Prédication
Chers amis, chers frères et sœurs,
Voici deux textes qui se font écho : une parabole, racontée par Jésus et rapportée par Luc, et une série d’exhortations, de recommandations, faites vraisemblablement par l’apôtre Paul à Timothée, responsable de la communauté d’Ephèse – communauté qui fait face à des débordements, à des interprétations des Évangiles qui ne sont pas fidèles au message de Jésus Christ.
Je vous propose de commencer cette prédication en vous racontant une petite histoire, glanée sur le net :
Un jour, dans une école talmudique, un élève demande à son rabbin :
« Pourquoi un pauvre est amical et prêt à aider, tandis qu’un riche ne nous remarque même pas ?»
Le rabbin lui demande alors de regarder par la fenêtre ; il y voit une femme avec son enfant qui va au marché. Ensuite, il lui dit de se tourner vers un miroir, et lui demande ce qu’il voit.
L’élève répond : « Moi-même !»
Et le rabbin continue, en lui disant : « La fenêtre est faite en verre, le miroir aussi, mais au fond de ce dernier il y a une couche d’argent, et vois-tu, dès qu’on met un peu d’argent derrière le verre, on ne voit plus que soi-même. »
Elle fait réfléchir, cette petite histoire, non ? A minima, elle fait sourire, et hocher la tête… on se dit « elle n’est pas mal, celle-là ! »…
Les paraboles utilisées par Jésus sont aussi des petites histoires dont le but est de nous faire réfléchir… Alors regardons de plus près la parabole que nous venons d’entendre.
Deux hommes.
L’un est pauvre, couvert d’ulcères. Il a faim. Il lorgne sur les restes de repas du riche. Mais ces restes lui sont refusés. Cet homme s’appelle Lazare, qui signifie « Dieu a secouru », ou « Dieu a aidé » en Hébreu.
L’autre est riche. Sa richesse est visible, chatoyante comme ses vêtements, ostentatoire, comme les fêtes qu’il donne chaque jour. Cet homme n’a pas de nom. Il est en quelques sortes l’incarnation de la suffisance, de l’égocentrisme, du mépris de classe.
Quand vient le moment de mourir, Lazare est emporté auprès d’Abraham. Pas d’intermédiaires, pas de cérémonie ; pas d’adieu, peut-être. Lazare est emporté par les anges, ces messagers de Dieu porteurs de bonne nouvelle. Pour l’homme riche, c’est une autre histoire qui est racontée. D’abord, on l’enterre. C’est-à-dire que des personnes prennent soin de lui dire adieu. Et puis, il va dans le monde des morts, qui pour lui n’est que souffrance.
Alors, il prend le temps de regarder autour de lui.
C’est donc quand tout va mal que l’homme riche ouvre les yeux. Il se rend alors compte du gouffre qui le sépare du Royaume de Dieu.
L’homme riche souffre d’être loin de Dieu, tandis que Lazare est à côté d’Abraham. Certaines traductions nous disent même que Lazare est « sur le sein d’Abraham ». Abraham, père de la nation juive, a accueilli le pauvre homme malade, délaissé, humilié.
Mais il a mis loin de lui l’homme riche, méprisant et égocentré.
L’homme riche se confond-il pour autant en excuses ?
Se repent-il ? Exprime-t-il quelque remord qui montreraient qu’il commence à comprendre pourquoi et comment il s’est éloigné de Dieu ?
Non.
Cet homme continue de voir la vie, les relations humaines, à travers un prisme utilitaire, dont il pourrait tirer profit. En effet, il demande à Abraham d’utiliser Lazare comme moyen d’action pour le soulager lui (en lui donnant de l’eau) et soulager ses frères (en leur épargnant les souffrances que lui-même endure). Il ne se demande pas pourquoi Lazare, qu’il a lamentablement ignoré lors de son séjour sur terre, est maintenant assis à la droite du Père. Il ne saisit pas l’occasion qui lui est donnée pour changer de regard. Il continue de regarder Lazare à travers le prisme de l’utilité, pour parvenir à ses fins.
Est-ce à dire que la richesse est forcément mauvaise, et qu’elle rend narcissique ?
Je ne pense pas que ce soit ce que Jésus souhaite nous dire à travers cette histoire.
Je pense par contre que Jésus nous met en garde contre les faux dieux, contre ces miroirs qui nous donnent l’impression de briller, mais qui ne reflètent que notre propre lumière. Je pense que Jésus nous invite à porter notre regard au-delà de nous-même, pour embrasser le monde et voir en notre prochain une présence, une lueur divine.
