PRÉDICATION : Quelle est ton idole ?

Dimanche 13 octobre 2024, pour sa prédication, la Pasteure Claire OBERKAMPF s'est appuyée sur le chapitre 10 de l’Évangile selon Marc, versets 17 à 27.

Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 17 à 27

Comme il se mettait en chemin, un homme accourut et se mit à genoux devant lui pour lui demander : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d’adultère ; ne commets pas de vol ; ne fais pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère. Il lui répondit : Maître, j’ai observé tout cela depuis mon plus jeune âge. Jésus le regarda et l’aima ; il lui dit : Il te manque une seule chose : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. Mais lui s’assombrit à cette parole et s’en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens.
Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu’il est difficile à ceux qui ont des biens d’entrer dans le royaume de Dieu !
Les disciples étaient effrayés par ses paroles. Mais Jésus reprit : Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ? Jésus les regarda et dit : C’est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu.

Prédication

Nous venons d’écouter le récit de la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche, récit présent dans l’Évangile selon Marc, selon et selon Matthieu.  

Voilà un homme qui a tout pour lui. D’abord, il est encore jeune et déjà riche, ce qui n’est pas donné à tout le monde. C’est aussi un exemple moral : rigoureux avec lui-même, il ne transige pas avec l’éthique. Il applique la loi. 

“ Cerise sur le gâteau ”, ce jeune homme est un croyant fidèle, qui s’efforce de mettre en pratique sa foi. 

Jeunesse, richesse, profondeur intérieure, morale, foi : dans tous les sens du terme, c’est un jeune homme riche. 

Bref, aujourd’hui ce serait le paroissien parfait. Et pourtant… 

Pourtant, cela ne lui suffit pas ; il est en quête d’autre chose, comme si l’essentiel manquait… Quelque chose que sa bonne conduite et sa situation confortable ne peuvent pas lui donner : « Bon Maitre, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » demande t-il à Jésus ? 

Arrêtons-nous quelques instants sur cette phrase qui a de quoi étonner. « Que dois-je faire pour hériter ? »  : Le propre d’un héritage est qu’il se reçoit, il n’y a rien à faire pour le toucher, il suffit d’être de la famille de celui qui le donne. Question étonnante donc qui montre la logique tellement humaine dans laquelle se trouve cet homme, la logique de performance, la logique du « faire, faire toujours plus » et qui ne laisse pas de place à la paix dans son cœur. 

Et «  la vie éternelle »…  

Pas évident ce terme. Qu’est-ce que c’est ? 

On entend souvent dans ce terme, la promesse de la résurrection, d’une vie après la mort, dans la paix éternelle. Alors oui, mais en regardant le grec de plus près, ce n’est pas que cela.  

La vie éternelle, en grec,  ZOEN AIONION 

Il s’agit bien du mot  « Zoe » en grec, qui désigne la vie en plénitude à la différence du mot «  bios » qui désigne la vie biologique. 

Quand au mot aiónios qu’on retrouve souvent dans le NT, il implique autant la qualité que la quantité de vie. 

Donc cette expression ZOEN AIONION, « Vie éternelle » insiste doublement sur la qualité de vie. 

En fait, on pourrait dire que la vie éternelle c’est une une vie vraiment Vivante, Une vie illuminée et habitée par la présence de Dieu, une vie qui se laisse transformée jour après jour par le Christ en moi, portée par le souffle de l’Esprit. Une vie dans laquelle je suis libéré de mon conditionnement d’humain, de tout ce qui m’enferme, me bloque, me paralyse.. La vie éternelle est même indépendante du temps « chronos », qui se compte.  

Nous n’avons pas à « l’attendre », et encore moins à faire quelque chose pour l’obtenir car elle ne commence pas à notre mort, mais à l’instant où nous mettons notre foi en Christ. Comme il est écrit dans l’Évangile selon Jean, chapitre 3, verset 36 dit : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. » C’est du présent ! C’est pour maintenant !

 

Revenons au texte :

 

Jésus, comme toujours se met à la hauteur de celui ou celle qui l’interpelle. Il va répondre sur le même registre, celui du « faire », celui de la Loi : Il cite quelques uns des fameux 10 commandements bien connus en ajoute un comme pour les résumer : « ne fais de tort à personne ».  

Et l’homme de répondre : Maitre, j’ai obéit à tous ces commandements depuis ma jeunesse ».
Jésus, ayant fixé son regard sur lui, l’aima. Temps suspendu… Jésus regarde au cœur et il voit, il comprend ce qui bloque.  

A la vertu radicale de cet homme, Jésus oppose la générosité radicale : « vends tout ce que tu as et donne le aux pauvres ». L’homme veut tout faire, Jésus l’invite à tout abandonner, tout lâcher. Il lui propose ce jour-là de tout quitter pour le suivre, comme il a proposé à Pierre, André et les autres avant lui.  

Par cette parole, Jésus ne lui propose pas une nouvelle loi, mais une rencontre : “ Viens, suis-moi. ”

 

C’est son trop qui l’empêche d’être bien. C’est sa richesse qui l’écrase, qui l’inquiète, qui le déchire, qui gâche sa joie à appliquer la Loi alors… Il lui reste à devenir pauvre pour pouvoir tout recevoir de Dieu, pour accéder au Dieu-qui-donne plutôt qu’au Dieu qui récompense ! Un autre trésor oh combien plus précieux l’attend ». Et l’ homme repart ; il ne lui est pas possible de venir à Dieu les mains vides, et de suivre Jésus sans garder au moins un peu la garantie de ses richesses. 

