Culte du temps de la Création
Chers amis,
Connaissez-vous cette histoire qui circule au sein des Églises ? (Je m’excuse d’avance auprès de celles et ceux qui la connaissent déjà !)
C’est l’histoire d’un type pieux. Mais quand je dis pieux, c’est très pieux : il ne manque aucun culte, lit tous les jours la Bible, fait sa prière quotidienne quand ce n’est pas plusieurs fois par jour.
Sa foi, alimentée par sa méditation personnelle, est ancrée dans une conviction inébranlable que Dieu ne l’abandonnera jamais : c’est ce qu’il a lu et compris dans le texte biblique, c’est ce qu’il chante tous les dimanches.
Il habite une charmante maison, dans un coin charmant, auprès d’une charmante rivière : à ses yeux, tout ceci est une bénédiction du Seigneur et régulièrement, il Lui rend grâce pour cela. « Oui, le Seigneur est si bon » se répète-t-il.
Mais cet homme, comme nous tous et tous les êtres humains, comme la nature et biodiversité, comme toute la planète, subit les méfaits de la folie humaine, les méfaits du changement climatique.
Survient sur la région où il habite des pluies torrentielles comme on n’en a jamais vu de mémoire humaine : le ciel est gris, le paysage devient triste… et la charmante petite rivière voit son cours enfler, enfler, enfler si bien qu’elle déborde.
Il pleut, il pleut sans discontinuer des jours et des jours : la charmante petite rivière devient une immense masse liquide qui, bien vite, envahit la maisonnette. L’eau monte, monte, monte… si bien que notre homme se réfugie sur le toit. Et là, il se met à prier : « Seigneur ! Sauve-moi ».
L’eau est tellement montée que, au bout d’un moment, elle emporte la maison. Voici notre homme, sur son toit, partant à la dérive comme un fétu de paille sur une immensité liquide.
Passant à côté d’un pont (qui s’est bien sûr écroulé), il se fait héler de la rive par un individu qui lui tend une longue perche : « Accrochez-vous ! » lui dit-il, « Je suis sur le dernier point ferme et dur de la région. Accrochez-vous sinon vous êtes perdu ! »
Notre homme, qui continue de prier, lui répond : « Ne vous en faites pas : Le Seigneur mon Dieu viendra me sauver ». Et sa dérive continue…
Quelque temps après, il voit s’approcher un canot pneumatique chargé de secouristes : « Montez ! », lui crient-ils ! « Les autorités nous ont chargé de récupérer tous les sinistrés ! »
Bien que trempé, l’homme leur répond avec un sourire : « Ne vous en faites pas : Le Seigneur mon Dieu viendra me sauver ». Et il poursuit sa prière…
Les intempéries s’aggravent encore et la maison en dérive de l’homme se retrouve dans l’estuaire de la rivière. Survient alors un hélicoptère et de l’engin descend une échelle de corde et un cri couvre le bruit du moteur pour dire à l’homme : « Accrochez-vous ! »
…
Vous commencez à connaître notre homme… Il regarde vers l’hélicoptère, fait un signe et dit : « Ne vous en faites pas : Le Seigneur mon Dieu viendra me sauver. » …
Les heures passent, la pluie a cessé. L’homme, sur le toit de sa maison se retrouve au milieu de l’immensité de l’océan…
Mais, vous le savez bien, une maison, ce n’est pas fait pour flotter… La maison coule emportant avec elle l’homme.
Très peu de temps après, notre homme paraît donc devant le Seigneur. Et là, il entre dans une grande colère et n’hésite pas à apostropher Dieu :
« Comment ça ! J’ai porté toute ma confiance en Toi (et oui, on peut tutoyer Dieu !), je n’ai pas cessé de te prier toute ma vie ! J’ai rendu grâce pour ta bonté ! Je t’ai prié dans la détresse ! J’ai mis toute ma confiance en Toi… Et tu m’as laissé tomber, tu m’as abandonné dans mon malheur alors que je ne cessais pas de te prier !! ».
Alors, Dieu le regarda avec le regard que seul Dieu peut avoir, mêlant compassion et réprobation, et lui dit :
« Tu te moques de moi !! Je t’ai appelé en te tendant une perche… Je t’ai appelé en t’envoyant un canot pneumatique… Je t’ai appelé en dépêchant un hélicoptère… ».
