Prédication du 30 janvier 2022

Vous avez raté le culte du 30 janvier dernier ? Retrouvez la prédication du Pasteur Olivier PUTZ ici !

Chers paroissiens, bien aimé frères et soeurs,

La chute des murs de Jéricho ! Peut-être que l’écoute de ce texte vous a re-plongé dans votre enfance. Ce moment chéri où vous coloriez une image représentant les porteurs de l’arche avec en arrière plan l’effondrement des murs de Jéricho. Vous vous êtes souvenus que vous étiez appliqué à choisir les couleurs pour décorer l’Arche et la procession sans vraiment comprendre ce que votre catéchète avait voulu vous enseigner. Avec le recul et la sagesse acquise avec l’âge, vous vous rendez compte du caractère poncif et inutile de cette séance de caté. Pourtant, rassurez-vous, le catéchète essayait de vous transmettre quelque chose.

Les années se sont écoulées et la question demeure : en quoi ce passage biblique dit de l’effondrement des murs de Jéricho est une bonne nouvelle ? Une nouvelle qui me réjouis, me donne l’élan, de la confiance, du courage ? En effet, ce que les dessins des enfants du caté n’évoquent pas, c’est que le peuple élu, les hébreux conduit par Dieu, passe par le fil de l’épée toute la population de Jéricho ! « Ils font mourir tous ceux qui sont dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux. Ils tuent aussi les bœufs, les moutons et les ânes. » En guise de bonne nouvelle, nous pourrions attendre mieux, n’est-ce pas !

Lorsque nous disons que toute la population est passé par le fil de l’épée, nous exagérons. Car Rahab et sa famille sont épargnées. La bonne nouvelle serait-elle qu’aucune extermination de masse n’élimine 100% d’une population ! Qu’il y a toujours une faille, un manque, un détaille qui échappe aux organisateurs de tuerie en masse. Consentez avec moi que si cela est vrai, cela restreint considérablement la portée de la bonne nouvelle !

Alors essayons de prendre de la hauteur dans notre lecture. Prenons le texte pour ce qu’il est, et évitons de le prendre pour ce qu’il n’est pas. Ce texte n’est pas un récit historique : aucune civilisation, à n’importe quel âge de l’humanité, ne donne du crédit à un événement raconté de la sorte. Qui peut croire qu’une procession religieuse peut faire effondrer une défense militaire représentée par des murailles ! Personne de sensé, entendons qui utilise sa raison pour éclairer sa foi, n’accorde une once de crédit en de tels faits. Ce qui veut dire que ce texte ne raconte pas la vérité historique tel que Hérodote, Thucydique ou d’autres historiens antiques l’ont narré.

Ce texte est donc un récit littéraire, inspiré par Dieu. Il a été écrit par des personnes inspirées par l’Esprit de Dieu pour nous dire quelque chose de la volonté de Dieu pour chacun de nous. L’effondrement des murs de Jéricho est donc un récit littéraire qui a pour objectif de donner du sens, de la signification, à travers un événement pour notre vie d’aujourd’hui.

Partant de ce prisme herméneutique, c’est-à-dire du sens que l’on donne à cette lecture biblique, posons les choses de la manière suivante :

  • En quoi une démarche religieuse (ici nous faisons référence à la procession de l’arche autour de Jéricho qui est une mise en marche), en quoi une démarche religieuse donc, peut-elle faire effondrer nos résistances (résistances qui sont symbolisées par les murailles de Jéricho) ?
  • Que faut-il extirper, éliminer (nous faisons références aux morts du texte comme symbole de cette élimination) pour vivre quelque chose de nouveau (car si Josué vient en Canaan avec les hébreux c’est pour vivre et fonder une nouvelle civilisation, vivre quelque chose de nouveau) ?
  • Que faut-il garder (en référence à Rahab et sa famille) comme témoin d’un passé pour nous ouvrir à l’avenir ?

Pour le dire dans un langage qui nous est plus familier, deux thèmes apparaissent dans ce texte de Josué. D’une part, celui de l’effondrement des résistances face à la nouveauté. Et d’autre part, une tension entre la fidélité au passé et l’ouverture à l’avenir. Qu’acceptons nous de perdre (symbolisé par le mode de vie des citadins de Jéricho) pour vivre le renouveau que Dieu envoie (symbolisé par la venue des hébreux en Canaan) ?

Poser cette question de cette manière nous plonge dans l’actualité, non seulement de nos vies, mais également de notre Eglise. Régulièrement, dans notre vie de tous les jours, nous sommes confrontés à cette question : De quoi vais-je me dessaisir pour vivre le renouveau ? Que vais-je abandonner dans mon passé douloureux pour vivre la nouveauté qui m’est donnée ? Cette question peut s’appliquer simplement à ma garde robe. Mais devient plus complexe lorsqu’il s’agit de choix de vie en lien avec le travail, l’éducation des enfants, le lieu de vie voir la vie de couple, l’héritage familiale.

