PRÉDICATION :  Écoute, Dieu t’invite au désert 

« Écoute, Dieu t’invite au désert, au silence du cœur à la source sans fin… »

Évangile selon Luc, chapitre 3, versets 1 à 6

La quinzième année du règne de Tibère César, lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque de l’Iturée et du territoire de la Trachonite, Lysanias tétrarque de l’Abilène, et du temps des souverains sacrificateurs Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il alla dans tout le pays des environs de Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés, selon ce qui est écrit dans le Livre d’Ésaïe, le prophète : C’est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; ce qui est tortueux sera redressé, et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu.

Des dunes de sable dans le désert avec le soleil en train de se lever et quelques nuages dans le ciel.

©︎ Pixabay / HUNG QUACH

Prédication

Nous sommes le deuxième dimanche de l’Avent, période où nous préparons nos cœurs à la venue du Christ. Cette année, nous lisons l’Évangile selon Luc, qui, en tant qu’historien, situe la prédication de Jean le Baptiste dans un contexte historique précis, en mentionnant les autorités politiques et religieuses de l’époque.

Et cela est précieux ! Il nous permet de dater cet événement autour de l’an 28 après Jésus Christ, durant la quinzième année du règne de Tibère-César.

Un événement qui est sans doute passé inaperçu lorsqu’il s’est produit et qui pourtant marque le début d’une ère nouvelle : la parole de Dieu parvint à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Oui, Dieu choisit de se révéler à un être humain, seul, dans un désert. Et à partir de cet appel, Jean le Baptiste va se mettre à prêcher aux foules dans la région du Jourdain.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’encore une fois, Le Seigneur n’est pas là où on l’attend. Jean n’est pas où il devrait être. En tant que fils du prêtre Zacharie, il est censé lui-même être prêtre et prêcher au temple. Mais il est au désert et c’est là que la parole de Dieu lui parvint.

Après cela, il ne va toujours pas au temple mais il se rend dehors, à la rencontre des foules dans la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion, un baptême de changement radical. Là encore, il est en décalage par rapport aux pratiques officielles de l’époque.

En effet, en ce temps là, recevoir la rémission de ses péchés nécessitait des cérémonies au temple avec des sacrifices, et une fois par an il y avait le jour du Grand Pardon, célébré par le grand prêtre (Zacharie avait ce rôle là) mais Jean, au lieu de convoquer les foules au temple de Jérusalem,  appelle au baptême de conversion, dans le fleuve Jourdain.

Arrêtons-nous aux termes employés. Jean appelle à la conversion, en grec c’est le mot « métanoïa » qui signifie étymologiquement changement de pensée. On pourrait dire aujourd’hui même changement de logiciel. Chaque personne est invitée à préparer son cœur, faire de son cœur un cœur nouveau pour accueillir celui qui vient, le Messie qui va venir et qui a été annoncé depuis des siècles par les prophètes… Il vient ! Et ce terme grec de metanoïa (changement de pensée) traduit le mot hébreu « Techouva » qui signifie retour vers Dieu.

Oui, Jean annonce une ère nouvelle, qui nous concerne encore aujourd’hui : celle d’un Dieu qui vient et avec lui l’appel à une transformation du cœur.

Ce passage cite et entre en écho avec le chapitre 40 du Livre d’Ésaïe qui annonce la consolation et le retour de l’Exil du peuple hébreu.

Je suis allée relire ce passage du Livre d’Ésaïe, qui est en réalité légèrement différent de sa citation en Luc :
J’entends une voix crier : « Dans le désert, ouvrez le chemin au Seigneur ; dans cet espace aride, frayez une route pour notre Dieu. Que le niveau des vallées soit relevé, que les montagnes et les collines soient abaissées ! Que les reliefs soient changés en plaines et les hauteurs en larges vallées ! La gloire du Seigneur va être dévoilée, et tout le monde verra que la bouche du Seigneur a parlé. »

Nul doute désormais, le désert est un lieu privilégié de rencontre avec Dieu, l’endroit propice pour écouter sa voix. Il est le lieu privilégié où se prépare la venue du Seigneur, la libération qui vient.

 

Qu’est-ce que le désert ? Lieu ambivalent qui traverse toutes les écritures ?

 

Dans le Premier Testament, c’est le lieu où Moïse et le peuple d’Israël sont guidés par l’Éternel pour sortir de l’esclavage, un temps d’épreuve mais aussi un lieu de promesse. C’est aussi au désert qu’Élie est réconforté par le messager de l’Éternel alors qu’il veut mourir… Plus tard il sera aussi le lieu de la tentation de Jésus pour demeurer dans la volonté du Père.

En effet, dans la Bible, lorsque Dieu veut réveiller son peuple, il le conduit au désert. Plus qu’une punition, c’est le lieu d’un renouvellement, une occasion de se défaire de la futilité pour retrouver le sens des vraies priorités, de l’essentiel.

En hébreu, les mots « désert » et « parole » sont très proches et forment un jeu de mots. Le « désert » se dit  MiDBaR et le mot « parler » « DiBber ». En fait, ces deux mots font entendre les mêmes consonnes DBR et entrent en écho.
De nombreux mystiques y ont reconnu un signe pour les temps d’épreuves, les périodes désertiques de leur vie : au-delà de son aridité et de sa sècheresse, le désert est le lieu privilégié pour entendre la promesse de la part de Dieu.