Job a bien raison quand il dit : « Dieu nous parle de différentes manières et nous n’y prenons pas garde… ».
….
Notre monde part à la dérive : c’est peut-être le sentiment qui nous traverse quand nous regardons autour de nous le climat qui se dérègle et ces vagues de chaleur qui nous écrasent, mais il y a aussi cette nature qui souffre, la biodiversité menacée…
Il y a aussi ces femmes et ces hommes qui, face à la misère, prennent des risques insensés pour quérir un peu de paix, de sécurité, de dignité, d’humanité…
Il y a ces dirigeants et ces peuples brandissant le nationalisme et la force pour conjurer la peur qui mine leurs idolâtries.
Les hommes prient : ils prient le « Dieu des placards », quand tout était mieux, autrefois… ceux qui rêvent, comme dans le livre de l’Exode, le retour en Égypte pour la garantie d’un repas…
Ils prient le Dieu de l’argent, du CAC 40, persuadés que le salut est irrémédiablement lié à la richesse et que par elle, tout finira par se résoudre… Comme ce jeune homme riche que Jésus regarde avec compassion.
Prier, c’est bien…. Il faut prier comme si l’on demandait tout à Dieu, disait…
Mais, ajoutait-il, il faut agir comme si nous ne lui demandions rien.
Pour faire échos aux paroles du livre d’Amos, est-ce que le droit jaillit comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable de nos vies ?
Lors du parcours synodal de 2019-2021 dont la session 2019 pour la région Ouest s’est tenu, ici, à Rennes, notre Église s’est engagée dans la prière ET l’action. Le document qu’elle a voté invite notamment les Églises locales à poursuivre un travail biblique et théologique sur le rapport de l’humain, à veiller à la cohérence de leurs pratiques en matière de respect de la création, à renforcer leur vigilance et leur solidarité avec les personnes et populations migrantes victimes des changements climatiques et des guerres, à accompagner les personnes fragilisées par la crise, à s’engager dans la démarche Église Verte et à prendre part à la vie politique locale, notamment en faisant connaître les positions de notre Église.
Vaste programme ! Programme qui demande courage, ténacité mais aussi ouverture de cœur, accueil et pardon. Il nous demande de nous « jeter à l’eau », peut-être aussi à nager à contre-courant…
Il y a là, j’en conviens un immense défi : il est très personnel car cette question de l’écologie nous interpelle individuellement et c’est au fond de notre cœur que la conversion doit se faire, mais il est très collectif car il demande de la solidarité, du partage et de l’attention à l’autre.
Frères et sœurs, depuis toujours Dieu nous tend une perche, depuis toujours il nous envoie des bateaux de secours, depuis toujours des miracles peuvent avoir lieu… pour peu que s’ouvrent nos yeux et notre cœur.
Depuis toujours Dieu est présent quand nos vies font face à des défis qui peuvent nous sembler immenses…
En Jésus-Christ…
Par l’Esprit Saint…
Par et en des hommes et des femmes qui partagent notre chemin de vie…
C’est l’histoire d’un homme qui gravit une haute montagne, seul.
Le voilà au sommet, il s’approche…. Mais soudain, il glisse sur une plaque de verglas. Et sa glissade continue (et oui, une montagne, c’est « pentue ») si bien qu’il est précipité dans un vide immense…
D’un doigt, il se raccroche à une pierre, au bord de la falaise. Le voilà au-dessus du vide, seul dans l’immensité des sommets.
Au bord du désespoir, l’homme tente une question improbable : « Y a quelqu’un ? »
…
Tout à coup, les cieux s’ouvrent, la lumière jaillit d’entre les sombres nuages et une voix se fait entendre : « C’est moi le Seigneur ton Dieu, je t’ai entendu ! Tu peux lâcher le rocher auquel tu t’accroches : j’enverrai des anges te recueillir dans ta chute ! »
…
Après un moment de silence, l’homme dit : « Y a pas quelqu’un d’autre ? »
…
Frères et Sœurs, face au terrible défi climatique qui se trouve devant nous, Dieu nous invite à la confiance et à l’espérance, que l’amour qu’il porte pour chacun d’entre nous puisse déborder pour inonder notre monde.
Amen