Prédication
Nous venons de lire deux textes racontant des événements fondateurs dans l’histoire de la relation de Dieu avec les hommes, deux textes d’alliance qui sont essentiels dans l’histoire du salut, l’un tiré du premier testament, et l’autre, issu du second testament.
Est-ce que cela voudrait dire qu’il faut mettre à part le premier parce qu’il serait en quelque sorte périmé et remplacé par le second ?
A travers l’histoire de l’Église et les siècles, certains l’ont pensé… Affirmant que le Dieu de l’ancien testament n’avait rien à voir avec celui du nouveau, parce que ce Yahvé-là est bien trop prompt à la colère, jaloux, inquiétant même, exigeant et dur avec son peuple, pas assez « politiquement correct« , en quelque sorte.
Alors que le Dieu du second testament lui, serait tout à l’opposé empreint d’amour, de compassion, de pardon, de pure bonté.
À travers les siècles dans le monde de la chrétienté, beaucoup de réserves plus ou moins fortes furent ainsi exprimées à l’égard de ce Dieu du premier testament que certains chrétiens des premiers siècles sont allés jusqu’à rejeter.
Pourtant, il est hors de doute que le Dieu des évangiles écrit en grec est le même que celui des auteurs de la Bible hébraïque…
C’est le même Dieu
C’est celui qui s’est engagé depuis toujours à l’égard des humains, se liant fidèlement à eux, les invitant à entrer dans une Alliance dont il est l’initiateur et dont il a constamment annoncé le renouvellement.
D’ailleurs le mot « testament« , utilisé pour désigner les deux parties de notre Bible, signifie justement « alliance« .
Nous l’avons vu cette année au cours des ateliers bibliques, dès le tout début de la création, ce Dieu établit une relation d’alliance avec Adam et Ève et à travers eux, avec toute l’humanité.
Il choisit l’humain comme partenaire.
La portée est universelle : Il fixe la nature de la relation que l’humain est appelé à nouer avec son Dieu, être son vis-à-vis.
Après le déluge, avec Noé et sa descendance, Dieu étend la première alliance à tous les êtres vivants rescapés de l’arche qui peupleront la terre. Il s’engage à ne plus jamais tenter de détruire la vie et il pose un signe, l’arc-en-ciel, pour rappeler cet engagement.
Ensuite avec Abraham, l’alliance se révèle dans une triple promesse : une nombreuse descendance, une nation et une terre à habiter, le pays de Canaan.
Le signe pour garder l’alliance est la circoncision.
Cette alliance, qui insiste sur le lien avec un Dieu unique, se transmet par la suite de père en fils, de descendances en descendances : de celle de Abraham à celles d’Ismaël et d’Isaac, puis à celle de Jacob appelé désormais Israël.
Et parmi les descendants des patriarches, c’est avec Moïse, le médiateur incontestable de Yahvé, qu’a lieu la plus forte actualisation de l’alliance, dans le don du Décalogue et de toute la Loi.
Mais auparavant par l’intermédiaire de Moïse, Dieu aura libéré son peuple de la servitude en Égypte pour que ce peuple puisse aller, libre, en Canaan et être à Dieu sur la terre.
Et ainsi Dieu accomplit sa promesse.
Puis vient donc le don de la Parole, la « Loi » au mont Sinaï, Dieu assurera protection et bénédiction au peuple si celui-ci garde et observe cette Parole.
L’un de nos textes du jour raconte comment cette alliance, ce pacte de liberté souvent appelée « ancienne alliance« , est scellée par le sang d’un sacrifice comme on avait coutume de le faire à une époque où les documents écrits n’étaient pas employés
C’est l’arche accompagnant le peuple dans sa marche, qui rappellera le pacte.
Toutes les grandes périodes qui suivront ensuite et qui marqueront l’histoire du peuple d’Israël, seront des rappels et des réactualisations de l’Alliance fondée au Sinaï.
Mais qui dit alliance, dit aussi engagement.
Et si Dieu s’engage le premier envers Israël, il demande à ce tout petit peuple insignifiant de s’engager pour lui.
C’est pourquoi au pied du mont Sinaï, après avoir communiqué au peuple toutes les paroles de Yahvé, Moïse organise une cérémonie solennelle liant par un pacte Dieu et Israël.
C’est la signification du sang de l’alliance dont une première moitié est aspergée sur l’autel pour signifier que Dieu est concerné, tandis que l’autre moitié est aspergée sur le peuple.
Cet épisode-là est un moment extrêmement fort de l’histoire d’Israël : Il souligne que les deux parties concernées sont pareillement engagées, de manière irrévocable et vitale comme l’est le sang ; et que même si l’un en a pris entièrement l’initiative, les deux sont devenus partenaires d’un projet de vie commun.
