LE SAPIN : Un signe religieux

Que vient faire le roi des forêts entre l’âne et le bœuf de la Nativité ? Il célèbre le retour au paradis terrestre à travers la naissance du Christ rédempteur.

Avant le sapin, il y eut l’arbre. Ou la branche. Les Romains décoraient leurs maisons de végétaux durant les calendes de janvier et les Scandinaves plantaient un sapin devant leurs maisons pour les fêtes de Jul. Les premiers chrétiens célébraient le solstice d’hiver et la période de Noël en ornant leurs maisons de branches dont le vert persistant symbolisait l’immortalité.

Un sapin de Noël décoré avec des bougies allumées et quelques décorations en bois.

©︎ Unsplash / Eliott B

Mais la véritable origine de l’arbre de Noël est à relier à une tradition médiévale à signification religieuse : les mystères du Moyen-Âge, où l’on représentait sur les parvis des églises, à côté de la crèche et des bergers, la Chute du Paradis, avec l’arbre de la connaissance et les fruits (pommes rouges : boules du sapin) de la tentation. C’est cette représentation qui donna à l’arbre de Noël sa signification chrétienne, le péché de l’homme étant, cette nuit-là, expié par l’incarnation du Christ.

 

L’arbre de la tentation se confond avec l’arbre de vie. Noël célèbre le retour au paradis grâce à la venue du Christ.

 

Progressivement, l’arbre de Noël passa de l’extérieur de l’église à l’intérieur des maisons, décoré de pommes (la mort, le péché) et d’hosties (symbole du pain dispensateur de vie), reliant Noël à la rédemption de Pâques et au corps du Christ offert pour le pardon des péchés. Plus tard, les hosties se transformeront en petits gâteaux de Noël, à quoi s’ajouteront des roses en papier multicolore.
Les bougies viendront plus tard, par association avec l’ancienne vénération de la lumière durant la période la plus sombre de l’année. L’arbre de Noël deviendra alors arbre de lumière, symbolisant la lumière du Christ venant éclairer les ténèbres.

 

Le premier témoignage de bougies sur l’arbre le 25 décembre remonte vers 1660, à Hanovre. C’est la princesse palatine, épouse du frère de Louis XIV et duchesse d’Orléans, qui le raconte dans une lettre à sa fille. Mais ses tentatives pour introduire cet usage en France resteront vaines. Ce sera finalement une autre duchesse d’Orléans, belle-fille du roi Louis-Philippe (née Hélène de Mecklembourg) qui fera dresser le premier sapin français aux Tuileries, en 1837.

Quant aux boules de Noël, d’abord rouges et nées semble-t-il autour de 1600 dans des verreries de Lorraine et de Thuringe, elles mêleront la référence au fruit défendu à celle des présents apportés par les Rois mages, symbolisés à l’époque par de fines feuilles de métal doré que l’on suspendait au sapin.
Dès le XVIIIème siècle, l’arbre décoré se répand en terres protestantes. Allemagne, Scandinavie, Suisse alémanique. En 1840, il franchit la Manche et brille au château de Windsor, dressé par la reine Victoria et son époux, le prince Albert (un Saxe-Cobourg, né Allemand). Il apparaît en Russie en 1852, devant la gare Sainte-Catherine à Saint-Pétersbourg. Enfin, le premier sapin de Noël américain brille en Pennsylvanie, sous l’influence des soldats immigrés allemands, lors de la guerre de l’Indépendance.

Quant aux pays méditerranéens, ils ne l’adopteront qu’au milieu du XXème siècle.

Car le sapin de Noël fut d’abord protestant. Hostile aux représentations de la Nativité, qu’elle qualifie de superstitions papistes, l’Église réformée leur oppose l’arbre du paradis et de la rédemption. Lequel, du coup, fait figure, aux yeux de l’Église de Rome, de concurrent païen de la crèche et de symbole du protestantisme.

Aujourd’hui, en pleines polémiques sur les signes religieux dans l’espace publique, les sapins envahissent ce même espace publique. Beaucoup en ignorent l’origine : nous pouvons paisiblement leur rappeler. Il est un signe d’espérance pour tous.

 

Pasteur Hervé STÜCKER

D’après un article paru en décembre 1997 dans la revue suisse Fémina.

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