Prédication réalisée d’après la lecture biblique : Luc, châpitre 1, versets 39 à 45.
Bien-aimés frères et soeurs,
Très chers paroissiens,
Faisant le marché place des Lices, nous tombons sur une personne qui affiche une pancarte sur laquelle était inscrite des slogans dénonçant nos privations de libertés liées à la vaccination contre la pandémie que nous vivons.
Courageuse personne qui ose manifester pour ce qu’elle croit, me dis-je en mon fors intérieur. Peu importe le fait que nous soyons ou non d’accord sur l’origine de la manifestation. Seule compte la liberté qu’elle réclame.
Oui la liberté.
Cette liberté qui est au coeur de notre vie collective.
La liberté qui est inscrite sur les frontons de nos mairies républicaines.
La liberté qu’on a apprise dans nos poésies.
La liberté est le propre de la France.
Le texte de l’évangéliste Luc que nous venons d’entendre parle aussi de liberté, non pas la liberté théorique et juridique de notre constitution, mais la prise de conscience que nous sommes des êtres appelés à la liberté. Luc nous parle de la liberté qui vient de Dieu. Ce souffle libérateur qui touche le coeur de nos personnes et transforme nos âmes pour parler comme les anciens, qui touche notre intériorité pour parler dans le langage d’aujourd’hui.
Si Marie parcourt en tout hâte une région montagneuse pour gagner une ville de Juda. Si elle court pour venir voir Elisabeth, c’est parce que le souffle de Dieu l’a transformé, l’a rendu totalement libre. Libre de s’affranchir des conventions, des us et coutumes de son époque, car ce n’était pas simple d’être fille mère durant l’Antiquité. Libre de conduire sa vie comme elle estime bien de le faire, et de commencer par venir rendre visite à ses cousins Zacharie et Elisabeth.
Ce qui autorise Marie à se mettre en mouvement, dans une société où les femmes sont souvent requises à l’intérieur des foyers, c’est parce que quelque chose, au fond d’elle-même, à l’intérieur d’elle-même, dans le secret de son être, a changé. C’est parce que quelque chose change à l’intérieur de nous-même, que nous nous autorisons à sortir de nous-même. A devenir libre ! Ce qui a changé à l’intérieur d’elle-même ? C’est très simple : la parole divine d’un ange l’a bouleversée. Dieu, par sa Parole, l’a fécondé. Dieu, par Sa parole, l’a chamboulé. Et ce chamboulement qui arrive à Marie, peut arriver à chacun de nous.
Toute son intériorité s’en est trouvé transformé. Et le plus incroyable, c’est que Marie a fait confiance à cette parole libératrice. Elle a cru en ce témoignage divin. Et l’autre chose tout aussi incroyable, c’est qu’Elisabeth ne reste pas insensible lorsqu’elle entend Marie. Son intériorité à elle aussi, Elisabeth, se trouve toute chamboulée lorsque Marie la salue.
A l’image de ces deux femmes, nous pouvons dire que la liberté nous est donné à travers une parole. La liberté est le résultat d’une parole qui transforme notre intériorité. Cette parole libératrice donne naissance à un être nouveau. Deux êtres physiques pour Marie et Elisabeth qui ne sont autres que Jésus et Jean le Baptiste.
Pourquoi nous permettre de parler de liberté ?
Parce que la vie de ces deux femmes se trouvent radicalement transformer par l’annonce de Marie et la rencontre avec Elisabeth. Leurs vies se trouvent radicalement fécondées par cette parole transformatrice. Or qu’est-ce que la liberté sinon la capacité qui nous donné d’être fécondé pour transformer le monde.
Outre la dimension physique des choses, ce texte a une portée métaphorique :
- Recevoir en confiance la parole de Dieu est le premier acte libre que nous effectuons ;
- Recevoir en confiance la parole de Dieu qui féconde notre vie intérieure et nous rend toujours plus libre.
Libre, chaque chrétien l’est lorsque, transformé dans son intériorité, il répond à l’appel de Dieu en disant comme dans l’épître aux hébreux : « je viens, c’est écrit à mon sujet dans le livre de vie pour faire, ô Dieu selon ta volonté ». Tout comme Marie ou Elisabeth, se laisser féconder par la parole de Dieu et agir selon la volonté de Dieu, c’est un acte de profonde liberté. En avons-nous conscience ?
