PRÉDICATION : Dimanche 9 novembre 2025

Entre la Toussaint et l'Armistice, le Pasteur Hervé STÜCKER nous propose une prédication sur le thème de la résurrection.

Évangile selon Luc, chapitre 20, versets 27 à 35

Quelques-uns des sadducéens, qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection, vinrent l’interroger : Maître, voici ce que Moïse nous a prescrit : Si quelqu’un meurt, ayant une femme, mais pas d’enfant, son frère prendra la femme et suscitera une descendance au défuntIl y avait donc sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. Le deuxième, puis le troisième prirent la femme ; il en fut ainsi des sept, qui moururent sans laisser d’enfants. Après, la femme mourut aussi. À la résurrection, duquel est-elle donc la femme ? Car les sept l’ont eue pour femme !

 

Jésus leur répondit : Dans ce monde-ci, hommes et femmes se marient, mais ceux qui ont été jugés dignes d’accéder à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari. 

 

Traduction : Nouvelle Bible Segond

 

©︎ Pixabay / Karl Egger

Prédication

Entre les fêtes de Toussaint et des morts de l’Église catholique romaine et les célébrations en mémoire des morts de la première Guerre Mondiale et de toutes les guerres, ne serait-ce pas le moment de réfléchir sur une question toujours délicate à l’intérieur du monde chrétien ; la question de la résurrection !

 

On apprend, par ce passage de l’Évangile selon Luc que la question était au cœur du Judaïsme : Les uns y croyaient et l’enseignaient, les autres n’y croyaient pas enseignaient également à ne pas y croire.
Je suis bien sûr qu’on n’est pas loin du même constat aujourd’hui et si je vous posais individuellement la question, la diversité, la nuance, le doute, la conviction, donneraient mille couleurs à la réponse.
Hier comme aujourd’hui, quelle que soit la position des uns et des autres, tous n’y mettaient pas le même contenu, même s’ils appartenaient à la même famille de pensée, car tous ne mettaient pas la même chose derrière les mots.
En bref, la résurrection est au centre de la foi chrétienne… Mais tous n’y adhèrent pas de la même façon.
La discussion ne porte pas tant sur la notion de résurrection elle-même que sur la réalité que ce terme recouvre.
Pour les uns il s’agit d’une résurrection physique qui concerne le corps de l’individu, pour les autres, il s’agit plus d’une réalité spirituelle, pour d’autres encore, ce n’est qu’une manière de se référer à l’événement fondateur du Christianisme.
Entre toutes ces notions, la distance peut être grande, et pourtant, au sein de nos églises, les tenant de l’une ou de l’autre opinion cohabitent et tolèrent l’opinion des autres sans pour autant la partager.
Dans la Bible, l’Ancien Testament ne connaît pas la notion de résurrection.
Elle n’apparaît que dans les textes les plus récents et surtout dans les textes deutérocanoniques (textes en grec de l’Ancien Testament, non reconnus par le monde protestant).
Elle fait une timide apparition au IIème siècle dans le Premier livre des Macchabées (voir : Deuxième livre des Macchabées, chapitre 7) et envisage la vie des croyants après leur mort auprès du Père.
Cette opinion a vu le jour sous l’influence du monde grecque au moment où on a commencé à s’interroger sur l’avenir des croyants devenus martyrs pour leur foi et dont la vie trop tôt interrompue n’avait pas pu s’épanouir. Avant cela, l’opinion classique était que les enjeux de la vie se faisaient du vivant de chaque individu, après quoi, une fois mort, son souvenir s’effaçait doucement dans le Shéol comme un ombre qui lentement disparaît…

 

Telles étaient les idées qui avaient cours du temps de Jésus. Les Sadducéens, le parti des prêtres, contre les Pharisiens, le parti des « intellectuels » s’opposaient sur le sujet..