Il est prêt à tout faire… Sauf tout risquer, sauf ne plus rien pouvoir… Faire.   

« Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi. » 

Par cette phrase radicale Jésus nous enseigne que l’amour véritable qu’il nous appelle à vivre est indissociable de la notion de partage et donc de dépendance.  

Quant à l’argent, aujourd’hui encore, il est un maître puissant et donc, bien souvent, un obstacle à la vie éternelle. Comme disait Alphonse Maillot, pasteur, prédicateur inspiré et non conformiste, il ne faut pas tricher avec ce texte, il faut accepter de le prendre en pleine figure, et en pleine poitrine (là où loge parfois le portefeuille). 

Oui, disons le, l’argent et sa logique peuvent m’empêcher d’être disciple, de vivre dès à présent à la suite du Christ, de vivre justement la qualité de vie de la vie éternelle. Car il nous fait croire que l’essentiel s’achète : la sécurité, la bonne conscience et même parfois l’amitié, l’amour conjugal ou l’amour de nos enfants.  

Dans l’Évangile, Jésus personnifie l’argent, en lui donnant le nom de Mamon. Il nous avertit : l’argent n’est pas neutre, ce n’est pas un simple outil au service des échanges humains non, l’argent est une autorité spirituelle. C’est-à-dire qu’il peut exercer sur les humains une influence et une fascination.  En d’autres termes, il peut devenir une idole, un faux Dieu. 

Il suffit de voir comment notre monde évolue pour le constater. La logique de l’argent repose sur l’achat et la vente, l’accumulation, la course au profit. La logique de l’Évangile, quant à elle est bien différente :  Jésus parle de don, de grâce -c’est-à-dire de gratuité, de confiance et de générosité.  

Jésus appelle ses disciples, nous appelle, à une vie à contre-courant de la logique du monde, lorsque celui-ci évolue selon les lois du marché. Autrement dit, pour être disciple du Christ il faut le courage de vivre autrement, d’incarner une autre façon de vivre et ce à chaque époque car la fascination de l’argent a toujours dirigé le monde. Et aujourd’hui, dans notre société, c’est un sacré challenge.  

On peut aller plus loin encore, faire un pas de plus, car il n’y a pas que l’argent qui peut devenir une idole, un faux Dieu.. La question que Jésus nous pose aujourd’hui, à travers ce texte, à toi et à moi est la suivante :  

Qu’est-ce qui t’empêche de suivre le Christ, de vivre la qualité de Vie à laquelle il t’appelle ? 

Qu’est-ce qui te tient prisonnier ?  

Toi, de quoi dois-tu t’alléger : de l’argent comme le jeune homme riche ?  

De la difficulté à faire confiance ?  

De la course contre le temps et de la multiplication des activités sensées te faire oublier que tu ne vis pas vraiment ?  

T’alléger du souci permanent de ton image ? L’obsession de la réussite professionnelle et sociale ? 

De la peur de perdre la maîtrise de ta vie ?

La liste est infinie… Chacun et chacune auront leur réponse…  

Ne nous y trompons pas !  

Le Christ ne fait pas de la pauvreté matérielle une condition pour hériter la vie éternelle. Des riches auront d’ailleurs le privilège de l’accueillir chez eux.  Simplement, Jésus sait que, pour cet homme-là, l’argent l’empêche de le recevoir. 

Comme le malade alcoolique doit complètement cesser de boire pour s’en sortir, le jeune homme riche devra se débarrasser de toutes ses richesses. Et le fait même qu’il refuse “ parce qu’il avait de grands biens ” montre que Jésus avait vu juste ; il avait désigné “ l’idole ” de cet homme.  

« Qu’il est difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » Plus facile à un chameau d’entrer dans le chat d’une aiguille. Autrement dit, c’est impossible.  

Les disciples sont effrayés, on peut les comprendre. Mais alors qui peut être sauvés se demandent ils ? Et Jésus de répondre : « C’est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu ».  

Voilà la réponse au jeune homme riche qui s’en va tout triste ! Voilà notre consolation ce matin !  Le salut, la joie, la paix, l’amour véritable ne viennent pas de nous mais de Dieu.  

Autrement dit, je n’ai pas besoin de réfléchir à la façon dont je peux faire passer un chameau par le trou d’une aiguille en m’affairant sans cesse mais  j’ai à m’inscrire dans la confiance d’un Dieu qui me sauve malgré mes richesses, malgré mes idoles.  

« C’est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu ». 

Oui, une chose peut, par la foi, la foi en Jésus Christ, devenir possible : reconnaître, recevoir le trésor que nous possédons déjà, dans le Ciel, là où, comme Jésus dit ailleurs, “la rouille ne détruit pas et où les voleurs ne volent pas” (Évangile selon Matthieu, chapitre 6, verset 10). 

Il devient possible de nous confier en Dieu, et dès lors ne plus avoir un cœur de riche, mais un cœur de disciple ; possible de ne plus avoir envie de conserver nos biens, mais envie de recevoir le seul bien enviable, l’incalculable trésor qu’est Dieu lui-même. 

Le jeune homme riche n’était malheureusement plus là pour entendre cette bonne nouvelle mais qui sait, peut-être est-il revenu le lendemain ? Ce n’est pas dit, l’Évangile reste ouvert…  

Amen.

 

Pasteure Claire OBERKAMPF

Rennes, dimanche 13 octobre 2024

 

Crédits : Évangile et Peinture / Bernadette Lopez Heredia

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