Aujourd’hui encore, et particulièrement ce matin du 2ème dimanche de l’Avent, le Seigneur nous exhorte ce matin, à fréquenter notre désert, nous retirer à l’écart du tourbillon de la vie et de ses événements pour écouter sa voix.

Ce n’est pas toujours facile, notre désert intérieur est ce lieu où paradoxalement on peut se sentir tellement seul qu’on pourrait en mourir, mais c’est aussi le lieu où la présence divine peut tout changer. C’est le lieu où je peux me sentir jeté dans le vide de l’angoisse, de la peur d’exister, mais où Sa voix me parle et me dit « il est bon que tu sois là ». Oui, il est bon que tu sois là maintenant, en ce moment, tel que tu es, avec ce que tu vis, ce que tu traverses « il est bon que tu sois là, je suis là pour te porter, je suis là pour abaisser les montagnes terrifiantes de ta vie, aligner ce qui est tordu et qui te perd ».

Cette voix, parfois n’est pas audible tant nos vies, nos oreilles, nos esprits et nos cœurs sont remplis d’autre chose, d’autres voix. Cette voix, sans doute faut-il des cœurs exercés au silence pour l’accueillir, des cœurs familiers du désert. Jésus se retirait lui-même souvent dans un lieu désert, à l’écart, à la mer ou à la montagne pour prier.

« Écoute, Dieu t’invite au désert, au silence du cœur à la source sans fin… »

Le Seigneur nous y invite alors je vous propose de nous retirer, chacun, quelques minutes, dans nos déserts respectifs, ce lieu intime au cœur de notre cœur.

(Silence)

 

C’est là que « Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits, les chemins raboteux seront nivelés. »

 

Vendredi, alors que je préparais cette prédication, j’ai retrouvé un texte, écrit par Daniel BOURGUET, pasteur réformé, membre de la Fraternité Spirituelle des Veilleurs et ermite pendant quelques années, à un de ses amis.

Cela décrit magnifiquement je crois, ce qui peut se vivre au cœur de notre cœur, dans l’intime de notre foi, dans ce lieu désert où l’Éternel souhaite rencontrer chacun et chacune de nous… Je vous l’offre ce matin, en guide de conclusion. Ce texte porte le titre : La prière, un art.

Frère,

dis-moi quel est cet art qui surpasse les autres,

qui plus que la musique chante au-delà des mots,

plus encore que la danse rend le corps plus léger,

plus que la poésie habite le silence,

dis-moi donc frère, quel est cet art qui touche le cœur de Dieu ?

 

Un art que l’on peut exercer jusqu’à son dernier souffle,

sur un lit d’hôpital comme au fond d’un cachot,

un art dont l’atelier est dans le cœur de l’homme,

qui attire les grands comme les plus petits, de très savants docteurs comme des illettrés,

j’ai vu le pratiquer un riche en sa maison,

aussi bien qu’un mendiant sur le bord d’un trottoir.

 

Mais dis-moi donc aussi pourquoi il est parfois

plus aride que le désert,

plus obscur que la nuit,

plus rude qu’un combat,

plus pesant que le plomb,

plus vide que le néant,

lui qui toujours, toujours nous fait recommencer,

tant il est désireux du meilleur de nous-mêmes.

 

Frère,

qu’est-ce donc que cet art,

qui donne aussi courage au plus découragé,

qui donne aussi l’espoir au plus désespéré,

qui sait illuminer les ténèbres humaines,

qui porte à bout de bras les fautes les plus lourdes

et fait danser les mots de la joie la plus grande,

qui mieux que toutes larmes sait dire la tristesse,

et bien mieux que le rire exprimer la gaieté ?

 

Quel est aussi cet art, qui nous apprend à voir avec les yeux de Dieu,

qui accorde à l’amour d’être encore plus beau,

qui rend la compassion plus profonde et plus vraie,

qui fait redécouvrir la beauté du silence,

qui rend présent au présent,

sans fuir dans le passé ou bien dans l’avenir,

qui jamais n’est sans Dieu car Dieu en est le Père,

comme il en est le but, le cœur et le secret.

 

Cet art

auquel tu t’es déjà tant de fois exercé,

lequel aussi t’as vu souvent découragé,

cet art qui t’a déjà procuré tant de joie tu le connais sans doute encore mieux que moi,

cet art mon frère est la prière,

Aime-le donc encore comme un fils de ta chair,

Frère, poursuis ton art : c’est la vie de ta vie.

 

Mais la prière encore est beaucoup plus qu’un art,

Elle est mon cœur le chante !

Elle est une rencontre,

Elle est balbutiement dans l’étreinte du Père,

Elle est aussi parfois un éblouissement

une soudaine ivresse, une douce blessure,

elle est ce qu’en fait Dieu, car il en est le Maître,

Bienheureux est le jour où ta prière éclate

Pour n’être plus qu’un chant, un murmure, un silence…

Mais cela tu le sais, de Dieu tu l’as appris

garde donc le silence, ô toi mon frère et prie.

 

Pasteure Claire OBERKAMPF

Rennes, dimanche 8 décembre 2024, 2ème dimanche de l’Avent.

 

 

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