Prédication tirée du texte de Marc 13, 33-36
Nous sommes donc aujourd’hui entrés dans le temps de l’avent, le temps de l’attente.
Ce mot « Avent » vient du latin « adventus », dérivé du verbe « advenir » : arriver.
L’avent, c’est donc ce qui va arriver, ce qui va advenir.
Et vous le savez tous, vos enfants et petits-enfants vont vous le rappeler : ce qui va advenir dans 4 semaines est une naissance improbable, dans un lieu improbable, entourée de gens improbables…
Mais l’enfant de la crèche ne serait qu’un drame social déplorable s’il n’y avait pas autre chose…
Le petit Jésus ne serait qu’une piètre décoration de la crèche sous le sapin s’il ne symbolisait pas quelque chose de bien plus fort, de bien plus intime dans le cœur de chaque être humain.
Car enfin, ça ne vous agace pas de recommencer tous les ans le même cirque : les guirlandes dans les rues, les mauvaises sonos des centres commerciaux débitant les mêmes cantiques et ces pères Noël, ces hommes grimés qui trop souvent quittent le drame de leur chômage pour tirer quelques étoiles dans les yeux d’enfants quand ce ne sont pas des cris d’effroi…
Il y a dans la grande festouille, la grande débauche de Noël, une telle absurdité qu’il doit bien y avoir quelque chose qui nous fait porter notre regard plus loin, qui nous engage plus loin….
Bien sûr, je noircis à l’excès le tableau : Noël est aussi un temps qui offre des moments particuliers, fraternels et chaleureux à ceux qui savent dépasser la froide question économique de l’affaire.
Ainsi s’installe l’attente…
L’attente d’une lumière dans la nuit sombre.
L’attente d’une rencontre qui va venir.
L’attente de quelqu’un, de quelque chose qui va bouleverser notre vie.
C’est important, ce petit rien… C’est important quand la vie est marquée par la peine, la solitude, la tristesse de la séparation, le goût amer du regret. Celui qui n’a pas connu ce sentiment de la vie qui devient pesante, de la déchirure du deuil, de l’effondrement d’un rêve ne peut que difficilement s’imaginer le poids que peut prendre la vie. Ce sentiment du départ sans espoir du retour.
Ce petit rien, c’est le « oui, mais… », c’est la porte qu’on espère voir s’entrouvrir, c’est la nouvelle qu’on n’espère plus, le sourire qu’on n’attendait pas, ce signe qu’on n’attendait plus mais… qu’au fond de nous, tout au fond de notre âme, on espérait toujours.
Lisons le livre d’Esaïe au chapitre 63, verset 16 au verset 7 du chapitre 64
Au fond de chacun de nous, il y a une attente.
Au fond de chacun de nous, il y a une espérance
« Si seulement tu déchirais le ciel… »
Si Dieu déchirait le ciel… Le ciel sombre de nos nuits sans étoile… Le ciel de ma sœur, de mon frère qui… je le sais bien… vit une souffrance contre laquelle je ne peux rien, face à laquelle je me sens si faible…
Déchire le ciel, Seigneur ! Le ciel des vies ternes et vides, le ciel des regrets et des douleurs, le ciel des désespoirs et des révoltent, le ciel des renoncements et des abandons… Tous les ciels noirs et froids comme les nuits d’hivers de notre humanité.
(Quelqu’un allume la première bougie de l’avent)
Lecture de Marc 13, 33-37
Et si…
(Silence)
Celui qui espère a un devoir, celui de veiller.
Jésus dit ces paroles, dans l’évangile de Marc, juste avant ce qui va devenir sa passion. Pour celles et ceux qui l’entourent, sa mort sur la croix va être une terrible déflagration qui va anéantir leur vie… C’est leur espérance qui vole en éclat… Tout s’effondre…
Tout ?
Celui qui veille a une raison, celle d’espérer.
« Veillez », dit Jésus à ses disciples, à celles et ceux qui l’entourent… Ne peut-on pas penser qu’il introduit déjà dans leur esprit l’idée que les évènements à venir ne sont pas une fin en soi ? Que sa fin, sa mort sur la croix n’est pas un trait radical sur tous les petits signes, les paroles comme les guérisons, les miracles comme les gestes de vie, qui ont labouré l’âme de ses fidèles ?
« Veillez » A-t-il dit ! Peut-être avait-il dans le regard cet éclat malicieux de celui qui connait l’espérance à venir.
« Veillez », nous dit Jésus. « Veillez » en ce temps de l’avent qui commence. « Veillez » dans cette nuit froide du monde où les cris de l’angoisse se mêlent aux cris des victimes en Palestine et en Israël, en Ukraine et dans tant d’autres endroits qu’on oublie.
« Veillez » cela ne veut pas dire « attendre », au risque de s’endormir.
« Veiller », c’est prévoir de l’huile pour sa lampe et pouvoir ainsi éclairer le monde au heures sombres…
Veiller, c’est mettre en œuvre les dons que nous avons reçu (nous en avons tous). Veiller, c’est tendre une main, donner un sourire. Veiller, c’est prier pour son proche, son prochain. Veiller, c’est se tenir prêt à l’inattendu de Dieu.
Dans 4 semaines, nous allons encore une fois nous pencher sur le berceau d’un enfant, fils d’une si jeune fille que les habitants de Bethléem (soi-disant sa parenté !!) ont laissé accoucher dans une étable…
Au fond de nous, nous savons. Nous savons que l’enfant si fragile est celui qui bouleverse notre humanité, la tire du néant, et ouvre en grand les portes du Royaume.
Nous sommes invités à veiller car au fond de notre âme, nous savons…
Et si nous le partagions ???
Bon temps de l’avent à tous.