PRÉDICATION : Dimanche 26 janvier 2025

Dimanche 26 janvier, c'est Gaël THIERRY qui a animé le culte en compagnie de Théo DESBOIS-LERAY au piano et de Claire OBERKAMPF au violon. Pour élaborer sa prédication, Gaël s'est basé sur le chapitre 13 du Premier Épître de Paul aux Corinthiens et du chapitre 4 de l’Évangile selon Luc.

Premier Épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 13, versets 12 à 27

« Le corps forme un tout, mais a pourtant plusieurs organes, et tous les organes du corps, malgré leur nombre, ne forme qu’un seul corps. Il en va de même pour Christ. En effet, que nous soyons juifs ou grecs, esclaves ou libres, nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul corps, et nous avons tous bu à un seul Esprit.

Ainsi, le corps n’est pas formé d’un seul organe, mais de plusieurs. Si le pied disait : « Puisque je ne suis pas la main, je n’appartiens pas au corps », ne ferait-il pas partie du corps pour autant ? Et si l’oreille disait : « Puisque je ne suis pas l’œil, je n’appartiens pas au corps », ne ferait-elle pas partie du corps pour autant ? Si tout le corps était un œil, où serait l’ouïe ? S’il était tout entier l’ouïe, où serait l’odorat ? En fait, Dieu a placé chacun des organes dans le corps comme il l’a voulu. S’ils étaient tous un seul organe, où serait le corps ? Il y a donc plusieurs organes, mais un seul corps.

L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi », ni la tête dire aux pieds, « Je n’ai pas besoin de vous. » Bien plus, les parties du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires, et celles que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d’un plus grand honneur. Ainsi nos organes les moins décents sont traités avec plus d’égards, tandis que ceux qui sont décents n’en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d’honneur à ceux qui en manquait, afin que tous les membres prennent également soin les uns des autres. Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui.

Vous êtes le corps du Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »

Évangile selon Luc, chapitre 4, versets 14 à 21

« Jésus, revêtu de la puissance de l’Esprit, retourna en Galilée, et sa réputation gagna toute la région. Il enseignait dans les synagogues et tous lui rendaient gloire.

Jésus se rendit à Nazareth où il avait été élevé, et, conformément à son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Ésaïe. Il le déroula et trouva l’endroit où il était écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que qu’il m’a consacré par onction pour m’envoyer annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé pour proclamer aux prisonniers la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année de grâce du Seigneur ».

Ensuite, il roula le livre, le remit au serviteur et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue avaient les regards fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : « Aujourd’hui cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie. » « 

Photo prise lors du culte. On voit le prédicateur debout devant le pupitre, Clire Oberkampf jouant du violon juste devant lui ainsi que des paroissiens de dos assis sur les bancs.

©︎ Lilian Brayat

Prédication

Suis-je utile à la communauté ? Quelle est ma fonction ? Ai-je seulement une fonction ? Quelle est ma place ? Peut-être se dit-on intérieurement : « Certainement pas au premier rang ! » ou peut-être : « Certainement pas au fond ! » Il est possible qu’il y en ait parmi nous des nouveaux venus qui se posent la question suivante : « Ai-je ma place dans cette assemblée ? » Ou des anciens qui se questionnent peut-être aussi de la même façon : « Ai-je encore ma place dans cette assemblée ? »

 

Toutes ces questions sont légitimes, et on se les est tous probablement posé, ou pas. En tout cas, personnellement, je me suis posé chacune d’entre elles, et certainement plusieurs fois…

Mais j’ai une bonne nouvelle pour chacun de nous ! La réponse ne nous appartient pas ! Elle appartient à Dieu ! Qui serait légitime pour dire : « Ta place est ici », ou « Ta place est là ». De quelle autorité se prononcerait-il ?

