PRÉDICATION DU DIMANCHE 8 JUIN 2025 : Pentecôte

En ce dimanche de Pentecôte, la Pasteure Claire OBERKAMPF nous a proposé une prédication à partir du chapitre 2 du Livre des actes des apôtres et du chapitre 8 de l’Épître de Paul aux romains.

Lectures bibliques

Actes 2, 1-11

 

Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait d’énoncer. Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Etonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d’Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les œuvres grandioses de Dieu ! Tous étaient stupéfaits et perplexes ; ils se disaient les uns aux autres : Qu’est-ce que cela veut dire ? Mais d’autres se moquaient en disant : Ils sont pleins de vin doux!

 

Romains 8, 8-17

Sous l’empire de la chair on ne peut plaire à Dieu. Or vous, vous n’êtes pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l’Esprit est votre vie à cause de la justice. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle. Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez. En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

Prédication

Nous  célébrons cet événement pour le moins extraordinaire qui nous est raconté  au début du livre des Actes, selon la tradition, par l’Evangéliste Luc. Peu de  temps après l’Ascension du Christ survient un grand fracas, des langues de  feu qui se posent sur chacun… stupéfaction générale. Ce jour-là, à la  différence d’autres passages bibliques, le Saint-Esprit ne fait pas dans la  discrétion.  

 

Il y aurait beaucoup à dire tant les deux textes sont riches de sens à  développer mais je souhaitais ce matin explorer un thème commun chez Luc  et Paul que je trouve particulièrement parlant pour nous aujourd’hui : Le lien  entre le Saint-Esprit et l’identité.  

 

Dans les Actes, chaque témoin de la scène, quel que soit son origine entend  les œuvres grandioses de Dieu dans sa langue maternelle. Tous s’étonnent  et se posent la question : En grec, littéralement « Comment se fait-il que  nous les entendions dans notre propre dialecte dans lequel nous avons été  engendrés » ? 

 

Comme pour dire que lorsque le Saint-Esprit souffle, il emploie la langue de  mon intimité qui parle au plus profond de moi-même, il touche au cœur.  Cette langue avec laquelle j’ai grandi, qui a forgé mon identité, cette langue  avec laquelle j’ai appris à découvrir et à décrire le monde qui m’entoure.. Et  ce récit met en scène pas moins de 16 langues différentes, 16 sensibilités, 16 rapports au monde différents… et en réalité bien plus puisque ce sont les  cœurs d’une multitude, nous dit le texte, qui entendent ce message inédit et  inouï de l’Evangile. 

 

Chaque dialecte façonne une façon singulière de voir le monde. Nous  sommes des êtres de parole et c’est par le langage propre à chacun que  notre pensée complexe peut se dessiner. Aussi, la langue que je parle, celle  avec laquelle je déploie ma pensée, influence grandement ma  compréhension du monde. … Il est bon de garder cela en tête d’ailleurs  lorsque nous lisons les textes bibliques.  

 

Rien qu’en cotoyant l’hébreu ancien, langue d’écriture de l’Ancien Testament  et le grec ancien, langue du Nouveau Testament, nous pouvons voir s’ouvrir  sous nos yeux des mondes d’une richesse extraordinaire. 

 

Prenons quelques instants si vous le voulez bien pour vous faire toucher du  doigt cela. 

 

L’Hébreu fonctionne sur un système de racine de trois consonnes, 3 lettres. Chaque mot a une racine de trois lettres à laquelle s’ajoute d’autres  éléments.. comme des préfixe ou des suffixes.. 

Le verbe « souffler » par exemple la racine ב-ש-נ) Noun-Shin-Bet).NASHAV tout le champ  lexical autour de ce verbe se déploie à partir de cette racine de trois lettres : écoutez  bien 

ב ַׁשָנ) nashav) : Verbe signifiant « souffler » (forme de base au passé). 

  1. ב ֵׁושֹנ) noshev) : « Soufflant » (participe présent, masculin singulier).
  2. « souffler de action « : neshiva (נְ שִׁ יבָ ה )
  3. « ventilation «  : neshivut (נְ שִׁ יבּות )
  4. « respiration « : nishuv (נִׁ ּׁשּוב )
  5. ב ֵׁשַּׁׁנ ְת ִׁה (hitnashév) : « Se rafraîchir » ou « prendre l’air » (forme réfléchie du verbe).

 

Le Grec quant à lui, fonctionne de façon tout à fait différente sur un système de  cas et décline les mots dans la phrase selon leur fonction. Comme en allemand  pour celles et ceux qui parlent l’Allemand. Nominatif, accusatif, datif, génitif…

L’ordre dans lequel on place les mots est donc relativement libre en raison de ce système de cas, bien que l’ordre sujet-objet-verbe soit courant. L’ordre des mots  est souvent utilisé pour mettre l’accent sur certains éléments de la phrase.

En grec, il y a trois genres : masculin, féminin et neutre. Le genre des noms  influence les formes des adjectifs et des articles qui les accompagnent. 

 

Vous l’aurez compris, entre l’hébreu et le grec, ce sont deux langues, deux  systèmes de pensées extrêmement différent. D’ailleurs en hébreu, [diapo] le Saint  Esprit est un nom féminin ! Ruah ! en Grec, c’est du neutre ! Pneuma.. vous  imaginez la conséquence que cela peut avoir dans la façon de se représenter Dieu ? 

