » Rappelons-nous de son parcours : avant sa conversion, Paul a vécu sous la loi, ce qui l’a conduit à persécuter l’Église, punissant les premiers Chrétiens pour leur foi « déviante ». La loi est destructrice, lorsqu’elle s’enferme sur sa propre logique au lieu d’être au service d’un Évangile de vie. Elle est puissance de péché lorsqu’elle se fige pour se transformer en idéologie qui condamne.
En fait, ce texte de Paul nous interpelle chacun et chacune aujourd’hui. Nous pouvons nous demander : Quelle est la vie que je mène avant la tombe ? Qu’est ce qui m’empêche de vivre une vie vraiment vivante, dans laquelle la mort et son aiguillon le péché ont perdu leur pouvoir ? Comment revêtir l’impérissable ici-bas ?
Souvenons-nous que la résurrection du Christ est le gage même de la nôtre. Si Christ est vivant, alors celles et ceux qui lui appartiennent le son et le seront aussi.
Cette victoire n’est pas seulement pour l’au-delà. Elle a des conséquences concrètes pour notre vie ici et maintenant :
- Elle nous libère de la peur. Nous ne sommes plus esclaves de la terreur de la mort (Épître aux Hébreux, chapitre 2, verset 15).
- Elle donne une direction et une valeur qualitative à notre vie. Notre vie a un sens, inscrite dans l’éternité de Dieu, elle est vécue en communion avec Dieu. C’est ce qu’on appelle « la vie éternelle ».
- Elle nous unit aux croyants de tous les temps. La « communion des saints » c’est cette réalité d’une famille spirituelle qui transcende le temps et l’espace ! En perspective protestante, sont saints toutes celles et ceux qui mettent leur foi en Jésus-Christ.
Le passage de l’Évangile selon Jean que nous avons lu entre en écho avec celui de la Première épître de Paul aux Corinthiens.
En effet, Jésus, qui vient de se présenter comme le pain descendu du ciel, annonce qu’il accueille toutes celles et ceux qui s’approchent de lui, inconditionnellement. Il est venu sur terre pour cela car c’était la volonté de Dieu. La foi est un fait mystérieux qui se joue dans la rencontre entre l’attente de Dieu et la quête de l’humain.
« Celui qui vient à moi, je ne le chasserai jamais », dit-il, sans doute une des plus belles phrases de l’Évangile. Jésus reçoit toute personne qui s’approche de lui comme un don de Dieu-lui-même. Nous pouvons dès lors nous considérer les uns les autres comme des dons de Dieu.
La volonté de Dieu, telle que présentée dans ce passage, est que tout ce que Jésus a reçu, il le ressuscite au dernier jour. Pour l’instant, notre monde est ambigu, marqué par la mort et le chaos, les guerres, mais il affirme l’espérance d’une victoire finale et définitive au dernier jour.
En tant que Chrétiens et Chrétiennes, aujourd’hui, laissons nous inspirer par ces paroles afin de vivre ici-bas, avec et malgré l’état du monde, une vie d’éternité, une vie de ressuscité.
Alors nous faut-il boycotter Halloween au nom de notre foi chrétienne comme le prêchent certains pasteurs évangéliques ? Ou bien nous joindre joyeusement à cette fête pour tourner la mort en dérision, ancrés dans la foi que toute cette mascarade est finalement inoffensive ? Préférons-nous simplement l’ignorer pour focaliser notre attention sur ce qui compte vraiment : Le Seigneur est ressuscité, la mort est vaincue !
Chacun et chacune aura sa réponse et usera de sa liberté.
Quoi qu’il arrive, la foi en Jésus-Christ ressuscité change radicalement notre rapport à la mort et donc à la vie. La nôtre, celle de nos proches et plus largement.
Les premiers Chrétiens (et c’est encore le cas dans certaines cultures aujourd’hui) exprimaient cela en appelant le jour du décès, la « naissance au ciel », « dies natalis » se réjouissant que l’être cher ait retrouvé le Seigneur.
C’est beau n’est-ce pas ?
Frères et sœurs, la vie éternelle commence dès maintenant. Elle n’est pas réservée à l’au-delà, mais elle est déjà à l’œuvre en celles et ceux qui croient. Et ça, c’est une excellente nouvelle !
Amen.
Pasteure Claire OBERKAMPF
Rennes, dimanche 2 novembre 2025