 

Nous avons tous un ministère au sein de l’Église Universelle, celui de croyant, de paroissien. Alors oui, certains peuvent être ponctuellement plus visible, ou audible. Les Pasteurs, les musiciens, les prédicateurs laïcs, les administrateurs du Conseil Presbytéral, les catéchètes. D’autres sont plus en retrait, mais non moins essentiels : les techniciens des écrans, l’équipe du ménage, celle du jardin, celle de la garderie, celle de la bibliothèque, celle de l’Entraide, etc. Tous sont importants, tous sont des ministères, mais il est un ministère central, que l’on ne conçoit pas toujours comme tel, il s’agit du ministère de paroissien.

 

La notion de ministère renvoie à celle de serviteur… « Être au service de »… Mais de qui ? De la communauté ? Oui, mais pas seulement, au service de Dieu avant toute chose. Le paroissien exerce son ministère d’abord au service de Dieu, et le service de la communauté ne vient qu’après, comme l’expression de vouloir servir le Seigneur. Le service à la communauté n’est que la réponse faite à l’appel de Dieu de marcher à sa suite pour être à son service… C’est-à-dire être la manifestation de son action dans le monde.

 

Le service communautaire est le plus facile, le plus confortable, par ce qu’il permet d’y exprimer sa foi ouvertement. Celui s’exerçant dans le monde est plus délicat, car l’expression de la Bonne Nouvelle y est plus discrétionnaire. Mais même si le service communautaire est plus facile, il fait souvent l’objet d’une autocensure… On ne se sent pas toujours légitime pour avoir telle ou telle responsabilité. On peut se sentir parfois un peu en décalage, peut-être trop quelque chose, ou trop vieux, ou arrivé trop récemment, de sensibilité trop minoritaire, voire peut-être trop marginale…

Trop, ou pas assez ceci ou cela. Mais qui a exercé ce jugement, si ce n’est nous-même ? Qui sommes-nous pour parler ainsi ? Jésus lui-même n’était-il pas un marginal en son temps ? Un peu trop ceci pour les uns, pas assez cela pour les autres.

 

Mais l’essentiel était qu’il était appelé à ! À exercer son ministère à sa façon, pour la plus grande gloire de Dieu. Jésus était marginal… Un obscur galiléen, presque né de père inconnu, s’entourant également de marginaux, de réprouvés, d’impopulaires. Dans une société hébraïque fragmentée en différents courants, plus ou moins prestigieux, où la place de chacun dans ces courants était déterminée par la naissance, Jésus le marginal, a mis la foi au centre du rapport à Dieu. La foi, et non les déterminismes sociaux ! Non, le pêcheur n’aurait jamais pu être prêtre. Non, le publicain n’aurait jamais pu être scribe. Non, la femme n’aurait jamais pu devenir membre du Sanhédrin… Mais oui, tous pouvaient devenir disciples et apôtres ! Parce que oui, ils étaient des marginaux, suivant un marginal. Mais qui mieux qu’un marginal peut mettre Dieu au centre ? Si nous-même nous sommes au centre, alors où est la place de Dieu, je vous le demande, si ce n’est à la marge ?

 

Sœurs et Frères, soyons des marginaux ! Ne soyons pas trop installés dans les conforts du monde et de la société, ne soyons pas trop au centre de la pensée de ce monde… Parce que du centre, on ne l’observe que mal, et on se laisse envahir par lui. Le marginal est un outil de la conscience du monde. Il est celle, ou celui, qui tend le miroir pour que ce monde se regarde en face, et voit ce qui ne va pas. Le marginal est un objecteur de conscience sur les maux du monde et ses dérives. Le marginal est celui qui alerte sur le repli sur soi, le repli identitaire, la culture de l’entre-soi, le développement des microcosmes confortables dans lesquels on s’enferme, sans y prendre garde…

 

Le marginal est celui qui nous regarde et nous dit : fais-moi une place à tes côtés, parce que je suis comme toi. Et si, par hasard, personne ne venait à nous regarder comme étant marginal… Frères et Sœurs, inquiétons-nous ! Nous sommes peut-être en mauvaise posture sans le savoir… Nous nous sommes peut-être enfermés dans quelque chose. Nous nous sommes rendus inaccessibles aux autres, et tôt ou tard, nous rendrons nos cœurs inaccessibles à Dieu.