 

J’arrête là ce petit aperçu des langues bibliques mais j’espère que je vous aurai  donné un peu envie de vous y plonger !  

 

1ère idée donc : Le Saint-Esprit souffle dans la langue de notre intimité, s’adaptant  à nos catégories mais on sait aussi qu’il les dépasse ! C’est le cas dans les langages  universels non verbaux comme la musique, la peinture, ou toute forme d’art, canal  particulièrement emprunté par le Saint Esprit. 

Allons voir maintenant du côté de l’apôtre Paul dans l’Epitre aux Romains qui  fait quand à lui un lien direct entre l’Esprit Saint et l’identité reçue d’enfant de  Dieu. Il affirme que c’est le Saint-Esprit qui me révèle ma véritable identité,  d’enfant du Père qui nous rend frères et soeurs. En insistant sur le fait que c’est  un Esprit de libération. : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves  et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par  lequel nous crions : Abba, Père » 

 

L’Esprit ne me conduit pas à la servitude mais à l’adoption filiale. En me disant  de qui je suis le Fils, la fille, l’Esprit me permet de me connaitre.  

Cette parole sur l’identité nous convoquent aujourd’hui, je le crois, en tant que  chrétiens, en tant qu’Eglise à vivre et à appeler d’autres à vivre de cette liberté! 

Elles nous engage, cette parole, à lutter contre toute forme de repli sur soi, de repli  identitaire, de rejet de l’autre au nom de cet Esprit de Pentecôte qui respecte et  restaure toutes nos identités et empêche que l’une prenne le dessus sur l’autre.

 

Ils sont si rares les lieux aujourd’hui ou peuvent se rencontrer celles et ceux qui  ne parlent pas la même langue, qui ne vivent pas dans le même monde. Le chef  d’entreprise, l’aide-soignante, le musicien, l’agriculteur, le sans-papier, la  bretonne depuis des générations, la célibataire, le couple, le divorcé, la remariée,  le retraité, l’enfant, l’ado, le croyant, l’agnostique, la chercheuse de sens, l’expatrié, le geek, la poète, l’écolo, le communiste ou le nationaliste…  

 

Le récit de Pentecôte rappelle à l’Eglise qu’elle est appelée à être un lieu qui  accueille et assume d’accueillir toute la diversité de la société. Un lieu où je vis  avec celui qui ne prie pas comme moi, qui ne mange pas comme moi, qui ne pense  pas comme moi. Elle doit absolument je crois toujours résister à la tentation du  repli identitaire et de la pensée unique en permettant encore et encore ces  rencontres de mondes différents, aujourd’hui plus que jamais ! Pourvu qu’il ne  s’agisse pas simplement d’être ensemble dans un lieu mais qu’il y ait  véritablement dialogue et connaissance mutuelle… en somme, une vie fraternelle. 

 

Dans notre société où l’on ne se réunit plus que par centre d’intérêt commun, où  il est si facile de s’enfermer dans des bulles numériques, où même les algorithmes  sont développés pour empêcher d’être confronté à une autre façon de penser.  L’Eglise, quand elle valorise la pluralité des parcours, des identités, des paroles  est un formidable levier de libération, et même, je le crois, un formidable antidote  à la montée des régimes autoritaires et totalitaires. 

 

Mais ne nous y trompons pas, l’Eglise n’est pas à l’abri de tomber elle-même dans  ces travers .. 

 

Comment ? 

 

En cédant à la tentation toujours présente de prendre la place de Dieu, la place du  Père. Ce qui est le cas je crois lorsqu’elle prêche une parole infantilisante, qui  ramène à la peur, cette peur que dénonce Paul. Jesus met en garde dans les  Evangiles contre l’hypocrisie des chefs religieux qu’il appelle à l’humilité. 

« N’appelez personne sur la terre votre père, car un seul est votre Père, celui qui  est dans les cieux. » Il insiste que seul Dieu devrait être reconnu comme le Père  ultime, soulignant la relation unique et directe que les croyants ont avec Dieu et  replaçant par là chaque être humain à égale valeur devant lui. 

 

Oui, L’Eglise n’est jamais à l’abri du risque de la dérive sectaire, elle y est même  probablement la plus exposée. 

Rappelons nous « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Corinthiens  3:17) Notre Père aimant nous veut libres et responsables devant lui. 

Réjouissons-nous, car comme disciples du Christ, nous avons reçu un équipement  spirituel par le Saint Esprit. Afin que la peur ne nous domine pas, de nous fige pas  et que nous puissions apporter l’Espérance, et l’incarner dans nos vies.  

 

A chacun et chacune de se faire caisse de résonnance de cet Esprit de Vie qui le traverse. L’accueillir et le laisser circuler entre moi et l’autre pour vivre en êtres  réconciliés malgré ce qui pourrait nous diviser. 

 

Le Seigneur nous envoie annoncer l’amour de Dieu à toutes les nations, dans la  confiance que le Saint-Esprit saura s’adresser à chacune à chacun dans sa langue,  dans la singularité de son histoire. L’Esprit Saint, dans la rencontre, opère ce  miracle.  

 

Gloire à Dieu ! 

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