Prédication du 26 novembre 2023

Vous avez raté le culte du 26 novembre ? Retrouvez la prédication du Pasteur Hervé Stücker.

Prédication tirée du texte de Matthieu 25, 31-46

 

 

Cette parabole vient en conclusion de notre cheminement avec l’évangile de Matthieu qui dure depuis quelques semaines. Cela tombe bien puisque qu’aujourd’hui, nous sommes le dernier dimanche de l’année…

 

De l’année liturgique, j’entends…

 

Dimanche prochain nous entrerons, avec le premier dimanche de l’avent et l’évangile de Marc, dans un nouveau « commencement » car, avec Dieu, toute chose est nouvelle sur les chemins de l’Évangile.

 

 

Cette parabole met donc un terme aux enseignements de Jésus et s’achève sur une condamnation sans appel de tous ceux qui manqueront aux règles de l’amour…

 

Conclusion donc… Mais conclusion au goût quelque peu amer.

 

 

La fin de la parabole est choquante avec cette très sévère séparation des « bons » et des « mauvais ».

Enfin !!! Il doit bien y avoir une autre explication que celle qui consiste à juger sévèrement ceux qui ont manqué aux règles du plus élémentaire « amour du prochain », de l’attention à l’autre, de la compassion.

C’est ce que nous allons essayer de voir… au risque d’être accusé de manipuler l’Évangile.

 

En employant un langage populaire contemporain, on dirait que Jésus balance sévèrement sur tous ceux qui ont l’audace de ne pas aimer leur prochain d’une manière significative.

 

Il fait de l’altruisme une règle tellement rigide que… nous nous sentons tous coupables et responsables à l’énoncé du verdict.

 

Au début de l’Évangile Jésus recommandait d’aimer son prochain… mais il ne laissait pas entendre qu’il pourrait y avoir les conséquences graves à tout manquement… Ce texte met les pendules à l’heure, de manière radicale !

 

Ici Jésus se transforme en juge, il prononce une sentence sévère.

L’évangile, qui se veut libérateur, devient tout à coup accusateur, et Jésus, lui qui était censé pardonner tous les hommes entre dans un autre rôle,

si bien que nous avons du mal à le reconnaître… D’où peut-être ce sentiment de malaise devant une radicalité… que nous n’apprécions pas trop.

 

Ce n’est pas seulement le contenu de cette parabole qui est déroutant, c’est que les philosophes et les moralistes de notre temps tiennent le même langage.

 

Ils nous reprochent de ne pas faire grand cas de tous les affamés, de ne pas savoir accueillir les étrangers, de ne pas se soucier des malades dans les hôpitaux et de n’avoir aucun égard pour ceux qui sont en prison.

La société civile d’aujourd’hui tient donc le même discours que celui que les Églises tenaient jadis et qu’elles tiennent encore.

 

Elles visaient à dominer les masses en les culpabilisant.

 

Elles prétendaient que le salut de chaque individu dépendait de la manière dont chacun se repentait de ses erreurs et de ses manquements aux règles d’amour.

 

Après s’être repenti, chacun devait corriger ses actions insuffisantes.

Ce n’est qu’après qu’il pouvait espérer le salut…

 

Si nous portons notre attention sur les médias d’aujourd’hui, nous y lisons à chaque ligne de leurs éditoriaux que la société occidentale est responsable de tous les maux de la planète : la pollution bien sûr, la situation économique et politique des pays pauvres, les guerres et le climat d’insécurité en Ukraine, dans le Moyen-Orient, et bien d’autres endroits… Et j’en passe…

 

Mais à la différence du discours que l’on reprochait et que l’on reproche encore aux Églises, les médias ne laissent place à aucun espoir et culpabilisent les occidentaux d’être tellement sclérosés qu’ils ne sont plus capables de faire les sacrifices nécessaires pour redresser le cap et sauver le monde en dérive.

Comment donc s’en sortir ?

 

Il nous faut sans aucun doute retrouver le langage de l’Évangile qui n’enferme pas les hommes dans leur culpabilité, mais leur donne l’espérance d’une issue heureuse.

 

Si nous essayons de pénétrer plus à fond cette parabole, nous constaterons que malgré le rejet des coupables, elle s’achève sur la promesse de la vie éternelle pour les justes.

C’est le dernier mot du texte.

 

Le but de ce long discours culpabilisant est donc d’ouvrir l’avenir sur une possibilité de vie…

Cette vie donnée par Dieu sera éternelle.

Mais nous l’avons compris, cette conclusion passe mal aujourd’hui, car les promesses pour le futur ne font plus recette.

 

Nos contemporains se sont détournés des églises traditionnelles parce que leur langage culpabilisant qui masquait l’espérance était devenu insupportable, mais ne soyons pas si pessimistes…

Car ils gardent en eux une soif de spiritualité.