Le sang, dans la Bible est un symbole de vie… Contrairement à notre époque où il est lié à la mort.
C’est un engagement d’amour et de fidélité.
Ce rapide survol biblique permet de souligner que tout au long de l’histoire, Dieu s’implique personnellement et s’attache aux hommes dans la chair de leur histoire, pour le meilleur et pour le pire.
Cette relation d’amour parfois tumultueuse si j’ose dire, présentée par les Écritures en terme d’Alliance, est l’expression constante de la grâce de Dieu en faveur de son peuple.
Elle est spécifique à Israël car on ne trouve quasiment pas dans les autres civilisations, d’alliance entre une divinité et les hommes.
Elle s’inscrit dans une relation vivante.
Et après avoir pris Lui-même l’initiative de l’établir, Dieu ne restera pas spectateur, Il n’abandonnera pas la partie et ne jamais lâchera l’affaire en quelque sorte !
Même lorsque que les hommes enfreindront l’alliance et qu’ils seront tentés de vivre en dehors d’elle en rompant le lien, même lorsqu’ils n’attendront plus la grâce divine, quand ils défieront Dieu à Babel, (clin d’œil à notre atelier biblique de demain et samedi prochain…) quand ils se rebelleront avec le Veau d’or, ou qu’ils auront partie liée avec d’autres idoles encore. Malgré toutes ces ruptures, Dieu n’oubliera jamais son Alliance, il la restaure et la maintient. Parce qu’il veut que son peuple avance debout, libre et libéré de tous ses esclavages.
Mais la vocation d’Israël devant l’Éternel comporte très tôt une dimension qui est tournée vers l’extérieur.
Le peuple d’Israël est appelé très rapidement à jouer un rôle de témoin de Dieu au milieu des autres peuples de la terre.
L’élection, c’est-à-dire le privilège dont il bénéficie, n’est pas exclusive.
Il ne peut en tirer ni gloire ni orgueil car Dieu ne cessera jamais d’élargir son Alliance et sa bénédiction pour offrir le salut à tous les peuples de la terre.
On peut évoquer ici le livre biblique d’Ésaïe, qui est largement traversé par cette idée que toutes les nations seront traitées un jour de la même manière qu’Israël.
Pour nous chrétiens, c’est avec Christ que Dieu élargit la première alliance à l’humanité toute entière, et il s’agit là d’un véritable bouleversement dans l’histoire du salut. Bien évidemment Jésus se situe dans la continuité de l’ancienne Alliance d’un Dieu qui est resté fidèle à ses promesses !
Mais tout au long de son ministère, il remet radicalement en cause les conceptions de Dieu qui avaient cours à l’époque, il remet aussi radicalement en cause certaines de nos propres représentations de Dieu, et il nous en libère.
Avec lui, le salut n’est plus l’affaire d’un peuple ni d’un groupe de personnes.
Avec lui, l’espérance de salut n’est plus liée à la capacité d’observance de la Loi, ni à la pratique rituelle d’un culte, ni à la médiation d’une institution religieuse quelle qu’elle soit.
Tout au long de son ministère, Jésus appelle à comprendre que l’annonce de l’Évangile n’est pas réservée au seul peuple d’Israël, mais que cette proclamation doit se faire aux quatre vents, à des gens qui ne sont pas forcément juifs pratiquants.
Il rejette tout système de séparation rituelle et appelle à comprendre que Dieu regarde chaque personne comme un sujet faisant partie de son peuple, et pour lequel il souhaite le plein épanouissement, dans l’amour et la liberté offerts par le Père.
La prédication, la vie, la croix de Jésus sont à comprendre comme l’ultime accomplissement de l’Alliance de Dieu, elles scellent de manière décisive et définitive de l’engagement que Dieu avait pris envers l’humanité.
Et le pain et le vin que nous allons partager dans quelques instants lors de la cène sont les signes de cette Alliance que Dieu réalise avec les humains, de manière universelle.
Dans ce signe, il y a le partage avec les autres, il y a la joie, l’ouverture, la fraternité.
Ce jour-là en préparant la Pâque comme Jésus le leur avait demandé, les disciples ne soupçonnaient pas que leur maître allait changer radicalement le sens de cette fête en l’ouvrant sur une autre dimension.
C’est dans la vie d’un homme, Jésus de Nazareth, que Dieu désormais inscrit sa volonté de réconciliation avec l’humanité.
En participant à cette coupe, nous sommes tous intégrés dans cette alliance, une alliance pour laquelle Dieu ne nous demande aucune contrepartie, sinon celle de croire… Qu’il n’y a pas de contrepartie.
Amen.
Pasteur Hervé STÜCKER
Rennes, dimanche 2 juin 2024