En église, nous sommes aussi soumis à des choix cornéliens entre la perte de l’ancien pour l’ouverture à la nouveauté. Devons-nous ôter la liturgie de nos cultes trop incompréhensibles selon certains, pour inventer des temps cultuels de type café-croissant, pour accueillir tout le monde ? Devons-nous mettre du gospel ou du rock à la place des chorales de Bach ? Devons-nous retirer les bancs incommodes pour des chaises confortables et modulables ? Sommes-nous perpétuellement soumis à la querelle des Anciens face aux Modernes ? La nouveauté doit-elle bousculer la tradition ?

Vivre la question sous cet angle serait une erreur. En effet, ce qui fait effondrer les murailles de Jéricho, ce n’est pas le discernement rationnel, mais la foi ! Cette foi représentée par la procession de l’arche qui tourne sept fois autour de Jéricho. Sept pour symboliser la présence de Dieu. Doublement présent par la symbolique de chiffre et la symbolique de l’arche.

La vraie question est la suivante : quelle résistance représente ces murs de Jéricho ? Quels faux-dieux protègent-ils ? Car la présence de Dieu est un souffle libérateur qui brise toujours les idoles. La question que Dieu nous inspire est donc : quelles résistances ai-je en moi qui ne me permettent pas de vivre une libération ?

L’erreur que nous commettons est d’avancer des discours sociologiques plutôt que de laisser Dieu nous guider. Alors laissons Dieu nous parler. Pour cela, écoutons ce qu’Il a à nous dire en lisant le verset 9 du chapitre 5 de Josué : « Lorsqu’on eut achevé de circoncire toute la nation, ils restèrent à leur place jusqu’à la guérison. L’Eternel dit à Josué : j’ai fait roulé la honte de l’Egypte loin de vous ». L’Eternel a demandé à Josué de circoncire les hommes que ne l’ont pas été depuis 40 ans, ces longues années d’épreuve durant la traversée du désert. Une fois circoncis, Dieu leur adresse cette parole saisissante. « J’ai fait roulé la honte de l’Egypte loin de vous ». La honte en hébreu REREPH c’est aussi l’insulte, le mépris, la défiance. La circoncision, c’est le moment où symboliquement Dieu ôte, fait l’ablation de la honte, de l’insulte, du mépris et de la défiance subis.

Oui, il nous faut, personnellement et communautairement, perdre quelque chose pour vivre le renouveau de Dieu.

Perdre la honte qui nous anime lorsque nous n’osons pas parlé ou témoigner de l’amour de Dieu dans notre vie. Cette honte, résultat d’un passé douloureux qui nous enferme et nous annihile. Combien sommes-nous à parler de manière décontracter de l’onction de Dieu dans nos vies ? Combien sommes-nous prisonnier d’un poids qui nous pèse et alourdit notre existence ? Que ce poids se nomme honte ou autre chose peu importe. Sommes-nous réellement libérés ?

Laisser mourir la défiance qui est en nous, lorsque nous croyons que le christianisme va disparaître, par exemple. Comme si des assemblées vides seraient la preuve de la vacuité de Dieu. Quel manque de confiance en Dieu ! Rappelons-nous qu’à chaque étape du récit, c’est Dieu qui conduit les hébreux grâce à Jésus ! Oh pardon grâce à Josué ! Confusion volontaire car Josué et Jésus c’est le même mot en hébreu.

Josué a comme mission d’apporter un souffle nouveau en Canaan. Jésus a comme ministère de renouveler l’alliance de Dieu et renouveler nos âmes. De réellement nous libérer du poids qui nous enferme dans le vide de l’existence.

Laisser mourir en nous, que ce nous soit personnel ou communautaire, l’orgueil et les vaines gloires, tout ce qui résiste à la plénitude de vie de Dieu.

Nous n’avons pas parlé de cette femme prostituée qui se nomme Rahab. Femme et prostituée. Deux symboles, encore ces symboles, de la fragilité. Etre prostituée, c’est placé la personne aux marges de la société antique. Deux symboles de fragilité là où toute référence à la puissance (l’or, l’argent, les boeufs, les moutons et les ânes) sont rejetés. Souvenez-vous que Dieu interdit aux hébreux conquérant de garder l’or et l’argent et de se séparer des animaux qui pourraient servir comme force de travail.

Valorisation de la fragilité d’un côté. Rejet de la puissance de l’autre.

Alors que nous réfléchissons à quelles résistances doivent s’effondrer pour vivre le renouveau de l’Evangile, quelle murailles doivent s’effondrer pour vivre la paix de Dieu, voilà que la bonne nouvelle devient éclatante devant nos yeux. Préservons la fragilité symbolisée par cette femme au marge de la société. Valorisons la fragilité au détriment de la toute puissance.

C’est en valorisant la fragilité que toutes nos résistances s’effondrent. C’est en accueillant le souffle libérateur de Dieu, souffle sept fois réitérer pour les sonneur de choffar, cette trompette biblique, que l’élan de vie et de plénitude divin nous emportera. Ce même souffle divin qui ramène la vie au matin de Pâques.

Amen.

Pasteur Olivier PUTZ

Dimanche 30 janvier 2022, Rennes

 

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