 

 

Ils vont même jusqu’à gommer complètement la réalité de Dieu pour ne retenir que l’image d’un esprit de bonté, de fraternité et d’amour qui soufflerait sur le monde et dont toutes les religions seraient dépositaires.

 

Nos contemporains n’ont pas cessé d’être animés par des idées généreuses avec lesquelles ils construisent une foi à leur propre dimension et se tracent pour eux-mêmes des voies d’espérance.

 

Mais si l’homme moderne reste un homme profondément spirituel, il a pourtant rejeté Dieu dont le visage traditionnel ne lui convient plus et il n’entend plus cette parabole qui semble être présentée ici comme le testament spirituel de Jésus.

 

Ne se trouvant plus à l’aise dans les religions reconnues, il a du mal aussi avec la société civile qui tient le même langage que les églises qu’il a rejetées et qui en plus a détruit l’espérance…

Pourtant… cette société moderne ne lui a-t-elle pas tout donné ?

En tout cas, on essaye de le lui faire croire.

 

Elle lui a donné le confort, la puissance économique, la consommation en abondance, l’éducation et l’enseignement et nous les revendiquons comme des droits fondamentaux… mais en même temps elle a créé l’angoisse du lendemain et la peur de tout perdre, sans solution de remplacement.

 

 

L’espérance a cessé de faire partie du langage autorisé.

 

Dans cet univers que j’ai brossé, sombre à souhait, Jésus se présente comme celui qui accuse.

 

Il vient avec les attributs d’un juge et siège au tribunal de Dieu.

 

Il répond ainsi aux souhaits de ceux qui voulaient le faire Dieu et il prend ainsi la place de son Père jugeant le monde.

 

Personne ne peut échapper à son jugement !

 

Qui parmi nous, même les plus saints, pourraient mériter le salut qu’il propose ? Personne ! Car nous resterons toujours coupables de manquement aux règles de l’humanité la plus élémentaire.

 

Tant qu’il y aura des hommes nus en difficulté de logement et des enfants affamés, tant que des vieillards mourront solitaires dans les hôpitaux, et tant que des jeunes gens se suicideront en prison… nous ressentirons cruellement le poids de nos défaillances.

Celui qui parle ainsi, c’est le Jésus couronné de gloire qui trône en majesté sur le tympan de nos cathédrales, c’est celui qui juge et qui condamne… ce n’est pas celui qui est messager d’espérance pour ce monde, ce n’est pas le témoin de Dieu dont nous allons nous souvenir de sa présence parmi nous dans ce temps de l’Avent et de Noël

 

Une présence symbolisé par l’enfant de la crèche, pas pour nous condamner mais pour que nous ayons la vie en abondance.

 

Pourquoi alors cette parabole accusatrice dans laquelle nous avons du mal à entrer?

 

Pourquoi Jésus se met-il en scène sous les traits d’un juge arrogant ?

….

 

Tout simplement parce que nous sommes à un des tournants de l’Évangile !

 

Dans les pages de l’évangile de Matthieu qui vont suivre va commencer la longue série des textes de la passion qui vont donner une autre couleur à la réalité sur Dieu.

 

Et qui vont à tout jamais anéantir ce Dieu vengeur.

 

Finie alors l’idée de Dieu-juge entouré de sa cour d’archanges trônant avec son fils pour punir le monde infidèle.

 

Terminé l’image de ce Dieu qui se met en colère pour préserver sa majesté divine quand elle est offensée.

 

C’est maintenant une autre réalité de Dieu que Jésus va proposer au monde par sa mort qui défie la mort et par sa résurrection qui offre la vie aux hommes quand celle-ci semble avoir disparu.

 

L’image de Dieu qui s’impose désormais à nous, c’est celle du Dieu qui donne la vie, et qui offre aux hommes l’espérance quand l’avenir semble compromis.

 

 

Par sa passion Jésus détruit à tout jamais l’idée que Dieu nous accuse de quoi que ce soit et nous rend coupables de quoi que ce soit.

 

Son projet consiste à nous enrôler dans un processus de vie pour les êtres humains et pour le monde.

 

Cette parabole prend alors l’allure de la caricature de ce que serait le monde si Dieu s’imposait à nous comme un Dieu de justice et non comme un Dieu d’amour.

 

 

C’est la caricature du Dieu qui transparaît dans les discours des pharisiens et que Jésus récuse.

C’est le Dieu des intégristes et des fondamentalistes qui veulent imposer aux autres une loi qu’ils ne peuvent pas s’appliquer à eux-mêmes.

Le Dieu de Jésus Christ a toujours refusé de se laisser enfermer dans la notion de justice telle que les hommes la conçoivent.

 

Il se fera connaître désormais comme celui qui vient vers toutes les femmes et tous les hommes et leur propose à tous le salut comme Michel Polnareff le chantait quand il disait que nous irons tous au paradis,… même les méchants.

Il me plaît donc de regarder l’avenir avec cette conception des choses car je suis sûr que c’est aussi la conception de Dieu.

 

Amen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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