Noël nous invite à regarder avec tendresse cette terre devenue berceau du Dieu déchiré par la tragédie humaine. Plus que jamais il nous faut tenir ce paradoxe inouï : la fatalité du malheur est abolie par l’impensable traversée qu’en fait le Dieu-avec-nous.
Pas de paix sans un juste rapport à l’autre. Pas d’écologie sans un juste rapport à la nature. Pas de lutte contre la misère sans un juste rapport à la richesse. Pas d’humanité sans un juste rapport à l’autre et à soi-même. Pas de juste rapport à soi sans un juste rapport à Dieu. Et c’est justement cela qui nous est donné à Noël. Par grâce.
Nous n’avons pas le droit de nous taire. Sans nullement prétendre à l’hégémonie religieuse, nous pouvons dire qu’un juste rapport à Dieu, fondateur de liberté, est offert à tout humain. Là repose notre légitimité. Sans être experts en relations internationales, nous pouvons dire que la vengeance ne justifie pas la guerre. Sans être experts en politique migratoire, nous pouvons dire qu’il n’est pas juste de faire de l’étranger un problème, car le problème c’est la progression des racismes. Sans être experts en prospective, nous pouvons dire qu’il n’est pas juste de considérer le monde comme un réservoir où puiser sans limite.
Le Président de la République s’est présenté comme un rempart face à l’extrême droite. Or, voilà que son gouvernement a lui-même ouvert une large brèche dans la muraille. Divisant la majorité présidentielle, la loi sur l’immigration transcrit toutes les propositions du Rassemblement National. Elle a été votée par les députés de ce parti qui n’a jamais rompu avec les idées racistes qu’en surface. Ce n’est pas anecdotique, c’est symptomatique : l’unité se fait autour de nos plus bas instincts de mépris et de rejet plutôt qu’autour de la difficile construction d’une fraternité toujours fragile.
Notre fidélité à Noël appelle à nommer et à combattre le danger. Jointe à celle des chrétiens d’autres confessions, notre voix n’est pas négligeable. Le Pape a déjà courageusement pris la parole en ce sens. A l’heure où, en Europe et dans le monde, les propos les plus attentatoires à la dignité humaine se banalisent jusqu’ à paraître légitimes, il y a une urgence œcuménique à prononcer ensemble une parole commune de vigilance, de résistance et d’espérance.
Je nous invite, toutes et tous, à entendre cet appel et à nous en faire l’écho avec courage, force et douceur. Il ne s’agit pas de donner des leçons, il s’agit de dire non. Modestement, fermement.
Une voix résonne encore : « Va à Ninive ! »
Pasteur Didier FIEVET
Janvier 2024