 

Le marginal, c’est moi, c’est vous, c’est chacun d’entre-nous. Nous sommes tous des marginaux à notre façon, parce que nous faisons de Christ notre centre. L’Épître aux Corinthiens nous présente comme des organes d’un seul et même corps, le corps du Christ. Cela signifie que nous sommes reliés, mais pas identiques. Nous avons des fonctions indispensablement égales, mais pas similaires. Nous ne sommes pas des clones, mais nous sommes complémentaires, chacun avec la diversité qu’il apporte à l’ensemble du corps. Si nous ne voyons pas le rôle de l’un d’entre-nous, c’est que nous ne le connaissons peut-être pas assez. Les herboristes disent qu’il n’y a pas de mauvaises herbes, seulement des plantes dont on ne connait pas encore la vertu. Il en est de même pour les fonctions des membres du corps social, et au sein de notre assemblée.

 

Lorsque le livre d’Ésaïe indique « porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer la libération aux captifs, retrouver la vue aux aveugles »… Ne parle-t-il que de condition physique ? N’est-il pas aussi là question de conditions spirituelles ? Dans la société de l’époque de Jésus, l’accès au Temple était-il aisé aux pauvres, aux captifs et aux aveugles ? Non. C’était souvent interprété par les contemporains comme le fruit d’une malédiction, le résultat d’un grand péché, commis soi-même ou par ses ancêtres… Et être privé d’accès au Temple, c’était être privé de l’accès au divin, puisque Dieu était réputé résider dans le Saint des Saints du Temple, et que les sacrifices d’offrandes devaient se faire à Jérusalem, au Temple. Les marginaux n’avaient donc quasiment pas d’accès à la relation à Dieu, mais alors où trouver l’espérance ?

 

Lorsque Jésus, lisant les mots d’Ésaïe, dit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par onction pour m’envoyer annoncer la bonne nouvelle », il ouvre la pensée de la foi, non plus sur le Temple uniquement, mais la déplace vers l’extérieur, dans l’acte de rencontrer. Ce n’est plus la démarche de quelques-uns seulement, privilégiés par leur naissance, qui peuvent aller à la rencontre de Dieu, mais l’inversement de la norme. Dieu, consacre celui qui vient à la rencontre.

Jésus allant ainsi vers les marges de la société offre un accès direct à l’espérance en Dieu.

 

Ainsi, lui, le marcheur de Galilée, de Samarie et de Judée, celui qui a reçu l’onction divine, va hors-les-murs du Temple et de la cité, porter des paroles de foi et d’espérance aux déconsidérés de son temps, les sans-conditions-physiques, les sans-statuts-économiques-et-sociaux, les sans-éducation à la Torah… Bref, les marginaux parmi ses contemporains. Par cet acte, il offre réconfort, espérance, réhumanise la Loi de Moïse en la rendant accessible à tous, et popularise l’idée d’un accès direct à Dieu par l’idée d’une foi intérieure mise en acte par l’altérité au prochain, au-delà de toute soumission à la hiérarchie du Temple, détenteur du monopole du rite.

 

En disant : « Aujourd’hui cette parole de l’Écriture […] est accomplie. », Jésus annonce une ère nouvelle : finie la foi des craignant-dieu pour les marginaux. Il se veut réformateur du Judaïsme de son époque. Il offre une compréhension nouvelle de la relation de l’Homme à Dieu. Une relation offerte à chacun, où nul n’est plus jugé, mais où une foi d’espérance unie l’Homme au divin, et où chacun à sa place dans le Royaume des Cieux, s’il accepte cette relation qui se tisse dans la rencontre. Par cette parole, c’est une nouvelle béatitude qui s’écrit : Heureux les marginaux, ils ont leur place dans les assemblées, et à la droite du Père. Amen.

 

Gaël THIERRY

Rennes, dimanche 26 janvier 2025

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