 

Naturellement Jésus ne pouvait se tenir hors de la querelle.
Ici, elle se fait agressive. Elle part du parti des Sadducéens qui cherchent à ridiculiser la résurrection et à mettre Jésus en difficulté.
Ils font semblant d’imaginer qu’elle n’est que le recommencement de la vie après la mort dans une réalité physique semblable à celle du monde des vivants qu’ils viennent de quitter.
C’est alors qu’ils rapportent, par le biais d’une parabole le cas d’une femme qui aurait épousé les sept frères de la même famille en vertu de la loi du Lévirat.
Cette Loi faisait en effet obligation au frère d’un défunt sans enfant de lui apporter une descendance en épousant sa veuve.
Souvenez-vous de l’histoire de Ruth et de Booz ! (Dans le Livre de Ruth)
La question étant de savoir duquel, à la résurrection, elle sera l’épouse.
Le raisonnement est trop simpliste pour être pris au sérieux et suppose beaucoup de sagesse de la part de Jésus pour se tirer d’affaires.
Jésus est sage, mais sans doute ne s’attend-on pas à sa réponse.
En fait sa réponse ne prend vraiment de sens que si elle est éclairée par l’événement de sa propre résurrection.
Il faut donc voir dans ce récit l’état de réflexion où en étaient les Chrétiens de la première Église quand il leur fallut étayer théologiquement la question de la résurrection.
Paul tente de le faire et son opinion se modifie à mesure qu’il mûrit sa réflexion.
Il se voit lui-même tantôt transfiguré et élevé au ciel, échappant même à la mort physique (Première épître de Paul aux Thessaloniciens) tantôt revêtu d’un corps de gloire qui est devenu spirituel et a perdu toute apparence physique (Première épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 15, verset 44).
Le tâtonnement est le même dans l’Église naissante de l’époque de l’Évangile selon Luc.
Luc se sert donc des propos de Jésus pour donner une réponse qui sera celle de l’Église quarante ans après sa disparition.

 

Jésus insiste sur la notion de vie.

 

Il remonte à Moïse et à l’épisode du buisson ardent pour étayer sa réponse. C’est à partir de cet événement que débute réellement l’immense saga qui concerne Dieu et son peuple : Dieu fait un pacte de vie avec l’humanité par le moyen de la mission qu’il avait confiée à Moïse pour libérer le peuple d’Israël.
Ce pacte ne saurait être rompu sans porter atteinte à la nature de Dieu, ce qui est impossible et absurde. En conséquence, ce pacte de vie est inaliénable.
Dieu y est présenté comme celui qui donne du sens à la vie.
Il ne saurait donc y avoir de vie sans Dieu et Dieu se situe dans la durée.
Il était au commencement, comme il le sera toujours, dispensant la vie à l’humanité.

 

Si Dieu n’a pas de fin, la vie qu’il dispense aux hommes n’en a pas davantage.
Pour entrer dans le projet de résurrection proposé par Jésus, il suffit donc de croire que nous avons partie liée avec Dieu comme l’avait Jésus. Notre foi en Dieu nous inscrit inévitablement dans son éternité. Le reste n’est que commentaire.

 

Sans doute les uns et les autres voudraient aller plus loin.
Ils voudraient se forger des images mentales et établir des systèmes rassurants.
Jésus ne nous l’interdit pas.
Il nous en laisse l’entière liberté.
Il nous donne même une piste qui n’est pas forcément suivie par les théologiens modernes : c’est celle des anges.
Mais avant de développer ce point, il nous faut avant tout retenir comme préalable à toute théorie, que nous sommes habités par la vie de Dieu et que la vie en Dieu ne connaît pas la mort.

 

Quant aux anges que Jésus mentionne à la fin de son propos, je pense qu’ils font figure de boutade pour répondre à la boutade des sadducéens au sujet de la femme aux sept maris.
Ils lui demandent, non sans perversité, avec lequel elle partagera sa couche lors de la résurrection.
Mais les anges ? Ont-ils un sexe ?
On peut s’amuser à disserter sur cette question, cela nous aidera à passer le temps, mais ne nous apportera aucune réponse.
La réalité sur la résurrection n’est pas dans nos élucubrations humaines, aussi élaborées soient-elles.
Nos théories n’apportent rien de plus à l’affirmation de la vie qui nous vient de Dieu.
Si nous sommes en Dieu notre vie s’absorbe totalement en lui quel que soit notre état.
Nous sommes tous déjà ressuscités !

Amen.

 

Pasteur Hervé STÜCKER

Rennes, dimanche 9 novembre 2025

Contact