J’aimerais maintenant me pencher un peu plus sur les paroles échangées dans cette parabole.
Notons tout d’abord que des deux hommes, le seul qui parle est l’homme riche. En homme habitué à parvenir à ses fins, il négocie. Il ne lâche pas le morceau. Abraham, patiemment, prend le temps de lui répondre. Il ne le méprise pas, ne l’ignore pas, l’appelle « Mon enfant », rappelant ainsi que toutes et tous nous sommes enfants de Dieu.
Mais Abraham est ferme dans ses mots : il remet systématiquement l’homme riche à sa place, si j’ose dire… Il le met face à ses choix de vie, et face à la réalité qui en découle. C’est sans doute difficile et inhabituel pour l’homme riche de se voir opposer des refus… Dans ce dialogue surprenant, je retiendrais le dernier échange, dont je relis la dernière phrase ici : “Ils [les frères de l’homme riche] n’écoutent pas Moïse ni les prophètes. Alors, même si quelqu’un se lève de la mort, ils ne seront pas convaincus.”
Cette phrase nous interpelle, n’est-ce pas ?
N’avons-nous pas parfois envie que quelque chose de miraculeux se passe, qui puisse ouvrir les yeux de celles et ceux qui refusent catégoriquement de croire en l’amour infini de Dieu ? N’avons-nous pas parfois l’impression que malgré tous les efforts faits par des femmes et des hommes de bonne volonté, pour que soit incarné le commandement ultime d’amour du prochain, d’autres, qui paraissent si nombreux, balaient d’un revers de la main ce commandement et font de la haine de l’autre un mode de vie de plus en plus assumé ?
Mais alors, que veut dire Abraham ?
Que c’est peine perdue ?
Je ne le crois pas.
C’est là que se fait le parallèle avec la lettre de Timothée aux Éphésiens. Car Jésus, à travers cette parabole, ne souhaite pas nous faire peur, avec des histoires de ciel, de feu et d’enfer. Je pense qu’il nous invite plutôt à ne pas passer à côté de la vie, à ne pas manquer l’essentiel.
Et quel est-il, cet essentiel ?
Je vous invite à retourner voir ce que l’apôtre dit à Timothée.
Versets 11 et 12 : « Cherche à être juste, sois fidèle à Dieu. Vis avec foi, amour, patience et douceur. Combats le beau combat au service de la foi, afin de vivre avec Dieu pour toujours. C’est pour cette vie qu’il t’a appelé. »
Une vie de foi, d’amour, de patience, et de douceur.
Quel beau message que celui-ci en ce début d’année scolaire !
Lorsque Paul parle à Timothée – qui était un des responsables de la communauté d’Ephèse – , je vous demande, d’entendre ces paroles comme si elles vous étaient adressées à vous. Car, comme le dit Luther, nous sommes tous appelés à être pasteurs. Le sacerdoce universel nous engage, chacune et chacun, à prendre part à l’annonce du Royaume de Dieu.
« Garde le commandement que tu as reçu, en restant sans tache et sans défaut », pouvons-nous lire au verset 14. Quel est-il, ce commandement ? L’apôtre ne le précise pas, mais nous le connaissons : Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta pensée, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. (Matthieu, chapitre 22)
Oui, nous sommes appelés à mettre notre confiance en Dieu, et en Dieu uniquement, car c’est lui « la source du bonheur, et le maître de tout ». Nous sommes appelés à nous rapprocher de ce Dieu de lumière que personne ne peut voir, celui qui nous donne toutes choses généreusement, et qui nous invite à vivre l’Espérance tout au long de notre existence.
L’apôtre nous met en chemin pour témoigner de l’amour infini de Dieu, et nous demande, non seulement de respecter son commandement, mais de le faire connaître à ceux qui nous entourent.
Que cette nouvelle année scolaire nous donne d’être les témoins inlassables de l’amour de Dieu pour les femmes et les hommes ; qu’à l’image de Lazare, nous soyons patients et confiants, solides dans notre foi. Puissions-nous entendre pleinement les recommandations de l’apôtre à Timothée : « garde fidèlement ce que Dieu t’a confié. Évite les discours creux et contraires à la foi, les critiques présentées par une fausse connaissance. »
Dieu désire notre bonheur : que nous soyons riche ou pauvre, il nous offre sa Paix et la Vie éternelle. Soyons dignes de les recevoir.
Amen.