Nous venons de voir l’importance de l’intériorité dans la définition de la liberté. C’est le premier signe de la liberté que nous, chrétiens, posons dans le monde. Nous nous inscrivons à la suite de Marie et d’Elisabeth : laisser son intériorité féconder par une parole d’amour comme signe de liberté.
Le deuxième signe qui est marqueur de liberté que nous souhaitons souligner est le thème de la complexité. La complexité, selon le dictionnaire le Petit Robert, c’est un état ou un caractère, qui réunit plusieurs éléments différents.
La situation de Marie et d’Elisabeth, par le fait qu’elles soient enceintes, est complexe. La femme enceinte réunit en son sein au moins deux personnes : elle et l’enfant qu’elle porte. Cette situation complexe, où l’un est à la fois deux, est unique. C’est pourquoi la pensée hébraïque, ne sachant pas si la femme enceinte est seule ou à deux, a décidé de mettre la femme enceinte à part.
De plus, Marie est enceinte de manière complexe.
La tradition veut que ce soit une parole qui la féconde. Il n’y a rien de logique ou de rationnel dans cet événement. C’est un mystère qui dépasse la raison. Attention, personne ne vous force à croire cela. Si vraiment vous êtes cartésiens et que vous ne pouvez admettre le miracle, laissez cela de côté. Dieu ne vous en tiendra pas rigueur. D’ailleurs, il n’y a que deux évangiles, Matthieu et Luc, qui font référence à ce miracle de l’Annonciation.
Intégrer cette fécondation par l’Esprit a le grand mérite de renforcer la dimension divine, et donc l’action puissante de la grâce de Dieu dans la naissance de Jésus. Cela renforce encore la dimension complexe de la chose.
Ainsi en commençant la vie de Jésus par l’Annonciation, le narrateur biblique renforce la complexité de l’événement. Une femme est fécondée par l’Esprit saint. Son enfant est un être humain et en même temps le fils de Dieu.
La complexité, c’est bien la réunion des éléments différents : la foi et la raison, l’humanité et la divinité, la vie et la mort. Car en donnant naissance, nous donnons aussi la mort !
Oserions-nous dire que la complexité est la base de la liberté ?
Nous le croyons. Que ce soit au regard des textes bibliques qui sont complexes comme nous venons de le dévoiler ou de nos propres vies qui sont également le fruit d’une réunion d’éléments différents, la complexité est à la base de notre liberté. Réunion des éléments différents de notre vie comme preuve de liberté. L’absence de liberté serait l’unité, l’uniformité, l’identique, le même. La liberté serait l’union des différences.
Marie pratique l’union des différences : dans les profondeurs de son corps humain grandi le sein de Dieu. Mieux, la complexité que Marie incarne et porte en elle est sanctionné par ce témoignage : « béni sois le fruit de ton ventre ». La complexité serait donc une bénédiction ?
Ce texte est à la base de notre foi en l’Incarnation. Le fait que Dieu prend corps dans le corps d’un humain, Jésus. L’Incarnation est la base de notre foi chrétienne. Et elle prend toute son ampleur le soir de Noël où l’enfant Jésus devient le témoin de Dieu pour le monde.
De manière plus métaphorique, notre foi repose aussi sur la réception de la parole divine dans notre fors intérieur, au plus profond de notre intériorité. Parole transformatrice qui fait de chaque croyant un acteur de la volonté de Dieu. Parole libératrice qui nous permet d’oser vivre selon la liberté que Dieu nous donne.
Cette liberté nous en voyons 2 signes :
- D’une part dans le soliloque de chaque croyant qui se nourrit de la Parole et se laisse transformer par elle. Le plus beau signe de liberté est le témoignage que nous faisons auprès du monde lorsque nous laissons rayonner notre intériorité transformé par le souffle divin.
- Le deuxième signe de liberté que nous adressons au monde est l’acceptation de la complexité humaine. Cette réunion en nous-même des éléments différents de nos vies est une preuve de la liberté humaine que Dieu nous donne.
Complexité et intériorité sont deux signes de la liberté que Dieu nous donne. Sachons les cultiver et témoigner de la richesse qu’ils nous apportent.
Amen.
Pasteur Olivier PUTZ
Dimanche 19 décembre 2021, Rennes