Prédication d’après le texte : Jean 11, 1-45
Chers amis,
Il est des textes que nous pouvons lire des dizaines de fois, et à chaque lecture, nous découvrons un sens nouveau, une nouvelle image qui nous saute aux yeux. Nous redécouvrons un verset, nous nous arrêtons sur un passage que nous avions lu rapidement la fois précédente…
Eh bien, ce passage de l’évangile de Jean fait partie des textes auxquels je redécouvre une nouvelle saveur à chaque nouvelle lecture. Ne serait-ce que par le titre qui lui est donné… Certaines traductions parlent de la « résurrection de Lazare », quand d’autres titrent « la mort d’un ami de Jésus »… comme si ce n’était pas la même histoire qui était racontée…
Avant d’entendre le texte de Jean, nous avons chanté « Ecoute, Dieu se révèle à celui qui a soif », « Dieu passe près de toi ; il sème sans compter ».
Dieu se révèle à toi à travers les histoires qui jalonnent la Bible, JC se révèle à toi à travers les récits des évangiles… Et même si parfois les textes sont difficiles d’accès au premier abord, ils sont toujours porteurs de sens pour celui ou pour celle qui écoute avec attention.
Ainsi, ce texte parle de résurrection…
J’ai ouvert mon dictionnaire, et j’ai lu… Résurrection : retour de la mort à la vie. Ce sens-là du mot, c’est celui auquel nous pensons tout suite quand nous lisons les Écritures – d’autant que nous sommes dans le temps de Pâques, et que bientôt, nous nous souviendrons de la résurrection extraordinaire du Christ, et de ce qu’elle implique dans nos vies. Et après tout, Lazare, il passe bien de l’état de mort à l’état de vivant, non ?
Et puis, il y a ce deuxième sens au mot résurrection… retour à l’existence, à l’activité. Nouvel essor, parfois avec l’idée de progrès. Renaissance.
Retour de la mort à la vie pour RENAITRE… En ce tout début de printemps, cela fait d’autant plus sens, non ? Les végétaux que nous croyions morts se mettent à bourgeonner, et tout d’un coup… la vie éclate ! Étaient-ils morts ? Non… ils se préparaient à renaître…
Alors, revenons à notre texte.
Lorsque Jésus apprend que son ami, « celui qu’il aime » (verset 3) est malade, Jésus prononce des paroles un peu difficiles à comprendre : « La maladie de Lazare ne conduit pas à la mort ; elle servira la gloire de Dieu afin que la gloire de Dieu soit manifestée par elle ». (verset 4) La mort servira la gloire de Dieu. En effet dans ce texte, Jésus n’a de cesse de poser des gestes et dire des paroles pour que les personnes qui le côtoient croient en lui. À 5 reprises, JC est explicite ; il dit clairement qu’il est le messager du Seigneur Dieu, et que, sa personne même EST Dieu. C’est ainsi qu’au verset 25, Jésus dit : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais ».
JC opère un décalage, un pas de côté : Je SUIS la résurrection. L’évangile est d’abord un évangile de vie et de résurrection, car il vient nous rencontrer dans notre vie quotidienne. Jusque dans la mort de nos proches, il y a une vie à accueillir. La parole de JC « Lazare, sors de là ! » est une parole qui conduit vers la vie.
La résurrection, c’est ici et maintenant. La vie éternelle jaillit aujourd’hui d’une rencontre avec le Christ vivant. Aujourd’hui. Pas dans l’au-delà.
Ce texte nous parle aussi d’humanité. C’est le livre de Jean qui parle le plus de la divinité de Jésus et qui nous montre aussi le plus JC dans son humanité. JC aime, JC ressent de la colère. JC pleure. C’est d’ailleurs l’objet d’un verset très court, et donc très fort. Verset 35 : Jésus pleura. Parfois, le verbe pleurer est traduit « être en larmes ». Dans la Bible, ce verbe est toujours associé à des drames extrêmes et terribles (massacres, tueries…) : ces morts injustes causées par la violence.
Jésus pleure la perte d’un ami ; dans ce moment, il nous rejoint pleinement dans notre humanité. Situation ô combien douloureuse que la perte d’un proche. Sentiment de vide absolu qui l’accompagne. Colère qui naît au fond de nous, portée par un sentiment d’injustice. Tout cela, Jésus le vit dans sa chair – et il le vivra, jusque sur la croix.
Cette humanité de Jésus est toujours mise en relation à sa divinité. Car Jésus pleure, mais il relève. Il relève Lazare, qui certes, comme tout être humain, mourra de nouveau. Car tout être humain VA mourir. Tout être humain DOIT mourir nous dit l’auteur de la lettre aux Hébreux (9, 27). Dieu est incapable d’empêcher la mort, d’arrêter les souffrances. Mais il se tient là, tout entier, à nos côtés pour nous épauler, pour souffrir avec nous, pour pleurer avec nous. Et il est là aussi pour nous relever, comme il l’a fait avec Lazare, pour nous donner l’énergie nécessaire de nous remettre sur pieds, et d’avancer EN CONFIANCE.
Oui, frères et sœurs, La vie en ce monde a vocation à être belle. Dieu ouvre nos tombeaux et nous appelle à en sortir pour faire grandir le royaume.
Après que Jésus eut rendu grâce à Dieu, il cria d’une voix très forte : « Lazare, sors de là ! ». Alors Lazare sort, en sautillant, tout enveloppé de bandelettes puis Jésus dit : « déliez-le ». C’est à nous d’agir, avec l’aide de Dieu. Dans l’œuvre de délivrance, nous devons faire physiquement (enlever les bandelettes) ce que Dieu a déjà fait spirituellement.
En d’autres termes, il nous revient d’aider Dieu concrètement.
En réanimant Lazare, JC nous montre que la vie en ce monde a aussi une valeur, une importance. D’abord parce qu’il y a des personnes qui aimaient Lazare, et qui sont tristes de sa mort. Mais aussi parce que la vie en ce monde a vocation à être belle. Elle est belle, par le seul fait de vivre, de respirer, mais elle l’est aussi et surtout par les uns et les autres.
Ce geste, s’il est extra-ordinaire, n’a pourtant pas vocation à épater, mais bien à dire et redire la compassion de Dieu à notre égard. En JC, Dieu ne se décourage pas de venir ouvrir les tombeaux de nos égoïsmes, de nos manques de foi, même si nous y sommes enfermés depuis des jours, pour nous pousser vers les autres. Dieu nous appelle à sortir de nos tombeaux pour être la lumière qui éclaire le monde. Au versets 9 et 10 de notre texte, relisons : « Il y a douze heures dans le jour, n’est-ce pas ? Si quelqu’un marche pendant le jour, il ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde. Mais si quelqu’un marche pendant la nuit, il trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Dieu nous pousse vers les autres, il nous invite à nous décentrer, à entrer en connexion avec les autres, à oser la rencontre. Dieu nous invite à VIVRE l’ENTRAIDE concrètement, en nous souciant les uns des autres.
Pour que nous puissions être une des lumières qui guident les autres vers la sortie des tombeaux dans lesquels ils sont enfermés,
Pour que nous osions être de ceux qui, en confiance, délient les liens qui encombrent nos vies humaines pour qu’éclate la joie de la rencontre,
Que Dieu nous vienne en aide. Amen.